Sans avocat, comment Boualem Sansal s'est défendu durant son procès en Algérie ?
Le verdict ne sera rendu que le 27 mars prochain, soit dans une semaine. Mais le parquet a requis ce jeudi 20 mars dix ans de prison et un million de dinars algériens, soit un peu moins de 6 900 euros, à l'encontre de l'écrivain franco-algérien. Quotidien le plus vendu d'Algérie, Echourouk s'est fait l'écho de ce procès. Arrêté le 16 novembre 2024 à sa sortie de l'avion en provenance de Paris, Boualem Sansal, 75 ans, est poursuivi pour plusieurs chefs d'inculpation : "atteinte à l'unité nationale, outrage à une institution constituée, atteinte à l'ordre public, pratiques susceptibles de nuire à l'économie nationale et possession de vidéos et publications menaçant la sécurité et la stabilité nationales", rappelle le quotidien algérien.
Des poursuites qui entrent dans le cadre de l'article 87 bis du Code pénal algérien selon lequel "tout acte visant la sécurité de l'État, l'unité nationale, l'intégrité territoriale, la stabilité des institutions et leur fonctionnement normal est un acte de terrorisme ou de sabotage". Les autorités algériennes reprochent notamment à Boualem Sansal d'avoir tenu des propos sur l'appartenance de l'Ouest algérien au Maroc dans un entretien accordé au média français Frontières.
Un "procès fantôme tenu dans le plus grand secret, sans défense"
Atteint d'un cancer de la prostate, pour lequel il serait suivi dans le pavillon pénitentiaire du centre hospitalier universitaire Mustapha-Pacha d'Alger, selon Le Monde, Boualem Sansal serait apparu "en bonne santé" ce jeudi, affirme Echourouk, qui a assisté à l'audience. Audience lors de laquelle l'écrivain franco-algérien a été invité à s'exprimer sur les propos qu'il a tenus. Toujours selon Echourouk, Boualem Sansal aurait préféré se défendre seul, refusant l'avocat commis d'office désigné par la justice algérienne. Une information qui semble confirmée par les dires du bâtonnier d'Alger dans le journal El Watan. Il affirmait il y a un mois de cela que Boualem Sansal avait envoyé un courrier au juge dans lequel il récusait "l'ensemble de ses avocats, y compris Me Zimeray", son avocat français mandaté par son éditeur historique, Gallimard.
L'avocat français affirme, lui, n'avoir toutefois jamais reçu la moindre confirmation officielle de cette décision, relaie Le Monde. Ce dernier déplore même ne pas avoir accès à son client. Il a entrepris de porter l'affaire devant le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Ce jeudi, Me Zimeray a regretté un "procès fantôme tenu dans le plus grand secret, sans défense, […], incompatible avec l'idée même de justice". Et d'estimer : "Cela confirme le caractère arbitraire de cette procédure et d'une détention aussi injuste que cruelle."
"Je n'ai fait qu'exprimer une opinion"
Boualem Sansal s'est donc défendu seul. "Je n'ai rien voulu faire contre mon pays, je n'ai fait qu'exprimer une opinion, comme tout citoyen algérien", a-t-il affirmé jeudi, assurant être Algérien, aimer son pays et que son patriotisme est indiscutable, rapporte Echourouk. L'écrivain a maintenu sa ligne de défense, selon laquelle il n'a en aucun cas voulu offenser l'Algérie. Il a par ailleurs affirmé qu'il ignorait le préjudice potentiel que ses déclarations pourraient engendrer pour les institutions nationales. Alors que l'arrestation de Boualem Sansal a vivement fait réagir dans certains milieux politiques et intellectuels français, le quotidien algérien rapporte que "le procès s'est déroulé de manière normale, sans aucune procédure exceptionnelle".
Boualem Sansal risquant une peine beaucoup plus lourde que les dix ans requis à son encontre, certains veulent toutefois y voir un geste d'apaisement, dans le contexte franco-algérien particulièrement tendu de ces derniers mois. L'accélération du calendrier judiciaire ouvrirait pour sa part la voie à un possible compromis diplomatique, espère-t-on également en coulisses, comme le relate Le Monde.