Elections, piège à estimations
La polémique est presque passée inaperçue mais a bel et bien fait siffler les oreilles des sondeurs. Le soir des résultats des départementales dimanche dernier, pour le premier tour du scrutin, on a beaucoup parlé des sondages qui n'avaient pas su anticiper la mobilisation (un peu) plus forte que prévue ainsi que le score du FN (beaucoup) plus bas qu'annoncé. Mais une autre polémique a visé les instituts de sondages. Et elle concerne cette fois les estimations délivrées à 20 heures sur les chaînes de télévision. Sur France 2, Ipsos annonçait une alliance UMP-UDI à 36 %, un PS second à 28,5 % et un FN troisième à 24,5 % quand CSA, sur BFMTV, plaçait le FN second avec le même score, l'UMP en tête avec 31 % et le PS loin derrière avec 19,5 %. Pour finir cette valse de chiffres, l'Ifop, troisième et dernier institut à délivrer des estimations, livrait à iTélé et au Figaro une UMP en tête à 29,2 %, devant le FN à 26,3 % et un PS à 21,4 %.
Comment expliquer ces écarts dans les chiffres et surtout la variation de la position du FN et du PS entre la seconde et la troisième places ? Il semblerait que les agrégats des sondeurs pour estimer les résultats n'aient pas été les mêmes. Quand CSA et Ifop associaient le Parti radical de gauche et les binômes "Union de la gauche" (comprenant au moins un candidat PS) au Parti socialiste, Ipsos a décidé d'ajouter une autre "nuance" du ministère de l'Intérieur à cet attelage : les candidats "divers gauche". Un choix qui a permis à Manuel Valls de présenter à 20h15 des résultats meilleurs qu'annoncés avec un PS deuxième à près de 29 %. Or que trouve-t-on dans ces binômes "divers gauche" associés au PS ? Des candidats qui font certes partie de la majorité, mais aussi des prétendants du Front de Gauche et des Verts qui n'ont le plus souvent rien à voir avec les socialistes et portent un regard critique sur la politique du gouvernement.
Des choix différents pour les résultats du second tour
Le Front de gauche et Europe Ecologie-Les Verts, qui avaient décidé de s'allier dans plusieurs dizaines de binômes dimanche dernier pour les élections, se sont ainsi retrouvés "dilués" dans l'étiquette "divers gauche" et, pire, ont permis au Premier ministre de présenter des résultats flatteurs à l'antenne. Depuis plusieurs semaines déjà, la nuance du ministère faisait débat. Un débat qui s'est accentué dans l'entre-deux tours au sein des deux partis, qui revendiquent des scores beaucoup plus élevés que les scores officiels (9,4 % au lieu de 6 pour le Front de gauche, 9,7 % au lieu de 2,03 pour EELV). Mais au-delà des chiffres de la place Beauvau, le choix d'agréger PS-PRG-UD et DVG chez l'un des sondeurs ouvrant les 20 heures des chaînes publiques a lui aussi été fermement contesté. D'autant qu'à droite, Ipsos a reproduit le même schéma, associant "divers droite", soit des candidats aux idées et aux profils très divers, à l'UMP, l'UDI et leurs alliés…
EN VIDEO - Selon Bernard Sananès, de l'institut CSA, le Front de gauche a raison de revendiquer 9 % des suffrages au premier tour des départementales.
Ce dimanche soir, pour les résultats des élections, les sondeurs changent de méthodologie. Pas tant pour répondre aux critiques que pour mieux s'adapter à un second tour plus resserré, avec des résultats partiels du ministère tombant plus tôt dans la soirée. L'institut CSA a décidé de livrer, à la place des "estimations", des projections, toujours basées sur les premiers dépouillements d'une série de bureaux de vote tests, mais en les croisant aux données du premier tour et aux résultats d'un sondage "jour du vote" mené sur un échantillon très large. L'Ifop, de son côté, a indiqué qu'il proposerait un sondage "soir du vote" dont les contours n'ont pas été précisés. Quant à Ipsos / Sopra Steria, il semble vouloir rester fidèle aux estimations à 20 heures. On ne sait pas en revanche ce qu'il adviendra des "divers gauche" et "divers droite" dans ces estimations au second tour.
Picto : résultats définitifs du ministère de l'Intérieur pour le premier tour agrégés par Linternaute.com.