Assassinat de Dominique Bernard : un an plus tard, sa femme s'exprime pour la première fois
Cela fait un an que Mohammed Mogouchkov a assassiné Dominique Bernard à Arras. Un anniversaire douloureux qui est aussi l'occasion de rendre hommage au professeur de français. Pour la première fois depuis le drame, Isabelle Bernard, sa veuve, s'est exprimée publiquement auprès de nos confrères du Monde. Elle assure que son mari et elle, professeure d'anglais, ont été particulièrement touchés par la mort de Samuel Paty (assassiné le 16 octobre 2020 dans un attentat islamiste). Le couple d'enseignants était inquiet que l'école soit devenue une cible et se demandait ensemble qui serait le prochain à être tué.
Concernant celui qui a assassiné son mari, le couple avait déjà conscience de sa dangerosité : "Quand Mohammed Mogouchkov était élève au collège et que Dominique l'avait en classe, l'équipe de direction a tout fait pour signaler le caractère dangereux de ce garçon." Isabelle Bernard raconte également que son mari rentrait le soir en lui expliquant : "Je dois faire attention, je ne peux pas dire tout ce que je veux." Le professeur de français aurait ajouté "une autre fois dans l'année" : "J'ai quand même dit que j'étais quelqu'un de libre."
Isabelle Bernard n'en veut pas à l'Éducation nationale
Deux semaines avant l'assassinat de son mari, Isabelle Bernard assure avoir confié à une amie que Dominique pourrait être en danger, l'école sous-estimant le risque lié au terrorisme. Pour autant, elle n'en veut pas à l'Éducation nationale. "Chacun a fait son travail", dit-elle, "on ne peut pas reprocher quoi que ce soit" à l'Éducation nationale. Isabelle Bernard ajoute que "les policiers savaient qu'il avait l'intention d'agir, mais ne savaient pas quand", assurant que "quelqu'un qui est déterminé à tuer va tuer".
Un prix littéraire
La veuve de Dominique Bernard aborde enfin la création d'un prix littéraire en hommage à son mari. Il s'adressera aux collégiens de 4ᵉ et de 3ᵉ ainsi qu'à ceux de seconde des écoles d'Arras, Dainville, Saint-Nicolas, Aubigny-en-Artois, Achicourt et Anzin-Saint-Aubin. Comme l'affirme le rectorat, "ce concours cherche à encourager la création littéraire tout en promouvant des valeurs fondamentales, notamment la tolérance". Cette année, les participants devront écrire sur la tolérance, en créant une nouvelle de moins de 2 500 caractères, en s'inspirant de la phrase d'Antoine de Saint-Exupéry : "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis." Plusieurs prix seront remis par Brigitte Macron : celui de la meilleure nouvelle collective et individuelle, le prix du progrès et celui du carnet de création.
Une cérémonie d'hommage dimanche
Afin de rendre hommage à Dominique Bernard, poignardé à mort par Mohammed Mogouchkov, 20 ans, le vendredi 13 octobre 2023 aux alentours de 11 heures à l'entrée de la cité scolaire Gambetta-Carnot lors d'un attentat terroriste, une cérémonie a eu lieu à Arras. Plusieurs ministres étaient présents : Didier Migaud, ministre de la Justice, Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, Anne Genette, ministre de l'Éducation nationale, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, et Gabriel Attal, Premier ministre au moment des faits. Isabelle Bernard a précisé dans une interview à La Voix du Nord qu'il était "hors de question" qu'il y ait une récupération politique de cet hommage.
Après que les sirènes de la ville ont sonné à 11 heures, plusieurs prestations artistiques ont eu lieu place des Héros. Les notes du quartes d'Adagio du quatuor K.285 de Mozart ont retenti après avoir entendu les sirènes de la ville. Au même moment, une artiste a débuté une fresque sur laquelle on peut lire "liberté, égalité, fraternité". S'en est suivi une danse, puis la lecture du poème "Avant la nuit", d'Hélène Dorion. Un hommage a été fait a toutes les victimes du terrorisme. Deux personnes ont nommé les villes dans lesquelles des actes terroristes ont été commis : Magnanville, Paris, Marseille, Carcassonne, Trèbes, Strasbourg, Villejuif, Conflans-Sainte-Honorine, Nice, Arras… Le discours du Maire d'Arras a clos cette cérémonie d'hommage. Selon lui, la culture est "l'arme la plus forte", alors que la femme de Dominique Bernard avait insisté pour que cette cérémonie mette l'art et la culture en avant. Dominique Bernard était un homme de lettre, qui aimait lire avec sa famille, qui n'avait pas de téléphone portable et qui vouait une grande place à l'art dans sa vie. Cette cérémonie a été faite à son image. Le public a ensuite pu déposer une rose blanche au pied de la plaque en hommage aux victimes du terrorisme.