Ballon chinois : tout comprendre à l'affaire qui crispe les Etats-Unis

Ballon chinois : tout comprendre à l'affaire qui crispe les Etats-Unis Depuis le repérage et la destruction du ballon espion chinois début février, plusieurs objets non identifiés ont été vus dans le ciel américain et abattus par l'armée qui communique peu sur ces intrusions, suspectes pour certaines.

Les Etats-Unis ont les yeux braqués vers le ciel. L'armée piste toute présence anormale dans le ciel américain depuis que les intrusions, plus ou moins suspectes, se multiplient. Le dernier mouvement suspect date de la soirée du dimanche 12 février quand un avion de combat a abattu "un objet non identifié" de forme octogonal avec des cordes qui flottait au-dessus du lac Huron, à la frontière entre l'Etat du Michigan et le Canada. L'appareil a été mis hors d'état de nuire même s'il ne représentait pas de menace militaire selon le Pentagone. L'armée et le gouvernement sont restés particulièrement discrets sur la description et la nature de l'objet abattu, un silence qui commence à irriter les élus. Ce lundi 13 février, le Congrès interpelle le gouvernement et exige plus de transparence sur ces incidents aériens.

La séquence a débuté le 1er février avec le repérage d'un ballon chinois présenté comme espion par les autorités américaines. Après deux jours d'observation, l'objet volant a été abattu au-dessus de l'Atlantique au large de la Caroline du Sud. Depuis quatre autres intrusions ont été repérées et contrecarrées par les forces aériennes américaines. Seul le ballon chinois s'est avéré être un engin d'espionnage avec à la présence de d'équipements de captation d'images et d'interception des signaux électromagnétiques et de télécommunication. Aucun autre objet n'a été identifié. Pointée du doigt, la Chine a renvoyé la balle le 13 février en accusant les Etats-Unis d'avoir violé son espace aérien. "Rien que depuis l'année dernière, des ballons américains ont survolé la Chine à plus de dix reprises sans aucune autorisation", a indiqué le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin devant les médias.

Un ballon chinois destiné à l'espionnage ?

"Nous n'avons aucun doute sur le fait que le ballon provient de la Chine", avait assuré Washington le 3 février au sujet du ballon chinois. Les Etats-Unis ne doutaient pas non plus du caractère espion de l'objet volant malgré le démenti de Pékin. Si la Chine avait reconnu être propriétaire du ballon, elle l'avait décrit comme un aéronef civil utilisé pour effectuer des recherches principalement météorologiques. "En tant que pays responsable, la Chine a toujours strictement respecté le droit international et n'a aucune intention de violer le territoire et l'espace aérien d'un Etat souverain", avait assuré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Mao Ning, auprès de l'AFP.

Après avoir abattu le ballon chinois d'une envergure équivalente à celle de trois autobus, l'armée a procédé à l'examen des débris de l'engin et fait part de la présence dans la membrane du ballon d'un dispositif pointu capable de filmer et d'intercepter des signaux. Or, avant d'être mis hors d'état de nuire, le ballon chinois espion avait survolé des "sites sensibles" comme des bases aériennes et des silos de missiles stratégiques notamment ceux situés dans l'Etat du Montana, au nord-ouest des Etats-Unis, selon le haut responsable de la Défense américain cité par l'AFP. Un discours américain qui appuie la thèse de l'espionnage.

Washington a depuis assuré que d'autres pays ont été survolés par des engins similaires comme la Colombie, l'Inde mais aussi le Japon et Taïwan, ces deux derniers ayant publié des clichés des ballons vus dans leur ciel au cours des deux dernières années. Pékin "cherche à observer les habitudes des différentes bases. Parce que s'il y avait un jour une attaque surprise sur ces bases, il faudrait connaître parfaitement les moments où elles relâchent leur surveillance", a supposé sur le plateau de TF1 le lieutenant-colonel et historien militaire Vincent Arbarétier.

Quels sont les autres objets volants entrés dans le ciel des Etats-Unis ?

Sur les trois objets volants qui ont pénétré le ciel américain entre le 10 et le 12 février, aucun n'a été décrit comme un engin espion par Washington. Mais tous ont été abattus par mesure de précaution, notamment parce que deux d'entre eux représentaient une "menace pour la sécurité du trafic aérien". Les autorités américaines n'écartent toutefois pas totalement l'idée d'avoir affaire à des engins espions.

  • Un objet non identifié a été abattu au-dessus du lac Huron dans le Michigan par des pilotes l'US Air Force et la Garde nationale le dimanche 12 février.
  • Un appareil cylindrique volant à 12 000 mètres d'altitude au-dessus du Yukon, à la frontière canado-américaine, a été abattu le samedi 11 février par un F-22 lors d'une intervention commune entre le Canada et les Etats-Unis. La ministre de la Défense canadienne, Anita Anand, a indiqué que les analyse de l'objet sont en cours.
  • Une "anomalie radar" a été repérée dans le Montana le samedi 11 février et a entrainé le déploiement d'un avion de combat qui "n'a identifié aucun objet [permettant] de corréler les échos radars", d'après le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD).
  • Un objet "de la taille d'une petite voiture" a été abattu au-dessus du Yukon, à la frontière entre le Canada et l'Alaska, le vendredi 10 février. L'objet mettait à mal la sécurité des vols civils selon le Pentagone que a indiqué ne pas avoir de "détails sur l'objet, y compris ses capacités, son but ou son origine".

Les ballons chinois crispent les relations entre les Etats-Unis et la Chine

L'incident du ballon chinois a ravivé les tensions entre les deux puissances mondiales et les deux puissances jouent au ping-pong en se renvoyant mutuellement les accusations. Après l'intrusion de plusieurs objets volants dans le ciel américain, dont un avec une origine chinoise avérée, la Chine s'est défendue en jouant la carte de l'offensive. Pékin a assuré le 13 février que la puissance américaine a violé l'espace aérien chinois une dizaine de fois au cours de l'année 2022. Les autorités ne donnent pas plus de de détails sur ces incidents et invitent les journalistes à "se référer à la partie américaine", mais assurent avoir géré ces incursions de manière "responsable et professionnelle". 

Retour à l'envoyeur pour les Etats-Unis. Quelques heures après les déclarations chinoises, la Maison Blanche a démenti les accusations et la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, Adrienne Watson, a twitté : "C'est la Chine qui possède un programme de ballons espions à haute altitude pour collecter des renseignements, qu'elle a utilisé pour violer la souveraineté des Etats-Unis et de plus de 40 pays sur cinq continents".

Le 3 février, les Etats-Unis et la Chine avaient déjà eu de vifs échanges. Pékin avait condamné la destruction du ballon dénonçant une "[violation grave] des pratiques internationales" à laquelle elle s'autorisait à répondre. Du côté de Washington, les parlementaires des camps républicains et démocrates Mike Gallagher et Raja Krishnamoorthi jugeaient que l'intrusion du ballon chinois était pas la preuve que la Chine ne prévoyait pas de "changement réel de politique". Le secrétaire d'Etat Anthony Blinken que devait se rendre dans le pays le 5 février avait même reporté sa visite promettant de l'honorer dès que "les conditions le permettront". Mais plusieurs mois pourraient être nécessaires pour observer des améliorations dans les relations sino-américaines.