Démission de Macron : la rupture avec Hollande, l'irrévérence à laquelle s'est refusé Valls

Démission de Macron : la rupture avec Hollande, l'irrévérence à laquelle s'est refusé Valls En quittant le gouvernement, Emmanuel Macron se désolidarise des choix et de la politique menée par François Hollande.

[Mis à jour le 30 août 2016 à 23h53] Après des semaines de tergiversations, de coups de com' plus ou moins bien ficelés, après avoir bien pris soin de s'entourer de caméras pour annoncer qu'il n'était "pas socialiste", après avoir réuni une vaste équipe de professionnels pour la gestion de son mouvement "En marche", Emmanuel Macron a quitté le gouvernement. Il a expliqué son choix lors d'un discours prononcé depuis Bercy, mardi soir. Le désormais ex-ministre a commencé par établir son bilan, sans rien renier. "Ce n'est pas un choix dirigé contre les années passées à l'Elysée ou au ministère de l'Economie, au contraire, j'en suis fier", a-t-il affirmé. Mais Emmanuel Macron pense avoir "touché du doigt les limites de notre système politique".

Lors de cette allocution, Emmanuel Macron a laissé entrevoir ses projets. "Dans notre pays, le seul moment où les débats nécessaires peuvent utilement avoir lieu sont les campagnes présidentielles", a-t-il affirmé, ajoutant que pour mener ces débats, il fallait être "libre". Il entend donc présenter "dès la fin du mois de septembre", son "diagnostique de la France". Ensuite, il proposera, avec l'aide des collaborateurs de son mouvement En marche, "des actions en profondeur", "un projet ancré dans le réel". Sera-t-il candidat à l'élection présidentielle ? Emmanuel Macron n'a bien sûr pas répondu à cette question mardi soir. Mais il s'est toutefois dit "déterminé à tout faire pour que nos valeurs, nos idées, notre action, puissent transformer la France dès l'année prochaine". L'ex ministre a également eu un mot pour François Hollande. "Je suis convaincu que les Français lui rendront justice d'avoir fait face à des difficultés exceptionnelles", a-t-il dit.

Hollande affaibli par la démission de Macron

Mais la démission d'Emmanuel Macron ressemble à un vrai coup dur pour le chef de l'Etat : le départ de son ancien conseiller à l'Elysée - qui incarne dans l'opinion une forme de renouveau politique et une forme de réformisme de gauche - le fragilise politiquement. Lui qui doit déjà compter sur la candidature à la présidentielle de 3 anciens ministres de son quinquennat enregistre un nouveau désaveu public. Pire, le président est allé au bras de fer avec Emmanuel Macron, en lui demandant de retarder son départ et de déclarer qu'il le soutiendrait pour la campagne à venir, selon les informations de Challenges. Le magazine économique assure que le jeune homme a tout simplement refusé.

"Pour François Hollande, c'est un rétrécissement nouveau de sa majorité", regrette un proche du président auprès de l'Express. Le site de l'hebdomadaire cite un ministre qui, lui, minimise les choses : "Ça clarifie les choses et les conséquences seront beaucoup plus faibles que s'il l'avait fait il y a quelques mois".

Le 14 juillet dernier, François Hollande avait publiquement adressé un avertissement à Emmanuel Macron, l'appelant à être à "plein temps dans sa tâche" et à "servir jusqu'au bout" au sein de l'exécutif. "Respecter ces règles, c'est rester au gouvernement, ne pas respecter ces règles, c'est ne pas y rester", avait-il mis en garde, comme pour rappeler qu'un départ serait considéré comme une désertion. Le rapport de force entre Emmanuel Macron et François Hollande - à qui le ministre doit tout - est en train de se préciser : celui qui avait clamé devant 3000 personnes, lors d'un meeting à la Mutualité, que la France était "usée par les promesses non tenues" est entré en dissidence, et a donc rompu avec la ligne de la loyauté vis-à-vis du président.

En vidéo - Premières réactions au départ d'Emmanuel Macron :

"Démission de Macron : "Les rats quittent le navire", selon Lienemann"

Macron contre Valls en 2017 ?

Manuel Valls va lui devoir composer avec l'aventure personnelle de son ex-ministre de l'Economie, lui qui s'est toujours refusé à apparaître déloyal, réaffirmant régulièrement que la hiérarchie des pouvoirs l'obligeait. "Jamais je n'ai fait et je ne ferai de chantage à la démission. Le narcissisme, l'égotisme et les caprices, je laisse cela à d'autres", déclarait-il au Journal du Dimanche en mars. Mais le Premier ministre n'est pas dupe : désormais, si François Hollande n'est pas candidat à sa succession, la voie qui lui semblait dégagée pour la présidentielle ne l'est plus. Face au locataire de Matignon, que le chef de l'Etat aurait pu - ou pourrait - adouber, le jeune et populaire Emmanuel Macron se tiendra sans doute sur sa route.

Le jeune homme de 37 ans y songe forcément : les sondages et les enquêtes d'opinion à son sujet l'ont renforcé dans l'idée qu'il incarne le renouveau, la réforme et l'audace à gauche, prenant sur ce créneau-là la place à Manuel Valls. Mais, selon Les Echos, Emmanuel Macron ne se lancera dans la course à l'Elysée que si François Hollande y renonce. Il patientera, donc, jusqu'à ce que le chef de l'Etat annonce sa décision. Mais contrairement à Manuel Valls, Emmanuel Macron pourrait ne pas passer par la primaire, celle-ci étant très affiliée au Parti socialiste, duquel il essaie de se démarquer. Si tel est le cas, sa candidature pourrait redistribuer les cartes et empêcher François Hollande - et sans doute Manuel Valls - de se présenter à leur tour.

Lors d'un déjeuner organisé à Bercy, au mois d'août, avec ses soutiens, Emmanuel Macron s'était expliqué sur son initiative. Le Figaro livre sur son site Internet quelques confidences de l'ancien ministre : "Je serai solidaire de ce qu'on a fait au gouvernement, de ce qu'a fait le président". Je pars car la classe politique est totalement déconsidérée. L'offre politique ne correspond plus à ce qu'attendent les Français. Or, je suis l'un des seuls à capter un électorat qui ne s'intéresse plus à la politique, qui a décroché", expliquait-il. Et de lever le voile sur ses ambitions : "On ne sait pas ce que Hollande va faire en 2017. Mais dans le cas de figure où il ne serait pas candidat, je ne peux pas attendre décembre !".