Plusieurs tonnes d'aides alimentaires gâchées à Gaza ? Israël accuse l'ONU et les ONG

Mathilde Georges

Plusieurs tonnes d'aides alimentaires gâchées à Gaza ? Israël accuse l'ONU et les ONG Alors que la malnutrition a atteint des "niveaux alarmants" selon l'ONU à Gaza, plusieurs tonnes d'aides alimentaires fournies par les ONG sont à l'abandon selon les journalistes sur place.

Des tonnes de denrées humanitaires abandonnées s'entassent sous le soleil brûlant. C'est la scène découverte par les journalistes de BFMTV et du Figaro le dimanche 27 juillet à Kerem Shalom, une zone tampon au sud d'Israël, techniquement en territoire gazaoui. L'armée israélienne a convié des journalistes locaux et internationaux sur sa plateforme logistique pour tenter de prouver sa bonne foi, après avoir été accusée par l'ONU et plusieurs ONG de bloquer l'entrée de l'aide humanitaire à Gaza. 

Sac de farine qui s'entassent, tomates en conserve en plein soleil, sachets de pois chiches éventrés au sol… "Voici le chargement de plus de 950 camions d'aide humanitaire qui attend d'être distribué", a déclaré le colonel Abdullah Halabi, officier au sein du Cogat, l'organisme du ministère de la Défense israélen coordonnant l'arrivée de l'aide humanitaire dans l'enclave. Certains conteneurs sont encore remplis d'huile, de sel ou de produits de base fournis par le Programme alimentaire mondial de l'ONU et parfois rendus inutilisables à force d'attendre. Au même moment dans la bande de Gaza, la malnutrition a atteint des "niveaux alarmants" selon l'ONU.

Israël renvoie la responsabilité aux humanitaires

Les autorités israéliennes rejettent la responsabilité de ce gâchis alimentaire sur l'ONU et les organisations humanitaires qui, selon elles, n'aident pas assez à la distribution. "L'ONU est habituée à travailler sur des terrains de guerre partout dans le monde, pourquoi elle ne le fait pas ici ?", interpelle Effie Defrin, porte-parole de l'armée israélienne.

"Nous faisons de notre mieux pour aider la population, mais le rôle de la distribution revient aux ONG et aux Nations unies", martèle de son côté, le colonel Halabi. Jeudi dernier, c'est le ministère israélien des Affaires étrangères qui a affirmé sur les réseaux sociaux que "l'ONU refuse de distribuer l'aide". Pourtant les organisations humanitaires assurent ne pas parvenir à distribuer l'aide bloquée à la frontière, faute de sécurité. Le 23 juillet, l'ONU a tiré la sonnette d'alarme, alertant sur "des conditions extraordinairement difficiles et dangereuses" pour les ONG.

Le territoire est devenu une vaste zone militaire, et les convois sont fréquemment interceptés ou pillés, "soit par des bandes organisées, soit par des gens qui meurent de faim", rapporte le responsable d'une grande ONG française présente sur place. Depuis mai, seuls 250 camions sur 1 655 sont effectivement parvenus à destination, selon les Nations unies. "L'armée israélienne nous impose de transporter l'aide avec des camions complètement ouverts et donc avec la cargaison visible", a expliqué la coordinatrice d'une autre organisation. Résultat : "Les populations affamées se précipitent donc sur le moindre véhicule qui entre."

Les ONG contre les distributions militarisées et armées

L'armée israélienne assure avoir offert sa protection aux ONG qui l'ont refusée par "éthique". A Gaza, il est "très difficile d'avoir confiance en l'armée israélienne parce qu'elle tire sur les populations", estime une responsable de l'ONG française. Depuis que la Fondation humanitaire de Gaza [GHF] a commencé ses activités le 27 mai, "plus de 1000 Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne alors qu'ils tentaient d'obtenir de la nourriture à Gaza" a déclaré à la BBC World Service Thameen Al-Kheetan, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. La majorité d'entre eux ont trouvé la mort à proximité des sites de distribution de GHF ou près des convois d'aide humanitaire de l'ONU et d'autres organisations. 

Les ONG dénoncent une gestion dangereuse et politisée de l'aide. "On est fermement opposé à ces distributions alimentaires militarisées et armées" affirme Ghada al Haddad, responsable communication Oxfam à Gaza. "Nous avons besoin de sécuriser les routes et accès pour que nos aides humanitaires puissent travailler en sécurité sur des axes sûrs" estime-t-elle.

Face à la pression internationale, Israël a annoncé ce dimanche 27 juillet une pause humanitaire de 10h, entre 10h et 20h, pour permettre la distribution d'aide humanitaire. Les premiers camions ont traversé la frontière ce week-end depuis l'Égypte vers l'enclave palestinienne. Le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, a salué l'annonce de ces "pauses humanitaires". "En contact avec nos équipes sur le terrain qui feront tout leur possible pour atteindre autant de personnes affamées que nous le pouvons", a-t-il écrit sur X.