Abdel Malik Petitjean et Adel Kermiche : les deux terroristes de Saint-Etienne-du-Rouvray

Abdel Malik Petitjean et Adel Kermiche : les deux terroristes de Saint-Etienne-du-Rouvray ATTENTAT ROUEN - Abdel Malik Petit Jean et Adel Kermiche : ce sont les noms des deux terroristes de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Les deux assassins avaient 19 ans.

[Mis à jour le jeudi 28 juillet 2016 à 9h22] L'enquête avance : le nom des deux terroristes est désormais connu, les renseignements et les forces de police vont désormais pouvoir s'intéresser à leur profil et à l'éventuel réseau par lequel il se seraient radicalisés. Le premier terroriste,  Adel Kermiche, 19 ans, a été identifié comme l'un des auteurs de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, non loin de Rouen dès mardi. François Molins, le procureur de la République de Paris, a confirmé cette information lors d'une conférence de presse. Il a également indiqué que cet individu était originaire de Mont-Saint-Aignan, une commune proche de Rouen, en Seine-Maritime.

Comme l'affirmaient les médias plus tôt dans la semaine, Adel Kermiche n'avait "aucune condamnation sur son casier judiciaire" mais était connu des services antiterroristes pour avoir tenté à deux reprises de se rendre en Syrie. Il était assigné à résidence sous bracelet électronique chez ses parents à Saint-Etienne-du-Rouvray.

Abdel-Malik Nabil Petitjean, également fiché S

Le second terroriste a également été identifié, formellement et son nom a été rendu public par le parquet. Selon le site de la chaîne M6, qui a révélé l'information mercredi, cet homme "n'avait pas de casier judiciaire, ses empreintes ne sont donc pas enregistrées dans les fichiers de la police", ce qui explique qu'il n'ait pas pu être identifié rapidement. Des perquisitions ont lieu mercredi matin dans les domiciles de personnes de son entourage. Il a fallu attendre les analyses ADN que son identification soit formellement annoncée par les enquêteurs. Que sait-on de lui ? Abdel-Malik Nabil Petit Jean était âgé de 19 ans, était originaire de Saint-Dié-des-Vosges, avait passé son bac l'an dernier à Aix-les-Bains, en Savoie.

Il faisait l'objet d'une fiche S, qui a été émise par les services de renseignements il y a peu. RTL a révélé en début de soirée mercredi que les services antiterroristes français étaient sur sa trace depuis quelques jours. Un service étranger aurait contacté le 22 juillet dernier les renseignements pour les avertir qu'un homme s'apprêtait à commettre un acte violent sur le territoire français, avec pour seul indice, une photo de l'individu.

Interrogée par BFM TV, la mère d'Abdel-Malik Petitjean, a fait part de son émoi. Pour elle, il est "impossible" que son fils ait agi aux côtés d'Adel Kermiche. "Je connais mon gamin, il est gentil, j'ai pas fait un diable moi". Lorsqu'on lui demande s'il parlait de Daesh, elle répond :"Non, non, pas de Daesh, quand même pas. On est positifs nous, on parle des trucs biens".

De son côté, l'Etat islamique a diffusé mercredi une vidéo, via son agence Amaq, dans laquelle on voit deux hommes, présentés comme étant les deux auteurs de l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray, prêter allégeance au chef de l'organisation terroriste.

Adel Kermiche : des témoignages surréalistes

La radio RTL a contacté plusieurs personnes de l'entourage d'Adel Kermiche. Un voisin de 60 ans indique qu'il "ne parlait jamais". "Je l'ai vu pour la dernière fois vendredi. Il jouait au foot dans son jardin". Un jeune qui le connaissait assure : "Ce ne sont pas des musulmans qui ont voulu faire ça, c'est lui, de sa propre personne. Il a déconné, c'est tout. C'était un garçon normal, un jeune comme tout le monde, à l'école, au stade, au foot. Je ne sais pas ce qu'il lui a pris". Un autre ajoute : ""Sur le Coran de La Mecque, il m'a dit : 'Je vais attaquer une église'. Il m'a dit ça il y a deux mois en sortant de la mosquée. Sur la vie de ma mère, je ne l'ai pas cru".

Le procureur de la République a également décrit le parcours d'Adel Kermiche. Le jeune homme a tenté une première fois de se rendre en Syrie, le 23 mars 2015, en utilisant l'identité de son frère. Arrêté par les autorités allemandes, il est mis en examen en France pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme" et placé sous contrôle judiciaire. Un mois et demi plus tard, nouvelle tentative avec la carte d'identité de son cousin. Suite à l'émission d'un mandat d'arrêt international, Adel Kermiche est interpellé en Turquie, expulsé en Suisse puis extradé vers la France. Il est placé en détention provisoire jusqu'au 18 mars 2016, date à laquelle il est assigné à résidence chez ses parents, avec l'obligation de porter un bracelet électronique. Il bénéficie alors de permissions de sortie entre 8h30 et 12h30 du lundi au vendredi et de 14h à 18h le samedi, dimanche et les jours fériés. Le parquet de Paris avait fait appel de ce placement sous contrôle judiciaire, en vain.

La radicalisation d'Adel Kermiche fulgurante après Charlie

Selon un article de la Tribune de Genève daté de 2015, Adel Kermiche aurait été influence par la tuerie de Charlie Hebdo dans sa radicalisation. L'attentat contre le journal satirique aurait même "agi comme un détonateur", selon sa mère, qui avait été interrogée en mai 2015 par le journal suisse. La transformation sera rapide et radicale. Adel Kermiche est décrit alors comme un "gamin joyeux, gentil, qui aime la musique et sortir avec des copines". Mais rapidement il ne sort plus, si ce n'est pour aller très régulièrement à la mosquée.

A table, les leçons de morale religieuse prennent vite le pas sur les conversations normales. Sa mutation prendra moins de trois mois écrit alors la Tribune de Genève. "Il disait qu'on ne pouvait pas exercer sa religion tranquillement en France. Il parlait avec des mots qui ne lui appartenaient pas. Il a été ensorcelé, comme dans une secte", confiait toujours sa mère, professeure, à l'époque. Ses proches, parents mais aussi frères et sœurs, auraient tenté de le raisonner et de le surveiller écrit encore le titre helvète (lire sur la Tribune de Genève).

Dans la presse suisse, déjà choquée par cette affaire, Jean-Paul Rouiller, directeur du Centre genevois d'analyse du terrorisme, s'attarde sur le profil du jeune homme. Il décrit alors un ado sans "ancrage religieux profond", qui se trouve "en échec scolaire" et qui "bascule" avec une rapidité étonnante. "Il passe énormément de temps sur Facebook. En analysant ses postes, on voit son évolution. Il ne s'en cache pas. Des éléments montrent qu'il sait qu'il va se battre, dans une vision idéalisée du combat", disait alors cet expert du terrorisme.

Plusieurs autres jihadistes dans le viseur de la justice sont par ailleurs originaires de Normandie, notamment Maxime Hauchard, un converti à l'islam identifié fin 2014 comme l'un des bourreaux de l'EI, qui a grandi dans une commune près de Rouen. D'après une journaliste de CNN, Christiane Amanpour, qui cite une source des renseignements français, il connaissait Adel Kermiche.

Adel Kermiche : deux départs pour la Syrie, deux interpellations, deux retours

Durant toute la journée de mardi, les médias ont tenté de reconstituer le profil d'Adel Kermiche, alors connu sous les initiales A.K. Selon la Tribune de Genève, Adel Kermiche avait été arrêté à Genève en mai 2015, puis extradé vers la France. "A.K. avait tenté par deux fois de rejoindre la Syrie, d'abord via Munich, sans succès, puis via Genève", écrivait le journal suisse sur son site Internet à la mi-journée, préférant alors user de ses seules initiales. Selon le titre helvète, ce Français de 19 ans avait été "emprisonné quelques jours à la prison de Champ-Dollon", en Suisse, puis "mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme", avant d'être remis aux autorités françaises. Il aurait été emprisonné pendant un an environ dans l'Hexagone, mais serait sorti de prison en mars 2016 et portait un bracelet électronique à domicile... La chaîne iTélé livrait en fin de matinée une information semblable. La chaîne indiquait qu'un "jeune homme avait été refoulé en Turquie en mai 2015 avant d'être renvoyé et écroué en France". Il avait été libéré le 2 mars 2016 et vivait avec un bracelet électronique avec autorisation de sortie de 8h30 à 12h30. Selon Marianne, le parquet avait fait appel contre cette libération, en vain...

Marianne fait d'ailleurs la synthèse des informations de la Tribune et d'iTélé. Selon l'hebdo, "A.K.", 19 ans, fiché S, "a commencé à se radicaliser par Internet après les attentats de janvier 2015" (lire ci-dessus) et aurait tenté par deux fois de rejoindre la Syrie. Il aurait été repéré une première fois en mars la même année, "en aidant un mineur de Saint-Étienne-du-Rouvray" à rejoindre l'Etat islamique. Selon Marianne, le jeune homme aurait tenté à son tour de rejoindre la Syrie quelques jours plus tard, "via la Bulgarie et la Turquie", mais sera arrêté à Munich, puis "placé sous contrôle judiciaire au domicile de ses parents".

La deuxième tentative date du 11 mai 2015, quand Adel Kermiche, devenu majeur, va rejoindre l'aéroport de Genève (un "plan B" ?), où il "embarquera avec la carte d'identité d'un cousin". C'est à son arrivée en Turquie qu'il sera intercepté, expulsé en Suisse, puis extradé vers la France. Selon la Tribune de Genève, qui a enquêté sur son profil dès 2015, il fera alors l'objet d'un mandat d'arrêt international et d'une alerte Schengen dans vingt-huit pays, dont la Suisse. Lors de la seconde tentative, il était accompagné d'un mineur, "A.B., 16 ans", qui voulait lui aussi rejoindre les rangs de l'Etat islamique. Les deux se seraient entraidés, mais seul A.B. serait parvenu jusqu'en Syrie.

Adel Kermiche, "soldats de Daesh"

Mardi matin, vers 10h, Adel Kermiche et son complice se sont introduits dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, au moment de la messe matinale, et ont pris en otage cinq personnes qui se trouvaient à l'intérieur. Les deux hommes ont mené une brève prise d'otages avant de sortir de l'église et de se retrouver face aux policiers qui les ont "neutralisés et abattus", selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur. On ne connait pas encore les circonstances exactes du meurtre, mais le père Jacques Hamel, qui officiait alors dans l'église, a été égorgé et plusieurs paroissiens ont été blessés, dont un grièvement. 

Daesh a revendiqué l'attentat dans un communiqué publié à la mi-journée par son agence de presse Amaq, qui parle des assaillants comme de ses "soldats". L'EI cible régulièrement dans sa propagande et ses communiqués de revendication les dirigeants "croisés" occidentaux et "le royaume de la Croix", expression semblant désigner l'Europe. Des actions contre les églises étaient notamment prônées dans le magazine du groupe terroriste.

Une attaque contre un lieu de culte chrétien était par ailleurs redoutée en France, notamment depuis l'échec d'un projet d'attentat en avril 2015 contre une église catholique de Villejuif (Val-de-Marne). Un étudiant algérien de 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, est soupçonné d'avoir voulu prendre pour cible cette église et d'avoir tué une jeune femme sur son passage. L'homme avait été arrêté avant qu'il puisse mettre son projet à exécution.

Vignette - Adel Kermiche, jeune - Shutterstock/SIPA