Je ne vous remercie pas monsieur Uderzo

Je ne vous remercie pas môssieur Uderzo car vous avez brisé ma vie dès ma petite enfance. Ooooh ne prenez pas cet air étonné monsieur Uderzo, je vais vous rafraîchir la mémoire....

Tout a commencé dans un camping Alsacien en cet été 1966. C'était le soir, je n'avais que trois ans, et j'étais seul dans cette grande toile de tente. Mes parents m'avaient abandonné car ils se trouvaient à au moins deux mètres de moi, sûrement en train de prendre l'apéritif. Ce lâche abandon m'obligeait donc à hurler mon désespoir. Ce désarroi sonore et tonitruant ne devait pas être à leur goût, car en désespoir de cause ils me confièrent une lampe de poche et un étrange objet rempli de petits dessins. Soudain ce fut le silence. J'étais fasciné par ces petits carrés remplis d'images. Ce que je tenais en main s'appelait : Astérix gladiateur !


L'histoire aurait pu s'arrêter là, telle une unique expérience de la drogue. Mais non, les jours qui suivirent furent un calvaire pour ma famille, qui me le reproche encore quarante six années plus tard . Je voulais tout savoir sur les gaulois, les romains, les gladiateurs, les jeux du cirque, les myrmidons, les ...les ...les.

Alors monsieur Uderzo, ça vous a plu de gâcher les vacances d'une famille moyenne française ?

Cet épisode fut le début d'une longue descente à la dépendance de votre oeuvre.

 





Astérix et Cléopâtre : J'ai cinq ans et mon grand-père n'en peut plus de me lire et relire à haute voix cette nouvelle aventure de votre petit gaulois. Excédé, il finit par lâcher : "Là, ça suffit ! Il faudrait que tu apprennes à lire !" Ce que je fis dans les semaines qui suivirent. Apprendre à lire à l'âge de cinq ans afin de pouvoir assumer ce vice que vous m'aviez mis dans la peau ! Quelle honte monsieur Uderzo, les enfants de cinq ans ont autre chose à faire que d'apprendre à lire ! Des pâtés de sable auraient été plus appropriés, par exemple.




Quelques jours plus tard, mon père rentra à la maison avec l'album sous le bras, prétextant qu'il l'avait acheté pour lui afin de sauver la face vis a vis de ma mère qui avait bien dit et répété que j'attendrai le trimestre prochain pour que l'on me l'achète et, quelle ne céderait pas!


 

Ne prenez pas cet air faussement peiné monsieur Uderzo ! Imaginez la mienne de peine lorsque à chaque goûter je me forçais à manger de la vache qui rit pour collectionner vos belles images qui se trouvaient sous les portions de ce fromage que je n'ai jamais aimé ! Et les tonnes de moutarde que je badigeonnais sur la moindre portion de viande afin que l'on rachète au plus vite ces verres ornés de vos dessins !

 

Haaa monsieur Uderzo, le temps me manque. Je pourrais vous parler de tellement de cases, de planches qui m'ont fait rêver...Mais j'irai à l'essentiel ! Le point de non retour ! A l'adolescence, alors que de magnifiques études s'offraient à moi afin de devenir avocat, médecin, notaire, banquier, voire président de la république, je choisis la voie du mal : La bande dessinée ! Je serai dessinateur ou scénariste.

 

Après quelques années de galère, et le terme n'est pas choisi par hasard, je commençais à vivre correctement et décidais qu'il serait temps que je réalise le rêve de ma vie : posséder une planche originale d'une de vos oeuvres. Mais entre temps vous étiez passé du monde des petits mickeys à celui du monde de l'art...et des prix qui vont avec.

Que voulez-vous de plus monsieur Uderzo !? Que je vende mon appartement et mes enfants en pièces détachées ? Un rein par ci , un oeil par là, afin d'assouvir ma passion ? Ca ne vous a pas suffi de briser une vie, il vous faut en plus celle de ma famille ?!

 

Je suppose, monsieur, que vous trouvez bien injuste de vous retrouver seul sur le banc des accusés et que vous vous dîtes que votre ami Goscinny devrait être à vos cotés. Vous avez raison ! Mais je n'ai pas son adresse !

S'il vous a laissé une adresse postale, tout là haut, alors n'hésitez pas à lui faire parvenir ce réquisitoire qui s'adresse autant à lui qu'à vous.

 

Monsieur Uderzo, j'en ai fini avec vous, mais peut être voudriez-vous savoir comment une vie si mal commencée, par votre faute, se poursuit ? La réponse est : très mal ! J'en suis réduit au métier de scénariste de bande dessinée et j'écris les histoires de Boule et Bill ! Tous les matins, à l'aube, je pars de chez moi, dans le brouillard en faisant de grands coucous à ma femme et mes enfants qui me regardent, émus, du balcon, pensant que je rejoins mon cabinet de chirurgien dentiste, car je n'ai jamais avoué à personne ce métier honteux.

 

Voila, après toutes ces lignes, je pense que vous avez compris qu'il n'y a qu'une chose à retenir : MERCI !

MERCI pour toutes ces années de bonheur que vous nous avez procurées.

MERCI de nous avoir montré que l'on pouvait faire des choses pas sérieuses sérieusement. MERCI de nous avoir ouvert la voie et prouvé que l'on pouvait vivre de ses passions.

MERCI de continuer, le plus longtemps possible, à faire vivre vos personnages.

 

Cric