Interview de Jean-Michel Jullien auteur du livre Le Chamois ed. Biotope

Interview de Jean-Michel Jullien, auteur du livre : Le Chamois –Biologie et écologie Etudes dans le massif des Bauges, paru aux éditions biotope dans la collection Parthénope.


L’auteur, Jean-Michel Jullien a 59 ans, natif de Haute Saône (Vesoul),  il est en Savoie depuis juillet 1991. Jean-Michel Jullien est technicien de l’environnement à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, affecté à la réserve naturelle nationale de chasse et de faune sauvage située au cœur même du Parc Naturel Régional du Massif des Bauges, territoire d’étude à cheval entre la Savoie et la Haute Savoie.
Il lui arrive d’animer aussi des conférences et il travaille en étroite collaboration avec le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’INRA (institut scientifique de recherche agronomique)…
Equipé de Jumelles, longues vues, émetteur récepteurs, colliers de marquage à GPS, l’homme de terrain et collecteur de données, passionné par son métier de surcroit, dévoile à travers un ouvrage consacré aux Chamois, toutes les données compilées au fil des 25 dernières années de façons simple, accessible, synthétique.

Près de 400 chamois sont tués chaque année, de façon contrôlée, sur le territoire des Bauges, ce qui représente environ 8 tonnes de viande pour les 23 sociétés de chasse, qui se retrouvent déployées sur ce territoire. La réserve où travaille Jean-Michel Jullien, dont les bureaux sont situés à Ecole, dans le massif des Bauges, est l’une des 8 à exister en France.

L’Interview :

Nathalie Damide-Baldji : Bonjour Jean-Michel Jullien. Comment vous est venu l’intérêt que vous portez à la faune sauvage ?

Jean-Michel Jullien : Cela m’a toujours passionné depuis mon plus jeune âge. J’ai commencé avec l’ornithologie, donc les oiseaux, parce que c’est ce qu’il y a de plus facile dans la mesure où simplement avec une paire de jumelles en regardant autour de chez soi l’on peut déjà observer 60 à 70 espèces sans sortir de sa maison pour peu que l’on ait un petit jardin. Au départ tout au moins, l’ornithologie est donc assez facile d’accès. Quand on me demandait de dessiner quelque chose quand j’étais gamin, je dessinais des oiseaux. 

Nathalie Damide-Baldji : De l’ornithologie aux chamois, il y a quand même un grand pas à faire, comment cela s’est-il passé pour vous ? 

Jean-Michel Jullien : Des études secondaires, un Bac D avec un professeur de sciences naturelles et ornithologue pointu, qui était passionnant. Il m’a confirmé ma passion. Ensuite dans les années 70 j’ai passé un concours administratif à l’ONCFS, il n’y avait pas grand-chose d’autre à l’époque pour pouvoir mettre le pied dans un métier proche des animaux. J’ai eu de la chance en commençant dans une réserve en Haute Marne, à Trois Fontaines. J’étais, sur le papier, en mission de garde, donc de police, mais sur ce territoire, ça n’était pas une mission prioritaire et du coup pendant 6 ans j’ai pu participer aux missions sur le chevreuil avec Daniel Delorme, le technicien. J’en ai profité pour passer un examen professionnel (certificat de spécialisation technique cynégétique) pour pouvoir évoluer. J’ai donc pu devenir technicien à mon tour, et mon premier poste en tant que tel, était sur le sanglier, toujours en Haute Marne, sur la forêt domaniale du château Villars, et cela pendant encore 6 ans. J’ai été passionné par le sanglier, une espèce qu’on ne voit pas, qui vit beaucoup la nuit mais qui n’est pas très bien perçue par l’opinion publique.

Nathalie Damide-Baldji : Alors comment êtes-vous arrivé en Rhône-Alpes ?

Jean-Michel Jullien : En fait, ma famille est originaire de Maurienne,  mon père et ma mère sont d’Albiez-Montrond en Savoie et j’avais dans l’idée de revenir vers la montagne si l’opportunité se présentait un jour. J’ai encore eu de la chance puisque mon collègue qui travaillait sur le Chamois dans les Bauges, a demandé un changement d’affectation étant, lui, parisien et j’ai pu postuler. Sur 7 candidats, j’ai été retenu.
Le chamois étant l’espèce phare de la région, quand je suis arrivé, les études étaient déjà lancées depuis 1985. J'ai continué sur cette lancée.

Nathalie Damide-Baldji : Combien y avait-il de Chamois à l’époque ?  

Jean-Michel Jullien : C’était déjà de l’ordre de plus de 1 000 individus.

Nathalie Damide-Baldji : Et aujourd’hui, nous en sommes à combien d’individus ? 

Jean-Michel Jullien : Entre 1 500 et 2 000, c’est assez difficile à dire cela dit et l’on a entre-temps abandonné l’idée de les compter, car l’on s’est rendu compte qu’avec toutes les techniques de marquage et recensements on arrivait malgré tout à des résultats sous-estimés. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est, à travers des méthodes indiciaires, de plutôt mesurer la fluctuation des effectifs. Voir si la population diminue, augmente, stagne… cela se fait grâce à des paramètres biologiques : poids des jeunes entre autres, à travers les captures. 

Nathalie Damide-Baldji : Vous vous êtes donc approprié cette espèce en travaillant sur le terrain du coup n’est-ce pas ?

Jean-Michel Jullien : Oui. En travaillant sur le sanglier il faut devenir sanglier, en travaillant sur le chamois, il faut devenir chamois … ce qui suppose aussi une organisation dans le travail qui ne se cale pas du tout sur des horaires de bureaux. Il faut se caler sur leurs rythmes biologiques très différents des nôtres. Pour suivre un sanglier qui vit à 90% la nuit, les études se font donc en nocturne. Le chamois est actif en période crépusculaire. Tôt le matin et tard le soir. En journée il faut composer avec une autre faune, celle des touristes qui envahissent les espaces avec plus ou moins de respect et de discrétion.  J’ai en tout cas la chance d’exercer un métier-passion.


Nathalie Damide-Baldji : Comment l’idée de l’écriture du livre vous est-elle venue ?

Jean-Michel Jullien : Encore une drôle d’histoire et un concours de circonstances. En 2010, je me suis fait opérer d’un pied, donc immobilisé pendant 45 jours. Comme c’était quelque chose de programmé, je m’y étais préparé et du coup indisponible sur le terrain, je me suis lancé dans la rédaction d’un texte sur le chamois en me disant « on verra bien ». Je me suis dit que si ça paraissait en 2012, cela pourrait fêter mes 20 ans dans les Bauges du même coup ? Au final, cela a représenté 500 heures de travail quand même ! (rire)
En revanche, ce livre,  je ne l’ai pas écrit à titre personnel mais bien au nom de l’ONCFS, puisque les données que ce livre contient, j’estime qu’elles ne m’appartiennent pas. C’est d’ailleurs le directeur général de l’ONCFS Jean-Pierre Poly, qui signe l’édito (page 10).

Nathalie Damide-Baldji : Ce livre est très documenté. Il est riche de beaucoup de photographies de Marc Cornillon. Vous nous en dites quelques mots ? 

Jean-Michel Jullien : Oui, c’est un photographe amateur talentueux, comptable par ailleurs, à qui nous avions donné l’autorisation de faire des photographies dans la réserve depuis des années lorsqu’il nous en a fait la demande. Il a fait des milliers de photographies depuis. La condition était qu’il nous mette ses photos à disposition. Il m’a paru tout simplement évident de faire appel à lui pour illustrer le livre. C’est un bon moyen de valoriser son travail et de mettre en relief le contenu du livre. Il a été d’accord et il a fourni 90% des photos environ. Marc a ses habitudes et il se lève tôt. Il s’est fixé sur la face nord du Mont Pécloz, il connaît comme sa poche les lieux et les habitudes des chamois pour mieux les photographier.  

 
Ma photo coup de cœur : p 167…



Nathalie Damide-Baldji : Quel est votre objectif au juste en publiant cet ouvrage ? 

Jean-Michel Jullien : On a voulu qu’il ait plusieurs niveaux de lecture. Le but était d’y présenter une synthèse de 25 années de travaux scientifiques sur l’espèce, en valorisant les photos de Marc et en valorisant cet extraordinaire territoire d’étude.

Nathalie Damide-Baldji : En quoi ce territoire est-il donc si extraordinaire ?

Jean-Michel Jullien : Parce qu’on y a du suivit sur le long terme. L’on a ici une base de données unique au monde, c’est précieux lorsqu’on étudie une espèce qui est longévive, c’est-à-dire qui vit plus de 25 ans.  Il faut donc du temps, 20-30 ans, pour arriver à comprendre comment ça fonctionne. Ce territoire est remarquable parce que l’on peut y conduire des études sur le long terme en toute sérénité. Cette réserve a vraiment une réputation internationale. Il y a la fusée Ariane à Kourou en Guyane et le Chamois en Bauges en Savoie.
Notre objectif est de conduire une étude sur le long terme, d’accumuler des résultats, de les synthétiser et de les faire publier dans les revues scientifiques via le CNRS et les ingénieurs à qui nous transmettons ces données. Ces publications scientifiques constituent la substantifique moelle de nos études de terrain, à charge pour nous après de vulgariser. Ce livre est pour nous un outil de vulgarisation justement.

Nathalie Damide-Baldji : D’où l’idée de le présenter à 3 niveaux de lecture ?

Jean-Michel Jullien : Tout-à-fait. Avec les photographies et les légendes, le livre est accessible aux enfants. Et cela suffit à très vite comprendre comment fonctionne et vit le chamois.
Ensuite le 2e niveau de lecture se fait à travers le texte que j’ai voulu simple et accessible à tous. On y a mis un peu d’anecdotes, de notre vie à nous et un peu de poésie j’espère.
Et puis, le 3e niveau de lecture se retrouve avec les figures, qui, elles, sont typiquement scientifiques avec des encadrés. J’ai essayé de faire comprendre aux gens avec des schémas et des mots simples, des choses compliquées. Ce qui n’est pas évident.     

Nathalie Damide-Baldji : A l’inverse du sanglier, le chamois est une espèce plutôt appréciée du grand public, cela aide-t-il ?

Jean-Michel Jullien : Oui, en effet, ça parle plus volontiers aux gens.

Nathalie Damide-Baldji :  Quelles sont les idées reçues sur le Chamois ?

Jean-Michel Jullien : Il y en a plein. Par exemple celle qui dit que le chamois est migrateur et que l’hiver il prend son baluchon et qu’il descend dans la vallée… Alors que pas du tout. Il est très territorial avec des tout petits domaines vitaux de l’ordre de 150ha et ils sont biologiquement programmés pour vivre là l’hiver. C’est en ça que l’espèce est fascinante à étudier d’ailleurs, puisqu’ils arrivent à vivre dans des conditions où nous ne tiendrions pas 48h : froid neige températures extrêmes.  Ils sont aussi du point de vue comportemental, programmés pour ça. 
Autre idée reçue : les naissances gémellaires. Non ils n’ont qu’un petit à la fois. Sur plus de
5 000 chamois observés, marqués, manipulés on a jamais constaté la naissance de plus d’un petit à la fois.
Il y a aussi des légendes sur la mise bas comme quoi la femelle s’isole pour donner naissance à son petit. On peut lire cela dans certains livres. Alors on l’imagine pendue à un baudrier dans une face nord protégeant son petit de l’aigle royal.. . En fait les femelles vivent en groupes et au moment de la mise bas, si elles s’écartent légèrement, elles réintègrent leur groupe aussitôt le petit né. La femelle ne choisit pas des endroits extrêmes, inaccessibles pour mettre bas.
Par contre ce que les gens ignorent souvent, c’est que les chamois ont inventé la crèche bien avant nous. Il y a des nounous chargées de garder la marmaille pendant que les mères biologiques cassent la croûte, se déplacent ou ont une activité autre. Il y a donc des nurseries.
On peut confondre le mouflon et le bouquetin mais le chamois lui,est reconnaissable. Autre idée reçue d’ailleurs : le chamois et le bouquetin ferait mauvais ménage : c’est totalement faux.
Dans le monde de la chasse on entend aussi dire qu’il faut se méfier quand on l’approche par le bas car il balancerait des pierres. On prête cette fois au chamois des intentions et des traits de caractères humains qu’il n’a pas du tout. Le chamois est tout simplement dérangé et obligé à se déplacer et les pierres tombent parce que le relief est escarpé et que c’est la loi de la gravité. Le chamois ne pousse pas intentionnellement les pierres pour assommer le chasseur (rire).   
 
Nathalie Damide-Baldji : Une capture, ça sert à quoi exactement ?

Jean-Michel Jullien : La capture permet de faire un prélèvement sanguin, de contrôler l’état de santé général de l’animal, de relever les données physiques et biologiques. On les marque avec des colliers. Tout cela permet de capturer autour de 50 individus chaque année. Cela se passe chaque semaine sur un site différent de juin à août. Nous sommes pour cela une équipe de 5 ou 6 personnes dont des bénévoles auxquels l’on fait appel pour nous aider.
Quant aux analyses de sang, elles révèlent un animal « bio », les seules maladies qu’ils peuvent avoir seraient issues de la faune domestique, autrement dit, ils ne sont pas plus pollués que nos animaux domestiques.
L’Unité sanitaire de la faune, sur le plan national, rassemble plusieurs vétérinaires. Ici, nous avons la chance d’avoir Philippe Gibert, vétérinaire vacataire presque à demeure et il nous fait les analyses, les autopsies etc.

Nathalie Damide-Baldji : Peut-on dire que le chamois des Alpes se porte bien aujourd’hui ?

Jean-Michel Jullien : Oui, le chamois des Alpes, en France et dans la réserve des Bauges en particulier, se porte bien. C’est une espèce en pleine expansion grâce à la mise en place dès 1989-1990 du plan de chasse, qui n’existait pas avant sur le chamois. Attention toutefois de ne pas confondre avec d’autres espèces ou sous-espèces qui, elles ne se portent pas forcément aussi bien. Le chamois en Grèce par exemple est en danger, il resterait de l’ordre de 200 individus seulement.

Nathalie Damide-Baldji : S’il n’est pas en danger de disparition ici, y a-t-il pour autant des consignes de bonne conduite à donner aux randonneurs, promeneurs et autres usagers de la montagne ? 

Jean-Michel Jullien : Oui, bien sûr. Le chamois n’est pas spécialement craintif. C’est une espèce placide, facile à observer ce qui est à double tranchant. Le grand public ne se rend pas compte que la fréquentation de la montagne à pied, à VTT, en parapente et de façon parfois très bruyante et anarchique, cela peut avoir de graves conséquences. Quand on pénètre des milieux qui semblent totalement vierges, reculés, sauvages, comme les milieux montagnards, il y a malgré tout tout un monde vivant que nous ne voyons peut être pas mais qui est bien présent. Cela va de l’insecte au mammifère. Notre présence les perturbe inévitablement.  
                                                                   (quatrième de couverture Le Chamois ed Biotope)
 
Nathalie Damide-Baldji : Quelle conséquence grave cela peut avoir concrètement ?

Jean-Michel Jullien : Par exemple pour le chamois, cela peut impliquer des déplacements contraints  supplémentaires en période hivernale qui peuvent être catastrophiques et mettre leur vie en danger puisque cela les oblige à dépenser une énergie supplémentaire qu'il doivent économiser. Cela peut aussi  perturber une chevrée pendant l’élevage des jeunes. Un chevreau pourrait se retrouver momentanément coupé du reste de la nurserie et exposé à la prédation. Cela peut les obliger à plonger dans des barres rocheuses (notamment à l’approche d’un parapente) ce qui reste périlleux.  Dès qu’il y a présence humaine ou dérangement, cela les oblige à la vigilance et donc à arrêter leur activité, par exemple se nourrir, un besoin vital. Dès qu’on est là, on les perturbe.   
 
Nathalie Damide-Baldji : Que faut-il faire ?

Jean-Michel Jullien : Rester sur les sentiers balisés et respecter les consignes indiquées sur la signalétique, c'est un minimum. Et une fois qu’on sait tout cela, il faut être un maximum discret. Ce qui m’horripile ce sont les gens qui crient, qui chantent et dansent en montagne, font tomber des pierres sans faire attention... Quant aux enfants, il est important de les éduquer dans ce sens dès le plus jeune âge aussi. Il faut tout simplement parler à voix basse et éviter de venir sur les moments de pleine activité pour les chamois : tôt le matin et tard le soir. 

Nathalie Damide-Baldji : Sinon, peut-on dire que l’on voit l’avenir du chamois des Alpes tout en rose ? Ou bien les changements climatiques pourraient jouer les troubles fêtes ?


Jean-Michel Jullien : Il faut rester très vigilants en effet, sur les conséquences à long terme du réchauffement climatique si les températures moyennes annuelles continuent d’augmenter. C’est une véritable inquiétude dans la mesure où, comme nous l’indiquons dans le livre, on a mesuré concrètement des augmentations moyennes annuelles de l’ordre de 3°, ce qui est énorme. 
Donc on peut penser que les étages de végétations vont changer : l’étage nival, celui des glaciers et neiges éternelles, ou des alpages notamment. On peut penser que la forêt va avoir en effet tendance à remonter.  Hors, le chamois a besoin d’espaces ouverts. Comment va-t-il s’adapter à la fermeture des espaces ? Au réchauffement climatique, si la neige disparaît notamment ?
La neige a son importance dans la mesure où au printemps, elle bloque un peu le départ de la végétation en apportant beaucoup d’eau et à la fonte de la neige la végétation est du coup très riche. La qualité de la végétation est importante  au printemps pour la lactation des mères. Comment cela va-t-il se passer s’il n’y a plus, ou moins, de neige et donc une qualité de végétation plus sèche ?
Au-delà des inquiétudes en lien avec le réchauffement climatique, il y a aussi celle directement liée à l’impact de l’homme. Le développement des stations, ski de randonnée, raquettes à neige et de la randonnée pédestres.
Avec le Parc Naturel Régional du Massif des Bauges, l’on met en place un site web français qui s’appelle respecter c’est protéger, sur le modèle des Suisses. Pour sensibiliser tout le public été et hiver.
Sur le terrain, je constate tous les jours des comportements non respectueux des consignes, c’est pourquoi c’est alarmant et important de sensibiliser le grand public. 

Nathalie Damide-Baldji : Biotope, la maison d’édition, c’est vous qui l’avez trouvée ?

Jean-Michel Jullien : Au début, j’étais parti sur les éditions Belin qui proposent des ouvrages pour les enfants, ce qui correspondait bien à mon idée de départ. Mais la collection s’est arrêtée et après avoir frappé à plusieurs portes, Biotope a accepté notre projet.

Nathalie Damide-Baldji : Votre chapitre coup de cœur ?

Jean-Michel Jullien : Celui qui traite de la capacité du chamois à s’adapter aux conditions montagnardes ( partie 2 dès la page 36). C’est une espèce vraiment intéressante pour cela. Elle est exotique du point de vue des anglo-saxons qui sont les meilleurs en ce qui concerne les études de la faune sauvage. Exotique pour eux, parce qu’il n’y en a ni en Angleterre ni aux U.S. Cela dit la chèvre des rocheuses est une cousine intéressante avec des similitudes.

Nathalie Damide-Baldji : Quelle est l’originalité de ce livre, car ça n’est ni le seul ni le premier livre sur le chamois ? 


Jean-Michel Jullien : La plupart ont été écrit par des chasseurs ou des naturalistes, ce qui fait que le chamois est présenté sous un angle spécifique.  Mais ça n’est pas leur métier, ils peuvent avoir croisé le chamois lors de saisons données (la chasse par exemple), et même si ils font un effort pour observer à différents moments de l’année cela ne peut pas concurrencer 20 ou 25 années d’études ciblées, méthodiques, avec des données croisées. Il faut, en matière de faune sauvage, se méfier des conclusions hâtives. Même si dix fois vous constatez un même type d’évènement. Il se peut que l’on se retrouve à chaque fois dans un même type de concours de circonstance et cela ne permet pas de faire une généralité. La faune sauvage et son étude prend du temps. Il faut mille fois sur le métier remettre son ouvrage pour essayer de comprendre comment les choses fonctionnent vraiment. Du coup, il est vrai que du point de vue du contenu des ouvrages publiés, cela peut faire une grande différence. Il y a un gouffre par exemple entre cet ouvrage et celui de Marcel Couturier, intitulé Le Chamois, qui a pourtant fait référence pendant des années 50-60. Il est basé sur une observation en tant que chasseur. L’auteur en a tué plus de 1000 qu’il a mesuré dans tous les sens ce qui permet d’avoir des données uniques sur la longueur de la corne etc.,  mais sur la biologie même de l’espèce il a dans ce livre ce qu’il a vu seulement.

 
Nathalie Damide-Baldji : Pour conclure sur le chamois et ce livre qui lui est entièrement dédié, quelque chose à ajouter ? 

Jean-Michel Jullien : Les études sur l’espèce ont moins de 30 ans, autant dire que cela reste relativement récent et que l’on en est au B.A. BA des connaissances sur l’espèce malgré tout.  Par exemple le rut est l’un des aspects de la biologie de l’espèce que l’on connaît mal. A savoir comment fonctionnent les mâles, sont-ils monogames, sont- ils polygames ? On connaît aussi très mal la survie des jeunes après le premier hiver. Les cadavres disparaissent très vite avec les lynx, loups et rapaces. On ne sait quasiment rien du chamois qui lui vit pratiquement toute l’année en forêt, un peu plus bas.
Bref, le chamois est une espèce qui parait bien connue mais elle ne l’est pas tant que cela au final.
Cela dit le parti pris à présent est non plus de l’étudier lui, seulement, mais de l’étudier en tenant compte de son espace écologique et donc en tenant compte des autres espèces qu’il côtoie.

Nathalie Damide-Baldji : Le Chamois –Biologie et écologie Etudes dans le massif des Bauges, paru aux éditions biotope dans la collection Parthénope… un ouvrage pour toute la famille que l'on peut trouver où ?

Jean-Michel Jullien : Dans les maisons thématiques du Parc Naturel Régional du Massif des Bauges, mais aussi dans toutes les bonnes librairies !

Nathalie Damide-Baldji : Merci Jean-Michel Jullien !

Parution mai 2012
Le Chamois –Biologie et écologie Etudes dans le massif des Bauges, paru aux éditions Biotope dans la collection Parthénope.
176 pages couleur | 25 € ttc | ISBN : 978-2-914817-99-8