Vaccination Covid obligatoire : faudra-t-il se faire vacciner tous les six mois ?

Vaccination Covid obligatoire : faudra-t-il se faire vacciner tous les six mois ?

VACCIN OBLIGATOIRE. Si la vaccination obligatoire n'est pas encore une piste sérieuse en France, l'exécutif n'écarte pas cette possibilité. Mais la durée d'efficacité du vaccin et la question d'un rappel tous les six mois commence à émerger, ce qui pourrait changer la donne...

[Mis à jour le 30 juillet 2021 à 13h18] Le débat sur la vaccination obligatoire se poursuit en France, alors que le projet loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, instaurant le pass sanitaire et la l'obligation vaccinale des soignants, a été adopté par le Parlement. La réflexion s'enrichit même de nouveaux paramètres alors que l'efficacité des vaccins contre le Covid face aux variants est en question. D'un côté, la vaccination resterait efficace à 90% ou plus contre les formes graves du coronavirus, mais l'hypothèse de plus en plus probable d'un échappement immunitaire rend les conclusions plus incertaines sur l'infection et la contamination en elles mêmes. Si une personne vaccinée pouvait contracter (et transmettre) le Covid, même sans développer de forme grave, alors l'utilité d'imposer un pass sanitaire dans les lieux publics serait considérablement réduite. En revanche, imposer une vaccination systématique, sans pass sanitaire, permettrait d'éviter les cas les plus graves, l'engorgement des services de réanimation et, in fine, les décès. La logique de la vaccination obligatoire est donc défendue par quelques scientifiques et observateurs de l'épidémie.

Mais pour d'autres experts, le recul sur l'efficacité du vaccin est au contraire insuffisant pour l'imposer à tous. La durée de l'immunité fournie par le vaccin est en effet en question. Une étude internationale, publiée en preprint ce mercredi 28 juillet sur le site MedRxiv, suggère par exemple que l'efficacité du vaccin contre le Covid-19 développé par Pfizer et BioNTech est passée de 96% à 84% en six mois. Israël, pays le plus en avance dans sa campagne de vaccination, a d'ores et déjà introduit une troisième dose  pour les plus de 60 ans qui ont été vaccinés il y a plus de six mois. Le laboratoire Pfizer pousse d'ailleurs les autorités mondiales depuis plusieurs semaine par communiqué (lire ici ou ici) à envisager l'administration d'un "booster" de son vaccin.

Dans ce contexte, rendre le vaccin obligatoire pourrait tourner au casse-tête, avec un rappel tous les six mois ou tous les ans. "Personnellement, j'ai toujours utilisé l'obligation avec beaucoup de prudence. On a jamais rendu obligatoire un vaccin dont la durée de l'immunité n'est pas connue", a notamment indiqué l'épidémiologiste et professeur de médecine William Dab, ancien Directeur général de la Santé, sur BFMTV le 29 juillet. Rappelant que le vaccin contre le tétanos nécessite un rappel tous les 10 ans, il s'interroge sur le vaccin contre le Covid : "Est-ce qu'il va falloir un rappel tous les ans ? Parfois un rappel tous les 6 mois ? On ne le sait pas encore". Le nombre de doses disponibles pourrait aussi poser problème en cas d'obligation concernant un vaccin à trois doses ou plus.

En déplacement en Polynésie française fin juillet, Emmanuel Macron n'a pas explicitement évoqué la question de la vaccination obligatoire, qu'il avait mise en suspens lors de son discours du 12 juillet.  Mais le chef de l'Etat a quand même lancé un petit avertissement. "Si demain vous contaminez votre père, votre mère ou moi-même, je suis victime de votre liberté alors que vous aviez la possibilité d'avoir quelque chose pour vous protéger et me protéger. Et au nom de votre liberté, vous allez peut-être avoir une forme grave (du virus) et vous allez arriver à cet hôpital. Ce sont tous ces personnels qui vont devoir vous prendre en charge et peut-être renoncer à prendre quelqu'un d'autre (…) Ce n'est pas ça la liberté, ça s'appelle l'irresponsabilité, l'égoïsme", a expliqué le président. 

Qui est concerné par la vaccination obligatoire en France ?

Le vaccin ne deviendra officiellement obligatoire que pour les personnels soignants des hôpitaux et des Ehpad, mais dans une acception très large. Dans son discours du 12 juillet annonçant la mesure, Emmanuel Macron est en effet allé plus loin que ce qui était pronostiqué dans les médias avec une vaccination obligatoire pour tous "les personnels soignants et non soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, pour tous les professionnels ou bénévoles au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile". 

Le projet de loi, finalement adopté par le Parlement le 25 juillet 2021, et qui doit encore être validé par le Conseil constitutionnel, liste les professionnels médicaux et paramédicaux qui exercent en libéral ou dans les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad et les maisons de retraite, ainsi que les professionnels, étudiants ou élèves qui travaillent dans ces locaux. Sont aussi concernés les professionnels en contact avec des personnes vulnérables, comme les pompiers,  les ambulanciers, les employés au domicile de certains bénéficiaires de l'allocation personnalisé d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Au total, le texte de loi mentionne plusieurs dizaines de professions de santé ou d'établissements dont les personnels devront se faire vacciner.

Dans un avis daté du 6 juillet, le Conseil scientifique plaidait déjà pour cette obligation vaccinale des soignants. Les experts ont rappelé que "le choix d'un métier de santé s'accompagne d'une responsabilité professionnelle vis-à-vis des personnes/patients que l'on accompagne" y compris en matière de vaccination. Ils ont aussi appuyé "la recommandation du Conseil d'Orientation de la Stratégie vaccinale d'aller vers 'une obligation vaccinale des soignants'". Le Conseil scientifique entendait également élargir la cible de l'obligation vaccinale "à d'autres catégories, comme les 'aidants', le personnel des services à la personne ou l'ensemble des professionnels (non sanitaires) exposés et exposants à un risque pour autrui." Des arguments repris par de nombreux représentants du gouvernement depuis. Le Conseil scientifique a d'ailleurs apporté un avis favorable au projet de loi dans un autre avis rendu le 16 juillet.

Les pompiers sont-ils concernés par la vaccination obligatoire ?

Les pompiers font bel et bien partie des professions pour lesquelles la vaccination devrait devenir obligatoire. Mais sept syndicats représentatifs des sapeurs-pompiers ont d'ores et déjà demandé le retrait de l'obligation de vaccination pour leur profession. S'ils ne se prononcent pas "contre la vaccination", ils s'élèvent "contre son obligation", "la contrainte" et le "climat de défiance" qu'elle instaure, comme l'a indiqué Sébastien Delavoux, de la CGT des agents Sdis, sur France Info. "On ne s'est pas donné les moyens de convaincre les pompiers de se faire vacciner", s'est-il défendu estimant que "cette manière de l'imposer sous la menace d'une sanction a rebuté les hésitants". La vaccination obligatoire pourrait pousser certains pompiers volontaires à mettre leur engagement entre parenthèses pointent également les syndicats. L'obligation vaccinale des pompiers figure dans la loi adoptée le 25 juillet.

Les policiers sont-ils concernés par la vaccination obligatoire ?

Interrogé dès le mardi 13 juillet sur le sujet, Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a rejeté l'idée de rendre également la vaccination obligatoire auprès des policiers. Le pass sanitaire, "c'est pour des personnels qui travaillent dans des lieux où le pass sanitaire est exigé pour les usagers ", a-t-il expliqué sur Europe 1, précisant que "ce n'est pas la même situation" pour les policiers. "Les policiers ne travaillent pas dans les établissements… Enfin, ce n'est pas la même situation ! Les policiers sont certes au contact du public…" a-t-il toutefois bégayé. Cette décision, même si elle n'est pas contestée car la majorité des policiers sont désormais vaccinés, suscite l'interrogation des syndicats comme le syndicat majeur du corps de commandement de la Police Nationale, CFE-CGC.

La vaccination est-elle obligatoire pour les enseignants, au collège, au lycée ?

La question de la vaccination des enseignants a elle aussi été posée, alors que la rentrée 2021 fait craindre une démultiplication des contaminations. A ce stade, elle n'est pas prévue par le gouvernement. Le ministre de la Santé Olivier Véran a indiqué sur RMC dès le 13 juillet que les professeurs ne seraient pas concernés par l'obligation vaccinale, le corps enseignant étant "au contact de personnes qui ne sont pas fragiles". Le ministre de l'Education allait dans ce sens quelques jours plus tôt sur LCI, en estimant néanmoins que ces sujets "continueront à être sur la table jusqu'à la rentrée". "Etant donné qu'une grande majorité des professeurs se font vacciner. On n'a pas besoin de mettre en place un système d'obligation", a-t-il ajouté. Et Jean-Michel Blanquer de chiffrer de 70% à 75% des enseignants ayant reçu une première injection et à 90% ceux qui en avaient l'intention début juillet.

Jean Castex a confirmé le 21 juillet sur TF1 que les enseignants ne seraient pas concernés par la vaccination obligatoire, reprenant les mêmes arguments. Concernant les élèves, la vaccination obligatoire n'est pas non plus à l'ordre du jour. Lors de son intervention, le Premier ministre a tout de même indiqué qu'une campagne de vaccination serait mise en place dès la rentrée scolaire dans les collèges et lycées, même si le pass sanitaire n'y sera pas demandé. Le dispositif sera également proposé aux enseignants non vaccinés, mais sans obligation.

La vaccination est-elle obligatoire pour voyager, aller au restaurant, dans un centre commercial ?

Le projet de rendre la vaccination obligatoire ne concerne pas directement les voyages ou les sorties, comme aller au restaurant, dans un lieu culturel ou dans un centre commercial. Tout ou partie de ces sorties seront en revanche soumises dès cet été à la détention d'un pass sanitaire, elle-même  conditionnée en grande partie à une vaccination. Pour obtenir un pass sanitaire, il faudra en effet présenter un certificat de rétablissement du Covid-19 ou un test PCR ou antigénique négatif de moins de 48 heures. Un test qui deviendra payant à l'automne. Seule alternative à ces deux contraintes : justifier d'un cycle de vaccination complet (2 doses pour les vaccins le demandant) et respecter le délai d'immunité après la dernière injection.

Les salariés de ces établissements, autrement dit les employés de bars, de restaurants ou encore de cinémas, seront, de fait, soumis eux aussi à la détention d'un pass sanitaire à partir du 30 août.

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Quand la vaccination devient-elle obligatoire ?

La date limite pour les soignants et les personnels soumis à l'obligation vaccinale est fixée au 15 septembre. "A partir du 15 septembre, des contrôles seront opérés et des sanctions seront prises", a indiqué Emmanuel Macron. Le texte de loi indique qu' "à compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 5 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 6 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au I bis de l'article 5". Certaines professions bénéficieront d'un délai "à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus".

L'extension du pass sanitaire à de nombreux lieux recevant du public (bars, restaurants, cinémas, théâtres et lieux culturels, train, avion etc.), s'étalera quant à elle jusqu'au mois d'août. Les employés des secteurs concernés comme les employeurs bénéficient d'un délai pour se mettre en conformité : l'obligation du pass sanitaire ne s'appliquera à ces professions qu'à compter du 30 août.

Le vaccin sera-t-il bientôt obligatoire pour tous les Français ?

Lors de son allocution du 12 juillet, Emmanuel Macron a laissé entendre qu'il pourrait généraliser l'obligation si le nombre de personnes vaccinées n'était pas suffisant pour contenir l'épidémie, mais il a préféré faire, pour l'heure, "le choix de la confiance". Le gouvernement a tout de même donné un coup de pouce à la campagne de vaccination en élargissant l'utilisation du pass sanitaire. Depuis ce 21 juillet et a fortiori à partir du mois d'août, la présentation du pass sanitaire, donc d'une preuve de vaccination complète ou d'un test PCR négatif de moins de 48h, va devenir la condition sine qua non pour se rendre dans des lieux accueillant du public. Dans le courant du mois d'octobre, la gratuité des tests PCR prendra fin. L'idée derrière ces nouvelles mesures est explicite et assumée : "faire peser les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous" comme l'a expliqué le chef de l'État.

Plusieurs instances se sont par ailleurs prononcées pour une vaccination obligatoire contre le Covid. C'est le cas de la Haute autorité de Santé, qui considère désormais publiquement que "l'obligation vaccinale pour les professionnels au contact de personnes vulnérables est justifiée", mais également que le dispositif peut s'étendre à toute la population, comme indiqué dans un avis du jeudi 15 juillet.

Quelles sanctions sont prévues en cas de refus de la vaccination obligatoire ?

"Des contrôles seront opérés et des sanctions prises" à partir du 15 septembre, a expliqué Emmanuel Macron au sujet des personnes soumises à l'obligation vaccinale. Les personnels soignants qui ne seront pas vaccinés à cette date ne pourront plus travailler et ne seront plus payés, a également expliqué Olivier Véran. Les employeurs, agences régionales de santé, directions d'établissements, assurance maladie "seront habilités à effectuer des contrôles, comme ça existe déjà dans le droit commun, pour d'autres maladies".

La ministre du Travail Elisabeth Borne a donné des précisions, évoquant une "suspension du contrat de travail" qui sera prévue dans le projet de loi pour les soignants et professionnels non vaccinés au 15 septembre. Ces derniers ne seront donc plus rémunérés. Cette suspension vaudra aussi pour les salariés des établissements soumis au pass sanitaire à partir du 30 août et qui ne répondraient pas à cette obligation. La durée de la suspension sera précisée dans le projet de loi. Elisabeth Borne a indiqué sur BFMTV le 20 juillet qu'après les deux mois de suspension, si le salarié n'a toujours pas de pass sanitaire pour reprendre le travail, celle-ci pourra être prolongée à la demande de l'employeur. Mais ce dernier aura également la possibilité de licencier les salariés concernés pour motif personnel, avec l'obligation de verser une indemnité. La ministre a néanmoins prôné le dialogue, évoquant notamment "la possibilité pour le salarié de convenir avec son employeur de prendre des RTT ou des jours de congés" ou  "de convenir d'une autre affectation, dans un endroit" non soumis au pass sanitaire.

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Pourquoi la vaccination contre le coronavirus devient-elle obligatoire ?

La vaccination obligatoire a fait son chemin dans l'esprit des autorités à cause de la conjonction de deux éléments clés. D'abord, depuis la fin juin, l'épidémie de coronavirus est en plein rebond. Une quatrième vague est déjà en cours, portée principalement par le variant Delta qui est devenu majoritaire. Emmanuel Macron a indiqué ce lundi 12 juillet que le variant Delta était "trois fois plus contagieux que la souche d'origine" du coronavirus et "s'engouffre dans toutes les parties du monde non couvertes par la vaccination".  Il a notamment craint des hospitalisations en hausse en France dès le mois d'août et a martelé que le vaccin était la meilleure arme dans la "course de vitesse" lancée contre ce variant. Le vaccin "divise par 12 les contaminations et protège à 95% contre les formes graves" du variant Delta, a-t-il assuré.

Le second élément ayant poussé les autorités à faire avancer la question de la vaccination obligatoire est le coup de frein dans les rendez-vous de première injection constaté à la la fin juin. Surtout, la faible proportion de soignants vaccinés inquiétait les autorités depuis plusieurs semaines, alors même qu'ils sont en première ligne dans les hôpitaux et les Ehpad, au contact de publics parfois fragiles et que le Covid-19 a plusieurs fois été cité parmi les maladies nosocomiales. Dans un courrier du gouvernement aux directeurs d'établissements le 29 juin, le gouvernement s'inquiétait que "seuls 55 % des professionnels aient reçu au moins une dose". Ce chiffre devrait rapidement évoluer comme celui des rendez-vous de première injections. Entre les annonces d'Emmanuel Macron le lundi 12 juillet au soir et le mercredi 14 juillet à la mi-journée, plus de deux millions de Français avaient déjà pris des rendez-vous sur Doctolib en vue de se faire vacciner. Le nombre de doses administrées chaque jour reste depuis au-dessus des 500 000.

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