Mort de Nahel à Nanterre : des déclarations mensongères des policiers ? Où en est l'enquête ?

Mort de Nahel à Nanterre : des déclarations mensongères des policiers ? Où en est l'enquête ? Les enquêteurs cherchent toujours à tirer au clair ce qu'il s'est passé lors de l'intervention du policier qui a tué Nahel à Nanterre, le 27 juin 2023. Entre les différents témoignages et des accusations de "faux en écritures publiques", le point sur l'enquête.

Après la mort de Nahel, tué par un tir policier le mardi 27 juin 2023, le déroulé du contrôle routier est encore flou. Plusieurs versions s'affrontent, celle des policiers contre celle des deux témoins qui se trouvaient avec Nahel dans la voiture au moment des faits. Entre elles, la vidéo de la scène filmée par des témoins et des documents versés à l'enquête permettent de contredire ou d'affirmer certains points sans parvenir, pour l'heure, à faire toute la lumière sur l'affaire.

Les circonstances dans lesquelles le policier a tiré, sa position quand il ouvert le feu, les mots des agents et le comportement de Nahel au volant de la voiture sont au cœur des investigations. Et sur ces points, les policiers auraient donné une première version des faits mensongère retranscrite dans une fiche de police, d'après les informations du Parisien. Ce document, rempli sur la foi des déclarations des policiers mobilisés lors de l'intervention, indique que "le fonctionnaire de police s'est mis à l'avant [du véhicule] pour le stopper. Le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire."

Si depuis les policiers ont revu et précisé leurs récits des faits, le document constitue un "faux en écriture publique" et va faire l'objet d'une plainte de la famille de Nahel, a annoncé l'avocat Me Yassine Bouzrou. Selon lui, c'est ce document qui a motivé l'ouverture d'une enquête pour "tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique" contre Nahel.

Que s'est-il passé lors de la mort de Nahel à Nanterre ?

Nahel est décédé dans la matinée du mardi 27 juin 2023 lors d'un contrôle routier. L'adolescent de 17 ans circulait à bord d'une voiture de location, une Mercedes Classe A de couleur jaune, quand il a été pris en chasse par deux policiers à moto pour avoir enfreint le code de la route. Le jeune conducteur ne s'est pas arrêté, mais a été rattrapé par les deux agents dans un embouteillage à hauteur de la station de RER Nanterre Préfecture, aux abords de la place Nelson Mandela.

Les policiers se sont postés sur le côté conducteur du véhicule à l'arrêt sur le passage François Arago. Des mots ont été échangés pendant qu'un agent tenait en joue le jeune homme au volant. Puis le policier a ouvert le feu quand le véhicule a redémarré selon la vidéo de la scène authentifiée par l'AFP. La voiture s'est échappée et s'est s'arrêtée quelques dizaines de mètres plus loin, en s'encastrant dans un poteau. Le jeune homme a été déclaré mort à 9h16 après les tentatives des policiers et des secours pour le réanimer. Deux passagers se trouvaient dans la voiture : un passager mineur a été interpellé tandis que l'autre a pris la fuite.

Quelle est la version des faits du policier Florian M. ?

Les policiers ont été les premiers à donner leur version des faits. Dans un premier temps, les sources policières ont affirmé que le conducteur avait foncé sur les forces de l'ordre. Durant leurs auditions, les policiers ont précisé leurs récits des faits. Ils ont déclaré s'être mis en chasse du véhicule de Nahel qui "circulait sur la voie de bus" et est reparti "à pleine vitesse" à la vue des policiers qui avaient enclenché gyrophare et deux tons. Le refus d'obtempérer ainsi que les infractions au code de la route sont confirmés par les images de vidéosurveillance. 

Concernant l'interpellation, le policier a indiqué aux enquêteurs s'être placé devant le conducteur au niveau de pare-brise avec son arme pointée sur Nahel. L'homme a ajouté avoir eu l'impression que le conducteur "avait fait avancer et reculer le véhicule" et s'être senti "acculé" entre la voiture et le mur derrière lui. Mais il a justifié son geste par la crainte que son collègue dont il pensait "le haut de son corps dans l'habitacle" soit embarqué lors d'un possible redémarrage du véhicule, plus par le sentiment d'être lui-même en danger. Il s'est avéré que le second policier n'avait que son bras dans la voiture. Le procureur de la République de Nanterre, rapportait lors de la conférence de presse que le policier avait justifié son geste par "sa volonté d'éviter une nouvelle fuite du véhicule, et par la dangerosité du comportement routier du conducteur" craignant que "quelqu'un soit renversé".

Que disent les témoins et amis de Nahel ?

Les deux adolescents qui se trouvaient dans le véhicule avec Nahel ont été entendus par la police. Le premier âgé de 14 ans, qui se situait à l'arrière de véhicule, a été interpellé par les agents au moment du drame, avant d'être relâché dans l'après-midi du 27 juin. Le témoignage du jeune homme a été transmis par son père au Parisien. Le même journal a recueilli le témoignage du second adolescent qui a pris la suite avant de se rendre de lui-même au commissariat le lundi 3 juillet.

Si le premier confirme que Nahel a refusé de s'arrêter au signal des policiers, le second élude la course poursuite de son témoignage. Les deux témoignages se rejoignent toutefois sur le déroulé des faits durant le contrôle routier. Nahel aurait reçu "environ trois" coups de crosse de la part des policiers qui auraient menacé l'adolescent : "Coupe le moteur ou je te shoote". Sonné par les coups ou tentant de se protéger la tête selon les versions, le conducteur aurait levé le pied de la pédale de frein. La voiture à boite automatique et au moteur non éteint aurait "avancé toute seule. […] Et le policier a dit à son collègue de tirer. Et le coup est parti". "C'est un fou, il a tiré" aurait pour sa part lancé Nahel. Le témoin le plus jeune cite une phrase qu'il aurait entendu du policier une fois interpellé : "Tu n'aurais pas dû tirer, parce qu'ils allaient faire un barrage plus loin".

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Où en est l'enquête sur la mort de Nahel et le policier ?

Deux enquêtes en flagrance ont été ouvertes par le parquet de Nanterre après la mort de Nahel. Le commissariat de Nanterre et la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine se sont vus confier celle pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique. L'IGPN a été saisie pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique. Dans le cadre d'une information judiciaire, le policier a été mis en examen et placé en détention provisoire à la prison de La Santé, le 29 juin, mais reste présumé innocent.

Les avocats de la famille de Nahel M. ont pour leur part annoncé le dépôt de trois plaintes : une pour "homicide volontaire", visant le policier incriminé, une autre contre son collègue pour "complicité" et une troisième pour "faux en écriture publique". Ils estiment en effet que les policiers "ont menti [...] en affirmant que le véhicule du jeune Nahel avait tenté de les percuter" et que "la vidéo dément formellement ce que les policiers ont affirmé". Les avocats de la famille de la victime estiment par ailleurs que le tir du policier était "prémédité".

Une nouvelle plainte s'ajoute à cette liste avec celle déposée par le troisième passager de la voiture. La plainte visera des " violences volontaires qui pourront être caractérisées sur le plan psychologique et qui pourront peut-être l'être sur le plan physique également ", a annoncé l'avocat de l'adolescent sur le plateau de BFMTV.

Que sait-on de Nahel M., l'adolescent tué à Nanterre ?

Le jeune homme de 17 ans, qui a perdu la vie mardi 27 juin 2023 à Nanterre à la suite d'un refus d'obtempérer lors d'un contrôle de police à Nanterre, s'appelait Nahel M. Né en 2006, l'adolescent était connu des services de police pour conduite sans permis, mais également refus d'obtempérer, a confirmé le procureur de la République de Nanterre. Cependant il ''n'avait aucun casier judiciaire" selon les avocats de la famille de la victime.

Le jeune homme, qui travaillait comme livreur, est décrit comme "un garçon adorable" par une voisine. "C'était une crème", a-t-elle confié au Parisien, précisant que Nahel M. était le seul enfant de sa mère. L'adolescent habitait le quartier Salvador-Allende.

Qui est Florian M., le policier auteur des tirs contre Nahel ?

Agé de 38 ans, Florian M. est décrit par ses collègues comme "un très bon policier" se démarquant par son professionnalisme. Une description confirmée par les états de service de l'agent qui "n'appellent pas d'observation", selon Laurent Nuñez, préfet de police de Paris. Le ministre de l'Intérieur a précisé que Florian M. est un policier "expérimenté" qui "n'avait pas de difficultés dans ses dossiers administratifs". Au cours de sa carrière, le motard de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière des Hauts-de-Seine (92) a reçu huit lettres de félicitations pour ses actes de service ainsi qu'une médaille de la sécurité intérieure, précise Le Parisien.

Les circonstances du tir du policier exempt de faux pas jusqu'au drame de la mort de Nahel doivent être établies. Les opérations de dépistage d'alcoolémie et de consommation de produits stupéfiants, celles-ci ont déjà été "réalisées et se sont avérées négatives", a fait savoir le parquet.

Des émeutes et des violences suscitées par la mort de Nahel

La mort de Nahel a été le "départ de feu" des violences menées contre les forces de l'ordre et les symboles de l'Etat lors des six nuits d'émeutes, du 27 juin au 3 juillet. Si "le pic est passé" selon Emmanuel Macron après deux dernières nuit plus calmes, le chef de l'Etat a invité à rester "très prudent pour les jours et semaines qui viennent" le mardi 4 juillet, après sa réunion avec les maires victimes de violences. Durant les émeutes, plusieurs membres de la famille de Nahel ont appelé au calme, la grand-mère et la tante de l'adolescent ont même condamné les violences qui ont se sont servis de la mort de Nahel comme d'un "prétexte". La maman de l'adolescent a de son côté déclaré ne pas en vouloir à la police, mais "à celui qui a tué [son] fils", auprès de France 5.