Bourgoin-Jallieu : un réseau de pédophilie en famille ? Ce qu'on sait
[Mis à jour le 8 mars 2019 à 12h25] Le pôle criminel de Grenoble et la gendarmerie de la commune de Bourgoin-Jallieu ont révélé des informations concernant une potentielle grave affaire de viols. Trois enfants issus de la même famille, âgés de 4, 7 et 10 affirment avoir été victimes d'agressions sexuelles mises en œuvre par leur mère et leur beau-père avec la complicité de plusieurs proches.
En septembre 2018, l'un des enfants placé en famille d'accueil a témoigné de viols et d'attouchements sexuels commis par son beau-père. Ses deux demi-sœurs auraient également été victimes. Les enfants ont fait de nouvelles révélations à leurs interlocuteurs adultes au fil des mois. Ils évoquent des actes sexuels subis de façon régulière et répétée. Des "soirées privées" auraient été organisées. Durant celles-ci, les enfants auraient été transformés en "jouets sexuels" pour l'entourage pédophile du couple, et auraient été forcés à subir et réaliser des actes sexuels, parfois même entre eux ou avec le chien de la famille. Des auxquelles participaient d'autres personnes de leur entourage : tante, oncle, grand-père et des amis de la famille sont cités. Les enfants ont depuis été placés sous protection judiciaire.
Selon Éric Vaillant, procureur de la République de Grenoble, les enfants souffrent "d'un retard de développement et de troubles du comportement", "mais ils avaient évolué favorablement depuis leur placement" en janvier 2018.
Enquête pour viols et attouchements sur mineurs
Les faits se seraient déroulés sur une période allant de l'été 2016 à la fin 2018, et se seraient aggravés à partir du moment où la mère s'est mise en couple avec ce nouvel individu. Lors des premières révélations, les trois enfants étaient déjà placés et suivis par le juge des enfants de Bourgoin-Jallieu depuis neuf mois. Le couple avait fait l'objet d'une procédure judiciaire pour maltraitances à l'égard de l'aîné des enfants.
Au regard de la nature criminelle des faits, une information judiciaire a été ouverte à Grenoble le 25 octobre 2018. A la suite des investigations, la Brigade de recherches de Bourgoin-Jallieu a procédé lundi 4 mars à l'interpellation et la mise en garde-à-vue de dix personnes. Les personnes, issues d'un milieu social défavorisé et âgées de 30 à 64 ans, auraient reconnu les faits Cinq personnes ont été déférées devant les juges d'instruction après leur audition, et deux autres ont fait l'objet d'un mandat d'amener devant les juges d'instruction le jeudi 7 mars.
Au total, quatre personnes de l'entourage proche des victimes sont soupçonnées et ont été placées en détention provisoire : Le beau-père des enfants, leur mère, l'oncle et la grand-mère des enfants ont été mis en examen. Trois autres personnes ont été placées sous contrôle judiciaire. Elles ont interdiction d'entrer en contact avec les coauteurs ou complices de ces viols, et avec les victimes.
"Les incestes intergénérationnels, malheureusement quotidiens"
Martine Brousse, présidente de la fédération d'association La voix de l'enfant, a commenté ces événements sur franceinfo. "Cette affaire met au jour les incestes intergénérationnels [...] malheureusement quotidiens", a-t-elle déploré. Ce réseau de 80 associations défend depuis 37 ans les enfants. En France, peu de chiffres existent sur le drame du viol sur mineur. Selon un bulletin du ministère de la justice de mars 2018, 4 affaires de violences sexuelles sur 10 sont des agressions sur mineurs. Une enquête de l'Ined sur la population, menée en 2015 montre que dans plus de 87 % des cas d'agression sexuelle, le mineur connaissait le mis en cause.
Cette affaire présumée de pédophilie et d'inceste rappelle tristement l'affaire Outreau. En 2001, la justice ouvrait une information judiciaire concernant une affaire d'abus sexuels et d'inceste sur mineurs. 4 enfants avaient alors accusé leurs parents et plusieurs adultes de leur entourage. 17 suspects comparaissent en 2004, et 4 seront finalement condamnés, dont les parents des enfants. Après l'affaire Dutroux, cette affaire avait marqué la justice française et attiré l'attention sur les risques encourus par les mineurs.