Ces trois scénarios qui facilitent l'usage de l'arme nucléaire par Poutine et qui font de l'Occident une cible

Ces trois scénarios qui facilitent l'usage de l'arme nucléaire par Poutine et qui font de l'Occident une cible Vladimir Poutine a plaidé pour un élargissement des cas dans lesquels la Russie pourrait être autorisée à utiliser l'arme nucléaire.

Le retour de la menace nucléaire. Alors que Kiev tente de convaincre l'Occident d'autoriser l'utilisation de missiles à longue portée dans son conflit avec Moscou, le président russe Vladimir Poutine a déclaré, une nouvelle fois, que le Kremlin étudierait la "possibilité" du recours à l'arme nucléaire. Une annonce savamment orchestrée et diffusée à la télévision pour marquer les esprits. Habituellement, ce genre de réunion avec le conseil de sécurité nucléaire n'a pas vocation à être publique. 

Dans ces conditions, le maître du Kremlin a rappelé que la Russie avait toujours eu "une approche très responsable sur ces questions". Toutefois, "nous voyons que la situation militaire et politique actuelle évolue de façon très dynamique et nous devons en tenir compte", a-t-il lancé. Le chef d'Etat a notamment évoqué de nouvelles menaces qui planent sur le pays et ses alliés. Voilà pourquoi, des changements concernant la doctrine russe de recours à l'arme atomique ont été proposés. Et plus particulièrement, un élargissement des cas dans lesquels la Russie pourrait être autorisée à utiliser l'arme nucléaire. Aujourd'hui, la doctrine russe autorise son usage en cas d'attaque nucléaire, d'attaque sur ses installations nucléaires ou en cas d'attaque conventionnelle "mettant en jeu l'existence de l'Etat". Vladimir Poutine souhaite désormais passer à la vitesse supérieure en incluant d'autres cas dans lesquels le pays pourrait en faire usage.

Les pays possédant l'arme nucléaire dans le viseur

Si Vladimir Poutine est un habitué de ce type d'annonce, ces dernières déclarations doivent être appréhendées avec sérieux, car elles revêtent un caractère plus menaçant, et pas uniquement à l'encontre de l'Ukraine avec qui le pays est toujours en guerre. "Il a ajouté trois nouveaux points pouvant être intégrés à la doctrine", explique Ulrich Kühn, directeur du programme de recherche sur le contrôle des armements et des technologies militaires émergentes à l'Institut de recherche sur la paix et la politique de sécurité de l'université de Hambourg, dans les colonnes de France 24. Si cela fait plusieurs fois que la Russie menace de réviser sa doctrine nucléaire, le pays a maintenant formulé des revendications précises.

D'abord, Moscou propose de "considérer l'agression de la Russie par un pays non-nucléaire mais avec la participation ou le soutien d'un pays nucléaire comme une attaque conjointe contre la Fédération de Russie", a déclaré Vladimir Poutine, lors de la réunion télévisée. Avec ce message, le maître du Kremlin met la pression contre les puissances nucléaires qui apportent leur soutien à une attaque contre la Russie. On pense notamment à un potentiel envoi de missiles balistiques à longue portée britanniques ou américains par l'Ukraine, sur le territoire russe. Par ce postulat, Moscou considérerait le Royaume-Uni ou les Etats-Unis comme des cibles légitimes pour une riposte, faisant planer la menace d'un conflit planétaire.

Voilà pourquoi, depuis plusieurs semaines, le président américain Joe Biden hésite à donner son feu vert pour l'envoi de missiles de longue portée livrés par les Occidentaux contre des cibles russes. "Je pense qu'ils ont peur de l'escalade", déclarait à ce sujet le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dimanche 22 septembre. Si Kiev estime ce feu vert indispensable, Washington tente de temporiser, évoquant un nombre de missiles à fournir trop faibles ou que le fait de viser, entre autres, des pistes d'aéroport aurait un impact trop faible car elles sont réparées en seulement quelques heures.

Là est peut-être l'occasion pour Joe Biden de gagner du temps avant l'élection présidentielle de novembre prochain. Si le président américain a annoncé la livraison des armes de longue portée à l'Ukraine ce jeudi 26 septembre, ainsi qu'une aide militaire de près de 8 milliards d'euros, le communiqué de la Maison Blanche ne mentionne pas le feu vert espéré par l'Ukraine pour tirer des missiles de longue portée fabriqués aux Etats-Unis vers la Russie. Les missiles dont fait état le communiqué ont une portée de 130 km, permettant plutôt à l'armée ukrainienne de viser la Russie depuis des positions plus reculées, sans mettre en danger leurs avions.

Concernant la France, d'après les chiffres du ministère des Armées, le pays a livré pour une valeur totale de 3,035 milliards d'euros d'équipements militaires à l'Ukraine, auxquels viennent s'ajouter 2,1 milliards d'euros versés à la Facilité Européenne pour la Paix (FEP), soit un soutien militaire de plus de 5,135 milliards d'euros depuis le début de la guerre. Le 28 mai dernier, Emmanuel Macron avait pour la première fois accepté d'autoriser l'Ukraine à frapper des cibles militaires en Russie avec des missiles français, à l'occasion d'un conseil des ministres franco-allemand et en présence du chancelier allemand Olaf Scholz. Il avait complété son propos en excluant fermement de toucher les "capacités civiles" russes. La France fournit notamment à l'Ukraine du matériel d'artillerie comme des canons Caesar, des chars de combat AMX10-RC, des véhicules Bastion ou encore des missiles anti-chars Milan. Côté systèmes anti-aériens, des lance-roquettes unitaires (LRU), des systèmes Crotale de défense anti-aérienne, une centaine de Mistral et un système Mamba SAMP-T fourni conjointement par la France et l'Italie, ont été mis à disposition de l'armée ukrainienne.

Un élargissement considérable de sa doctrine nucléaire

Vladimir Poutine envisage également d'élargir l'utilisation de l'arme nucléaire "si nous recevons des informations fiables sur le lancement massif de moyens d'attaque aérospatiaux et leur franchissement de la frontière de notre État. Je fais référence à l'aviation stratégique et tactique, aux missiles de croisière, aux drones, aux avions hypersoniques et autres appareils d'aviation", déclarait-il ce mercredi.

Enfin, Moscou pourrait se réserver le droit d'utiliser l'arme atomique en cas d'attaque contre un allié, par exemple la Biélorussie. Avec une telle communication, et la proposition de trois nouveaux cas clairs, dans lesquels la Russie pourrait faire usage de l'arme nucléaire, Vladimir Poutine envoie un message diplomatique très fort à l'Occident, en crédibilisant la menace. C'est "une manière de dire que la balle est dans le camp de l'Occident et que la Russie ne peut être tenue pour responsable de ce qui se passerait si la mise en garde était ignorée", estime Ulrich Kühn, toujours chez France 24. Reste désormais à connaître la position et la réaction des puissances occidentales après les dernières déclarations du maître du Kremlin, Paris compris.