L'enlèvement d'Amir DZ, commandité par l'Algérie ? Ce que l'on sait de cette affaire digne d'un film d'espionnage
L'affaire est digne d'un film d'espionnage. En avril 2024, l'influenceur et opposant algérien Amir Boukhors a été enlevé par de faux policiers, en France. Un dossier qui survient alors que les tensions diplomatiques entre Alger et Paris sont au plus haut. Trois personnes ont été mises en examen et placées en détention provisoire ce vendredi 11 avril.
Amir Boukhors, alias Amir DZ, s'est fait connaître grâce à un blog, puis sur YouTube et TikTok, plateformes sur lesquelles il est très critique de l'État algérien et accuse les dirigeants du pays d'être corrompus. Cet influenceur de 41 ans détient depuis 2023 le statut de réfugié en France, où il a obtenu l'asile politique. Le 29 avril 2024, alors qu'il rentrait chez lui dans sa commune du Val-de-Marne, une voiture banalisée avec un gyrophare lui barre la route. C'est alors que quatre hommes, en civil mais dont deux arborent un brassard orange de la police, le menottent et le jettent dans le véhicule.
Le commanditaire, un espion travaillant au consulat algérien en France ?
Amir DZ comprend vite qu'il a été kidnappé par de faux policiers, qui l'emmènent vers le sud. "Ils me disent d'abord qu'un responsable algérien veut me parler, que c'est pour cela qu'ils m'emmènent, puis ils me disent que le plan a changé et que je vais partir à Amsterdam", a-t-il confié au Parisien. L'influenceur a témoigné qu'on lui a fait avaler des somnifères de force. Il a finalement été relâché 27 heures après son enlèvement, près d'une forêt, sans explication.
L'enquête qui s'ensuit révèle l'ampleur de l'affaire. Il s'agirait non pas d'un enlèvement, mais d'un projet d'assassinat, potentiellement commandité par le régime du président algérien Abdelmadjid Tebboune, informe Le Parisien. Sept mandats d'arrêt avaient en effet été émis contre Amir DZ par les autorités algériennes, pour des faits allant du terrorisme à l'escroquerie. La France a toujours refusé son extradition, puisqu'il risque jusqu'à la peine de mort dans son pays. L'opposant politique aurait également eu un contrat d'assassinat sur la tête.
Au fil de l'enquête de la Crim et de la DGSI, le lieu de sa séquestration a été retrouvé (Pontault-Combault, en Seine-et-Marne), et quatre suspects sont placés en garde à vue mardi. Ceux-ci auraient reçu leurs ordres d'un membre du consulat algérien en France. Cet individu, sous couverture diplomatique et ainsi protégé par son statut, serait en réalité un officier des services secrets algériens, chargé de mener des opérations clandestines de représailles en France.
Une taupe au ministère de l'Économie et des Finances ?
Mais ça ne s'arrête pas là. Selon Le Parisien, cet espion aurait recruté un fonctionnaire du ministère de l'Économie et des Finances - une "taupe" enrôlée notamment par la menace, afin d'obtenir des informations confidentielles sur les réfugiés et détenteurs de droits d'asile algériens vivant en France. Cette taupe avait en effet une liaison avec une employée de l'Ofpra, l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, lui permettant de découvrir ces informations. Le fonctionnaire du ministère a été mis en examen pour "intelligence avec une puissance étrangère" et "livraison à une puissance étrangère d'information sur intérêt fondamental à la nation", dans le cadre d'une enquête parallèle.
Au final, parmi les quatre mis en examen, trois personnes âgées d'une cinquantaine à soixantaine d'années, ont été mises en examen samedi 12 avril pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire en relation avec une entreprise terroriste. Ainsi que pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle. "La question de l'immunité diplomatique se posera dans la procédure" pour l'espion algérien, a indiqué le parquet national antiterroriste (Pnat).