Laetitia Avia : du sursis requis pour harcèlement, que lui est-il reproché ?
[Mis à jour le 02 juin 2023 à 17h02] Les ennuis se poursuivent pour Laetitia Avia. La procureure de la République a requis, ce jeudi 1er juin 2023, au tribunal de Paris, un an d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'inéligibilité et 10 000 euros d'amende à l'encontre de cette ancienne députée de La République en marche. Ce procès se tient pour des faits d'harcèlement moral à l'encontre de sept anciens assistants parlementaires.
Cette avocate de métier avait plaidé la relaxe à l'ouverture du procès, le mardi 9 mai. Elle qualifiait les accusations de "contestées et décontextualisées". La procureure n'a pas été convaincue par cette défense : elle estime que les témoignages des sept plaignants illustrent "l'excès et la répétition" qui caractérisent bien un cas de harcèlement moral.
Dans sa prise de parole, la représentante du ministère public a affirmé que Laetitia Avia aurait "dénigré et humilié" ses collaborateurs entre 2017 et 2020. L'ex-députée aurait instauré "un climat de peur" tout en sollicitant les plaignants " 24h sur 24". L'avocate est également soupçonnée d'avoir investi ses collaborateurs de missions liées à sa vie personnelle et non à sa fonction de député.
Le jugement mis en délibéré
Le parquet affirme alors que ces années de collaboration ont eu des répercussions sur la "santé physique et psychologique" des assistants parlementaires de Laetitia Avia. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 5 juillet. La défense a, de son côté, estimé que les sept ex-collaborateurs s'étaient "raconté leur petite histoire à posteriori" à coups de "grands mensonges et d'évolutions" au fil de l'enquête. Basile Ader, avocat d'ancienne députée, estime que les sept plaignants faisaient preuve d'une "immense déloyauté".
Le procès de Laetitia Avia avait commencé le mardi 9 mai 2023 . Celle qui fut députée LREM pendant cinq ans jusqu'en 2022 s'était retrouvée sur le banc des accusés au tribunal correctionnel de Paris. Cela faisait suite à une enquête menée pour "harcèlement moral" envers des assistants parlementaires. Les faits pour lesquels elle est jugée ces jours-ci se seraient produits entre juin 2017 et août 2020. Comme lu par la présidente du tribunal Sylvie Daunis, dont se fait l'écho France 3, Laetitia Avia est soupçonnée d'avoir "exprimé en public des moqueries, dénigrements, propos humiliants" au sujet du "comportement personnel", mais aussi de la "compétence professionnelle" de ces assistants avec pour objectif "de les déstabiliser". L'ex-députée n'aurait par ailleurs pas toujours respecté "le droit à la déconnexion". Présente à la barre le 9 mai, l'ex-élue de 37 ans dénonce pour sa part depuis le début de l'affaire des "accusations mensongères".
La chute d'une étoile montante de La République en marche
À noter qu'au début de l'affaire justement, le timing était plutôt cocasse. Le 12 mai 2020, six assistants parlementaires de Laetitia Avia l'avaient en effet accusée dans Mediapart de harcèlement moral avec l'emploi de propos racistes, sexistes et homophobes. Or, le lendemain, la députée LREM présentait à l'Assemblée nationale sa proposition de loi de lutte contre... la haine sur Internet. Le 9 juillet, une enquête pour "harcèlement moral" avait été ouverte par le parquet de Paris.
Un coup dur dans l'ascension politique express de cette avocate. Soutien de la première heure à Emmanuel Macron, la huitième circonscription de Paris l'avait élu députée. Elle était même devenue l'une des porte-parole de La République en marche. Ces six anciens collaborateurs avaient partagé à Médiapart leur vision du management de la députée : une femme décrite comme raciste, sexiste et homophobe.
Les propos reprochés à Laetitia Avia
"On a voté l'amendement des PD"; "tu es un faux Chinois, tu ne maîtrises pas le Mac" ; "C'est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu'elle fait. C'est ce qu'il se passe quand tu mets un gay à la com". Voici le type de phrases qu'auraient envoyées sur des conversations privées cette femme de 37 ans.
Laetitia Avia est aussi accusée d'avoir confié des tâches relevant de sa vie privée à ses anciens collaborateurs : comme "prendre rendez-vous chez un notaire, réserver une place pour son époux à Roland-Garros, acheter des produits médicaux relevant de prescriptions intimes à la pharmacie ou encore, pendant l'été, se faire rafraîchir les jambes à l'aide d'un brumisateur", selon Le Figaro.
Laetitia Avia, prise la main dans le sac à vouloir réécrire sa page Wikipédia
L'ex-députée s'est également fait démasquer à vouloir réécrire à plusieurs reprises sa page Wikipédia. "Wikipédia, il y a plusieurs choses à faire. Il faut prendre le contrôle sur cette page. Il ne suffit pas juste de supprimer le paragraphe sur Le Canard enchaîné, il faut le réécrire de toute façon et le sourcer quand on le réécrit." Voici ce qu'elle indique à une collaboratrice afin d'améliorer, selon elle, son e-réputation.
L'article du Canard enchaîné en question est celui paru le 5 juillet 2017 : il accuse Laetitia Avia d'avoir mordu un chauffeur de taxi. Dans les mois suivants, plusieurs comptes ont tenté d'édulcorer sa page Wikipédia en suppriment partiellement ou totalement la mention de cette affaire. Or, les adresses IP de ces comptes indiquaient que cela provenait des ordinateurs de l'Assemblée nationale.
Sur son compte Twitter, aujourd'hui supprimé, elle indiquait en octobre 2018 : "Dans le monde politique aussi il faut combattre le sexisme du quotidien, les remarques déplacées ou le paternalisme." L'un de ses anciens collaborateurs décrit pourtant une communication interne bien éloignée : "Elle insulte souvent les députées qu'elle n'aime pas de "pute". Elle se moque aussi beaucoup de leur physique".
L'ex-députée a gardé sa défense pour le tribunal après les révélations de Médiapart
Laetitia Avia se défendait sur Twitter de ses méthodes auprès de Mediapart :"Je suis une députée exigeante envers mes collaborateurs, car ils sont bien payés mais je suis hyper souple sur les horaires. Je suis très peu présente au bureau, donc oui nous échangeons beaucoup par Telegram". Elle a toujours réfuté tout harcèlement et a réservé ses explications au tribunal.
Le lendemain de son tweet, Médiapart réagissait directement en dévoilant cette fois des extraits vocaux mettant une nouvelle fois en cause la députée. Le média indique que la déontologue de l'Assemblée nationale a été saisi au moins de six fois pour des agissements relatifs à cette députée. La présidence de l'Assemblée et celle du groupe LREM ont aussi été mises au courant tout comme la cellule anti harcèlement du Palais Bourbon, lancée en février 2020, mais aucune enquête ou sanction n'a été envisagée en interne.
Laetitia Avia accusée d'avoir mordu un chauffeur de taxi
En 2017, celle qui venait alors tout juste d'être élue députée LREM avait fait l'objet d'un article pour le moins édifiant de la part du Canard enchaîné. Le palmipède y révélait que Laetitia Avia aurait mordu un chauffeur de taxi, le 23 juin à 23h30, à Saint-Mandé. En cause ? Le terminal de paiement par carte bancaire du taxi était hors service. Alors que Laetitia Avia refusait d'être déposée à un distributeur de billets afin de retirer les 12 euros nécessaires pour payer la course, le chauffeur aurait redémarré. C'est à ce moment-là que la députée aurait mordu le conducteur à l'épaule. La police aurait ensuite été appelée sur place. D'après Le Canard enchaîné, la députée aurait reconnu avoir mordu le chauffeur. Une fois au commissariat, Laetitia Avia aurait porté plainte contre le chauffeur pour séquestration et tentative de vol, tandis que le conducteur aurait fait de même pour coups et blessures. Le procès qui se tient les 9 et 10 mai ne porte toutefois pas sur ces faits.