Liban-Israël : la généralisation du conflit servirait les intérêts de ce pays

Liban-Israël : la généralisation du conflit servirait les intérêts de ce pays L'offensive d'Israël au Liban et la riposte du Hezbollah continuent. Alors que l'Iran accuse l'Etat hébreu de vouloir "élargir" le conflit, une généralisation de la guerre pourrait servir les intérêt d'un des belligérants.

Israël promet de combattre le Hezbollah "jusqu'à la victoire". Cette déclaration faite par les autorités israéliennes, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU le 27 septembre, après le début d'attaques massives lancées à l'encontre du Liban fait craindre une escalade du conflit et surtout son extension à la région du Moyen-Orient. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell estimait la situation "au bord de la guerre totale" quelques jours plus tôt.

La détermination de l'Etat hébreu à vaincre le mouvement islamiste libanais et pro-iranien est telle que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou a écarté l'idée d'un "cessez-le-feu immédiat de 21 jours" pourtant encouragé par la France, les Etats-Unis qui sont le principal allié d'Israël, et les pays arabes. Au contraire, le dirigeant promet de se battre "avec toute la force nécessaire". Mais il joint les actes à la parole, puisque depuis le lundi 23 septembres des dizaines de frappes israéliennes ont touché le sud et l'est du Liban, en plus de la capitale Beyrouth, et ont fait plus de 700 morts selon le dernier bilan des autorités libanaises. 

Israël assure toutefois viser uniquement les zones du pays contrôlées par le Hezbollah, soit une large partie sud où se concentre la majorité des tirs et la moitié est du pays. Pour justifier la violence des attaques de l'opération "Northern Arrows", l'Etat hébreu dit vouloir réassurer la sécurité de la frontière israélienne avec le Liban, le long de la ligne bleue de l'ONU pour permettre aux 60 000 à 70 000 civils israéliens évacués de la zone à s'y réinstaller. Mais il va de soi que l'Etat hébreu agit dans son intérêt en affaiblissant le Hezbollah, main armée de l'Iran au Liban. Dans la poursuite de son opération, l'armée israélienne a indiqué préparer une possible "entrée" terrestre de ses soldats au Liban. "Nous sommes en train de gagner" a d'ailleurs lancé Benyamin Nétanyahou lors de son discours à l'Assemblée générale de l'ONU le vendredi 27 septembre. Et le Premier ministre d'ajouter à l'égard de l'Iran : "Si vous nous attaquez, nous répondrons".

Israël accusé d'essayer "d'élargir" le conflit

Avec l'intensification des frappes contre le Liban, Israël chercherait à "régionaliser le conflit" selon l'analyse de Didier Billion, directeur adjoint à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), auprès du Parisien. "Israël veut pousser le Hezbollah à une faute sérieuse" capable d'envenimer le conflit et de replacer l'étiquette de pays attaqué plutôt que de pays agresseur sur Israël. "Dans cette hypothèse, le soutien des Occidentaux [à l'Etat hébreu] redeviendrait automatique et inconditionnel" ajoute le spécialiste.

Le politologue libanais et ancien envoyé spécial des Nations Unies pour la Libye, Ghassan Salamé, a d'ailleurs indiqué dans Le Grand Continent que l'Iran et son relai au Liban, le Hezbollah, prêtent à Israël l'objectif de déclencher une guerre généralisée. Une analyse confirmée par les propos du président iranien Massoud Pezeshkian qui a accusé Israël de vouloir "élargir" la guerre à toute la région moyen-orientale. Le dirigeant a estimé qu'étendre les confrontations ne "bénéficierait à personne" et a assuré que l'objectif de Téhéran n'est pas de "déstabiliser" la région.

Une guerre totale ne ferait pas les affaires de l'Iran et de ses soutiens en raison d'un rapport de force favorable à l'Etat hébreu à en croire le politologue. Si le Hezbollah, qui représente la forcé armée non étatique la plus importante du monde, dispose encore d'une importante force de frappe, "l'aviation israélienne dispose d'une suprématie évidente" explique Ghassan Salamé. Il en va de même pour Téhéran. Des proches du pouvoir iranien ont confirmé auprès du New York Times que les risques d'une guerre généralisée sont trop importants pour l'Iran qui est déjà affaibli économiquement par des sanctions américaines et la suspension des liaisons aériennes avec plusieurs pays occidentaux. Au-delà de l'Iran, ce sont aussi tous ses relais régionaux comme le Hezbollah, le Hachd, les Houthis, le Hamas et le Djihad islamique qui souffriraient d'une guerre généralisée. Face à Israël, l'Iran a plutôt intérêt à soutenir ses alliés comme il le fait pour multiplier les fronts face à l'Etat hébreu sans entrer directement en conflit.

Si ni le Hezbollah, ni l'Iran ne souhaitent une guerre généralisée selon Ghassan Salamé, ils organisent tout de même des frappes et des ripostes contre Israël pour présenter des forces dissuasives. "Le défi consiste à calibrer ces représailles de manière à éviter de tomber dans ce qu'ils considèrent comme un piège qui leur est tendu, à savoir celui d'une escalade vers une guerre généralisée", précise le politologue et ancien envoyé spécial de l'ONU.

L'hypothèse d'une escalade nucléaire

Officiellement, l'Iran ne compte pas parmi les puissances nucléaires, mais il est de notoriété publique que le pays renforce son arsenal depuis la découverte d'un programme nucléaire iranien en 2003. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken estimait d'ailleurs fin juillet que le pays était en mesure de produire des matières fissiles en vue d'une arme nucléaire en "une à deux semaine". Les capacités nucléaires de l'Iran ont également était estimées par la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN) dont la coordinatrice a indiqué à Euractiv : "Comme le pays refuse de confirmer ou d'infirmer la possession de telles armes, on sait peu de choses sur l'arsenal [d'Israël], mais les experts pensent que le pays peut déployer des armes nucléaires à l'aide de missiles, de sous-marins et d'avions ".

Reste qu'Israël est, lui, doté de l'arme nucléaire... comme son allié américain. "Israël est [d'ailleurs] très opaque sur les circonstances dans lesquelles il utiliserait des armes nucléaires, il est donc difficile de savoir à quel point nous pourrions être proches de l'utilisation d'armes nucléaires" selon la représentante de l'ICAN. L'hypothèse d'une attaque nucléaire ne peut pas être totalement écartée, mais elle ne semble pas être sur la table pour l'heure ni d'un côté, ni de l'autre. L'usage de l'arme nucléaire est bien interdit par le Traité sur l'interdiction des armes nucléaire (TIAN) mais celui-ci ne contraint que les Etats l'ayant ratifié et aucune force nucléarisée n'a signé le texte. Reste que la première force à lancer une attaque nucléaire se verrait certainement visée par des représailles similaires, serait tenue responsable et encourrait de lourdes sanctions de la part de la communauté internationale.