Cardinal Ricard : des aveux forcés ? Ce que l'on sait des abus sexuels
CARDINAL RICARD. Les aveux du cardinal Ricard sur un abus sexuel commis sur une mineure auraient été contraints après l'envoi d'une lettre des parents de la victime à l'Eglise. Ils pourraient aussi minimiser les faits.
L'affaire du cardinal Ricard est une nouvelle secousse pour l'Eglise. D'autant que les premiers éléments de l'enquête ouverte par le parquet de Marseille pour "agression sexuelle aggravée" le 8 novembre et les témoignages de la famille de la victime indiquent que la conduite "repréhensible" qu'a reconnu Jean-Pierre Ricard à l'égard d'une mineure n'était pas un secret au sein du monde religieux et que les aveux n'ont pas été faits par la seule volonté de l'ancien évêque.
Si le cardinal Ricard a avoué être responsable d'abus sexuels sur une jeune fille mineure, des faits qui remontent à plus de 35 ans, dans une lettre lue le lundi 7 novembre devant l'épiscopat lors de la Conférence des évêques des France, l'acte n'a pas été guidé uniquement par le sentiment de culpabilité. Les aveux sont plutôt devenus une nécessité après un courrier "virulent" des parents de la victime adressé au prélat de Nice en février 2022, date à laquelle Jean-Pierre Ricard a été nommé pour diligenter une enquête sur des foyers d'accueil. En plus d'être en partie et en apparence contraints, les aveux de l'ex archevêque de Bordeaux pourrait minimiser les faits selon Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et relieuses de France. Sur France Inter, la religieuse et théologienne dit avoir reçu le témoignage de la victime et de ses parents lesquels ont subi un "traumatisme extrêmement fort" et "d'une grande violence". Selon les informations de la dirigeante du Corref, une fois confondue par la lettre des parents de la victime, le cardinal Ricard a reconnu avoir "embrassé" la jeune fille mais la nature de l'agression reste floue et doit être vérifiée par l'enquête en cours.
Que sait-on de l'abus sexuel commis et avoué par le cardinal Ricard ?
Dans ses aveux écrits, Jean-Pierre Ricard reconnaît avoir eu un comportement "répréhensible" à l'égard d'une jeune fille de 14 ans à l'époque où il était curé à Marseille au sein de la paroisse Sainte-Marguerite. L'homme d'Eglise ne précise pas la nature des faits mais il semble être question d'abus sexuels. Alors que ses aveux interviennent 35 ans après les faits, le prélat a indiqué "ne plus vouloir cacher sa responsabilité" de cet acte qui a "nécessairement causé des conséquences graves et durables" chez la victime. Jean-Pierre Ricard dit aussi avoir "demandé pardon" à la jeune fille aujourd'hui âgé de 49 ans.
Avant de rendre ces aveux publics lors de la Conférence des évêques de France, le cardinal Ricard avait reconnu être l'auteur des abus devant l'ancien évêque de Nice qui avait reçu le lettre accusatrice des parents de la victime en 2022. Le religieux avait seulement avoué avoir "embrassé" la victime. L'agression pourrait toutefois être plus grave, comme le pense Véronique Margron présidente de la Corref, et c'est ce que doit en partie déterminer l'enquête pour "agression sexuelle aggravées" menée par le parquet de Marseille, lequel a fait savoir qu'aucune plainte contre le cardinal n'a encore été déposée. Le témoignage des parents et de la victime du cardinal Ricard, recueilli pour Véronique Margron complètent légèrement les aveux du religieux. Selon eux, l'agression a eu lieu "dans un cadre proche familial" alors que le curé était à l'époque "un ami de la famille".
L'Eglise était-elle au courant des abus sexuels commis par le cardinal Ricard ?
L'affaire autour du cardinal Ricard n'est pas vraiment une surprise pour l'Eglise qui était au courant des abus sexuels bien avant que la lecture publique des aveux de l'ancien évêque. Les membres de l'épiscopat, du moins certains savaient de quoi Jean-Pierre Ricard était coupable depuis le mois de février 2022 au moins, date de réception du courrier de la famille de la victime. C'est l'évêque de Nice de l'époque qui l'a reçu en plus des premiers aveux du cardinal. Le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, était aussi informé de l'affaire par l'intermédiaire de Véronique Margron qui était alors en contact avec la victime et ses proches. Pourtant aucun signalement n'a été envoyé à la justice avant le mois d'octobre par l'homme qui a remplacé le prélat niçois, lequel a expliqué n'avoir eu connaissance de la minorité de la victime que "plus tardivement". Mais qu'est-ce qui a retenu l'épiscopat pour attendre plusieurs mois avant de signaler l'affaire ?
Que risque le cardinal Ricard ?
Après ses aveux publiques, Jean-Pierre Ricard a indiqué se tenir à la disposition de la justice laquelle a aussitôt ouvert une enquête pour "agression sexuelle aggravée" via la parquet de Marseille. Les faits avoués par le cardinal Ricard, si la temporalité s'avère correcte, semblent prescrits. La nature des faits doit être précisée mais dans le cas le plus grave, à savoir un viol sur mineure, le délai de prescription serait effectivement dépassé d'une année. En la matière la loi française prévoit que le délai est de 30 ans à partir de la majorité de la victime, laquelle a été atteinte en 1991 soit il y a 31 ans. A priori, l'homme d'Eglise ne risque pas d'être poursuivi pour cette affaire mais si l'enquête est menée c'est surtout pour déterminer si l'ancien évêque a fait d'autres victimes pour lesquelles il n'y a pas encore prescription. Si elle a mis plusieurs mois avant de signaler les aveux, l'Eglise appelle toutefois les autres éventuelles victimes du cardinal Ricard à se faire connaître notamment les diocèses de Marseille, de Montpellier et de Bordeaux, où a exercé l'ancien évêque.
Du côté de l'Eglise, l'affaire sur le cardinal Ricard doit être étudiée à Rome selon Véronique Margron qui espère et attend des mesures disciplinaires puisqu'il est "moralement impensable" que l'homme garde son titre de cardinal. L'avenir de l'homme au sein de la communauté religieuse doit donc être discuté alors que l'ancien évêque siège au Sacré collège, haute institution chargé délire le futur pape.
Quel rôle tient le cardinal Ricard au sein de l'Eglise ?
Si l'affaire du cardinal Ricard a secoué l'Eglise c'est aussi parce que l'homme âgée de 78 ans est un poids lourd au sein de la chrétienté. D'abord curé à Marseille, le religieux a ensuite été évêque notamment à Montpellier et a été nommé à la tête du diocèse de Bordeaux en 2001 par le pape Jean-Paul II puis a reçu le titre de cardinal par le pape Benoît XVI en 2006 et peut alors siéger au Sacré collège. L'homme a aussi tenu de rôles de premier important dans la lutter contre les violences sexuelles au sein de l'Eglise notamment en étant membre du dicastère pour la doctrine de la foi, l'équivalent d'un ministère du Vatican dédié à la prise en charge des questions liées aux violences sexuelles. En 2022, le cardinal Ricard a reçu une proposition pour prendre la responsabilité d'une "communauté nouvelle, où il y a eu un certain nombre d'abus et en particulier d'agressions sexuelles" en plus d'être choisi pour diligenté une enquêté sur les foyers d'accueil.