Interview télévisée : ce que Nicolas Sarkozy a changé

L'interview de Nicolas Sarkozy le 24 avril dernier a été très attendue. Il a répondu aux questions de cinq journalistes sur TF1 et France 2. Décors, mise en scène, journalistes : quel fut le style "Sarkozy" pour cet entretien ? Qu'a-t-il changé par rapport à ses prédécesseurs ? L'Internaute revient sur les préparatifs de l'événement.

Depuis le début de la Ve république et l'arrivée de la télévision dans les ménages français, les passages télévisés des présidents de la République sont étudiés, longuement préparés ou ne laissent aucune place à l'improvisation.

Deux stars des plateaux télé à l'oeuvre

Le décor qui a entouré le chef de l'Etat le 24 avril a été confié à des habitués des plateaux télévisés. L'Elysée a fait appel à Philippe Désert, connu pour la conception des plateaux du "Grand journal" de Canal+ ou de "On ne peut pas plaire à tout le monde" sur France 3. Mais ce qui a déterminé ce choix est sans aucun doute sa participation à la mise en scène du débat de l'entre-deux-tours des élections présidentielles le 2 mai 2007. Philippe Désert avait travaillé pour ce plateau d'exception avec Renaud Le Van Kim, lui aussi rappelé pour l'émission de jeudi. Ces deux stars ont enfin à leur actif la mise en scène de l'interview de Jacques Chirac sur la constitution européenne en 2005.

Un plateau à 280 000 euros

decor debat
Le décor de l'interview s'inspire de celui qui avait été crée pour le débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. © L'Internaute Magazine

Le plateau de l'interview était proche de celui du débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy le 2 mai. Estimé à 280 000 euros selon Libération, ce coût a été assumé par les co-producteurs TF1 et France 2.

L'interview a eu lieu dans la majestueuse salle des fêtes de l'Elysée. Une première pour un président de la République. Elle fut transformée pour l'occasion en plateau télé moderne, avec un sol en verre rétro éclairé et une table triangulaire design. En arrière-plan : un rideau rouge ouvert sur les jardins élyséens et un drapeau tricolore à la droite du président complétait le décor.

Lors de ses précédentes interventions télévisées en tant que président, Nicolas Sarkozy avait reproduit le schéma plus traditionnel de ses prédécesseurs. En juin 2007, il accueillait les deux journalistes phares de TF1, Patrick Poivre d'Arvor et Claire Chazal, dans son bureau, devant une fenêtre, installé dans de confortables fauteuils. En septembre 2007, le seul changement opéré lors de son premier vrai débat croisé avec Arlette Chabot (France 2) et Patrick Poivre d'Arvor, fut l'orientation des caméras et le style plus moderne des fauteuils.

"La rupture"

Très loin du nouveau "style Sarkozy", les anciens présidents n'en avaient pas moins chacun leurs exigences. Jacques Chirac recevait les journalistes dans le bureau présidentiel (Salon doré). Placé devant la fenêtre, l'arrière-plan des jardins de l'Elysée rompait avec l'austérité des interviews mitterrandiennes, tout comme son style détendu. François Mitterrand fut en effet le dernier représentant d'une image stricte et traditionnelle. Ses interviews se déroulaient dans les décors austères des salles luxueuses de l'Elysée, dans un cadre serré. Le Général de Gaulle et George Pompidou allaient encore plus loin dans la sobriété, se contentant d'un simple mur pâle en toile de fond. Dans tous les cas, l'ancien chef de l'Etat et ses hôtes disposaient d'une table pour leurs notes. La mise en scène, épurée, accordait ponctuellement, outre les plans du président, des plans des journalistes présents.

Cinq journalistes : une révolution

Autre petite révolution le 24 avril dernier : l'intervention de cinq journalistes. Patrick Poivre d'Arvor (TF1) et David Pujadas (France ont animé le débat et l'ont clôturé sur la politique intérieure. Véronique Auger (France 3) a interrogé le président sur l'économie et le social, Yves Calvi (France 2 et France 5) a abordé les thèmes de société et Vincent Hervouët de LCI s'est occupé de politique internationale.

L'Elysée n'aurait fait qu'entériner le choix de ces journalistes par les chaînes elles-mêmes. Mais c'est bien Nicolas Sarkozy qui a souhaité rompre avec la tradition de l'interview à un ou deux journalistes.

 

En 1969, le général De Gaulle avait inauguré la tradition de ce grand entretien télévisé d'une manière radicalement différente, avec un seul journaliste. Il s'agissait de Michel Droit, de l'ORTF, réputé fidèle au président. Un modèle "entre quatre yeux" que reprendra George Pompidou, mais pas Valéry Giscard d'Estaing. Ce dernier innove dans les années 1970 en confiant non plus à un, mais à deux journalistes le soin de l'interroger. Le 14 juillet 1979, ce sont Paul Amar et Patrice Duhamel qui constituent le premier duo. Malgré quelques exceptions, comme le célèbre entretien de François Mitterrand, seul face à Jean-Pierre Elkabbach en septembre 1994, la tradition des deux intervieweurs a été respectée jusqu'à l'interview de Nicolas Sarkozy. Les duos les plus célèbres de l'exercice sont Patrick Poivre d'Arvor et Claude Sérillon pendant l'ère Chirac, puis Patrick Poivre d'Arvor et Arlette Chabot pendant les premiers mois de la présidence de Nicolas Sarkozy.
 

L'entretien de 90 minutes a été supérieur aux précédents interviews présidentiels (50 à 60 minutes). Une autre innovation pour cet entretien très "dans la rupture". Le fond s'est-il accordé à la forme ?