Affaire Grégory : un meurtre organisé à plusieurs ? Le procureur évoque les dernières pistes
Voilà 40 ans, jour pour jour, que le corps de Grégory Villemin a été retrouvé sans vie dans la Vologne, une rivière des Vosges, le 16 octobre 1984. 40 ans aussi que le ou les auteurs du crime n'ont pas été identifiés et que les parents de la victime attendent le dénouement judiciaire de cette affaire. Mais même 40 ans après les faits, l'enquête se poursuit assure Philippe Astruc, le nouveau procureur général à la Cour d'appel de Dijon, en Côte-d'Or. Le magistrat nommé en septembre 2024 a récupéré le dossier de l'affaire Grégory et en fait une de ses priorités.
"Il faut travailler avec abnégation et faire tout ce qu'on peut et ce qu'on doit faire pour travailler à la manifestation de la vérité" a déclaré le procureur général sur RTL, ce mercredi 16 octobre. Alors que le dossier compte plus de 17 700 pièces de procédure, les investigations se poursuivent notamment avec les demandes d'actes régulièrement déposées par les parents de Grégory Villemin. Récemment, c'est l'utilisation de la technique de l'ADN de parentèle ou celle de la reconnaissance vocale pour identifier le corbeau - le ou les auteurs de lettres de menaces, dont l'une des dernières revendique le meurtre de l'enfant - qui ont été demandées. S'il n'y a plus "un groupe d'enquêteurs qui travaillent à plein temps" sur l'affaire, des investigations sont menées au cas par cas sur certains points à la demande du magistrat.
L'objectif final est de retrouver le ou les auteurs du meurtre de Grégory. Plusieurs personnes ont déjà été incarcérées ou mises en examen dans cette affaire, notamment des membres de la famille de l'enfant : Bernard Laroche qui est le cousin du père de Grégory, Murielle Bolle belle-sœur de Bernard Laroche, ou encore les époux Jacob qui sont le grand-oncle et la grand-tante de l'enfant. La piste d'un complot familial, évoquée au début de l'enquête en raison d'une jalousie manifeste envers la réussite sociale du couple Villemin, serait à ce jour "l'hypothèse dominante" a expliqué Philippe Astruc. Elle l'est "depuis maintenant assez longtemps. C'est celle qui paraît résulter assez logiquement de l'ensemble des éléments" poursuit le magistrat qui refuse cependant de "donner des noms en pâtures".
"Il n'y a pas un auteur unique"
S'il donne du crédit à la piste familiale, le procureur général de la cour d'appel de Dijon confirme aussi l'hypothèse d'un crime commis à plusieurs : "On est tous à peu près conscients qu'il n'y a pas un auteur unique. Il y a, je rappelle, à peu près 1 000 appels qui ont précédé les faits, plusieurs courriers du corbeau. La matérialité des faits, le jour des faits, laisse à penser qu'il y a une pluralité d'auteurs."
La piste d'un meurtre à plusieurs auteurs est suggéré par plusieurs éléments selon le procureur, qui évoque notamment 9 ADN toujours non-identifiés parmi les pièces de dossiers. Ces éléments ont pourtant été confrontés à 410 personnes, dont 244 sont considérées comme "proches de l'enquête" a fait savoir le magistrat, en vain. L'identification des ADN pourrait permettre une avancée de l'enquête, toutefois cela ne signifiera pas forcément que l'auteur du crime aura été identifié. Il faudra ensuite étudier "l'emploi du temps de la personne", un éventuel mobile et déterminer "ce qu'elle faisait au moment des faits" nuance le magistrat. Outre les traces ADN, des nombreuses auditions ont également été et continuent d'être menées régulièrement. Et le procureur général garde espoir qu'un jour quelqu'un apporte une réponse : "Quelqu'un sait [ce qu'il s'est passé] et ne l'a pas dit, ça me parait évident".
Un point de vue partagé par l'avocat des parents de Grégory Villemin, Me Thierry Moser qui croit que plusieurs décennies après la mort de l'enfant, des personnes disposant d'informations pourraient, un jour, les porter à la connaissance de la justice, comme il l'a dit sur France Bleu ce 16 octobre. "Aujourd'hui, nous savons, nous croyons savoir, nous pensons savoir et nous savons certainement qui a fait quoi, comment, pourquoi, dans ce dossier. On a des convictions, mais il faut les démontrer", indiquait-il en février 2024 sur BFMTV.
Ces différentes hypothèses et la poursuite des investigations laissent la porte ouverte à une possible résolution de l'affaire, mais rien n'est garanti prévient Philippe Astruc. "On progresse, je dirais, en même temps que la science. Donc c'est l'un des éléments qui peut nous permettre de progresser. Je ne dis pas nécessairement de 'solutionner' les choses" a-t-il déclaré sur RTL. Mais même sans l'assurance d'avoir le fin mot sur la mort de Grégory, le magistrat soutient qu'"il faut continuer à travailler tant qu'on le peut, parce qu'on le doit à ce petit garçon, on le doit à ses parents qui sont des victimes."