Emmanuel Macron pas assez lucide sur le Covid 19 ? Les regrets d'Agnès Buzyn

Emmanuel Macron pas assez lucide sur le Covid 19 ? Les regrets d'Agnès Buzyn BUZYN - MACRON. L'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait alerté Emmanuel Macron de la gravité de la crise sanitaire à venir, en début d'année 2020. Avec le sentiment de ne pas avoir été prise au sérieux.

Agnès Buzyn avait averti l'exécutif du manque de préparation des services de santé français face à la pandémie. Et ce, dès le mois de janvier 2020. Voilà ce qu'il ressort de son récit, dont se fait l'écho Le Monde, le 25 octobre. Le journal du soir a rencontré l'ancienne ministre de la Santé, a consulté ses longues notes et révèle dans un long article la manière dont Agnès Buzyn a vécu les quelques semaines avant que la France ne se confine, face à l'épidémie de coronavirus. Il ressort ces deux certitudes : l'ancienne ministre avait le pressentiment que la crise sanitaire à venir serait très sévère ; elle s'est confrontée au manque de lucidité ou de compréhension des deux têtes de l'exécutif, Edouard Philippe et Emmanuel Macron.

L'article que consacre Le Monde sur les états d'âme d'Agnès Buzyn soulève de nombreuses questions. Il est établi que le système hospitalier n'était pas préparé pour l'épidémie de coronavirus. Des morts auraient-ils pu être évités si l'Etat avait mis en place une organisation d'urgence plus tôt que cela n'a été fait ? Les pouvoirs publics avaient-ils les moyens de caractériser avec précisions les risques sanitaires ? L'inquiétude de la ministre de la Santé était en tout cas manifeste et celle-ci a très clairement fait part de ses craintes à Emmanuel Macron.

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"Cela peut être sévère Monsieur le président"

Les faits : le 25 janvier, Agnès Buzyn a envoyé un SMS au président de la République : "Monsieur le PR, je suis à votre disposition pour faire un point de situation quand vous le souhaitez ", écrit-elle, ajoutant : "L'OMS a pris la mauvaise décision de ne pas déclencher une alerte mondiale". Un premier cas de Covid a alors été détecté en France, le 24 janvier. Sans réponse, elle alerte à nouveau Emmanuel Macron le 27 janvier : "Tous les cas mondiaux viennent de la région de Wuhan. Le jour où nous aurons des cas à l'étranger chez des personnes ne venant pas de Chine, ce sera un tournant vers une pandémie mondiale", écrit-elle, en l'avertissant du risque : "Cela peut être sévère si beaucoup de personnes sont touchées". La ministre de la santé l'informe du travail en cours de ses services, mené pour "évaluer l'impact sur le système de santé et anticiper". Emmanuel Macron la remercie de ce message, sans engager une action à ce stade.

Le 30 janvier, elle réclame au chef de l'Etat un entretien en tête-à-tête. Ce dernier lui assure qu'il lui accordera du temps le lendemain, mais malgré les relances d'Agnès Buzyn, cet échange n'a pas lieu avant le 8 février. "Il fallait commencer à préparer l'opinion publique, mais je n'arrivais pas à avoir de rendez-vous", a-t-elle regretté auprès du Monde. "Je n'avais pas l'impression d'être entendue".

Agnès Buzyn est actuellement mise en examen pour "mise en danger de la vie d'autrui" par la Cour de justice de la République. Ce qui indigne l'ancienne ministre. "Non seulement j'avais vu mais prévenu. J'ai été, de très loin en Europe, la ministre la plus alerte. Mais tout le monde s'en foutait. Les gens m'expliquaient que ce virus était une "grippette" et que je perdais mes nerfs", a-t-elle insisté auprès du journal Le Monde. En creux, encore une fois, son récit vient interroger les responsabilités du président de la République et du Premier ministre. Mais Agnès Buzyn tient à circonstancier son récit : "À chaque fois que j'ai réclamé à Edouard (Philippe NDLR), une réunion de ministres, je l'ai eue. Ça ne voulait pas dire qu'il croyait à mes scénarios, à mes angoisses, mais nous avons travaillé main dans la main et il me faisait confiance, il n'a rien négligé. Le président a laissé le gouvernement faire. À l’époque, ils sont comme le reste de la population et des experts français, personne n'arrive à concevoir la gravité de ce qui vient".