Quelles mesures pour la planification écologique ? Les annonces d'Emmanuel Macron
Il veut "bâtir une écologie à la française". Emmanuel Macron a fini par dévoiler les grands axes de la planification écologique, après plusieurs occasions manquées et reports de la présentation du projet décrit comme une priorité du quinquennat. L'objectif affiché de la planification écologique est clair : respecter les accords de Paris et réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Mais pour le chef de l'Etat, il s'agit de répondre à un "triple défi" : "celui du dérèglement climatique et de ses conséquences, celui d'un effondrement de notre biodiversité et celui de fin de l'abondance, de la rareté de nos ressources."
Plusieurs dizaines de mesures et sept milliards d'euros supplémentaires alloués à l'Etat pour la planification écologique ont été annoncés par le gouvernement qui se félicite d'avoir déjà réduit les émissions de CO2 deux fois plus vite sur les cinq dernières années, reste désormais à baisser les émissions de 5% par an.
Six axes à la planification écologique
Le plan pensé par le Secrétariat général à la planification écologique repose sur six axes de travail : les transports, les logements, la valorisations des écosystèmes, la production de l'électricité, l'agriculture et la consommation.
L'objectif premier de la planification écologique étant de réduire de 55% les émissions de CO2 d'ici à 2030, et de 80% d'ici à 2050, les mesures les plus évidentes consistent à "organiser la fin progressive des énergies fossiles, première cause du changement climatique", a souligné l'Elysée. Une réduction progressive mais annoncée comme définitive de la consommation de pétrole, de gaz ou de charbon dans tous les domaines possibles, que ce soit dans les industries, le secteurs agroalimentaire ou dans les foyers des particuliers est donc attendue.
Sortir des énergies fossiles
Le premier objectif est d'accélérer la sortie des énergies fossiles et de les remplacer par des énergies renouvelables, plus propres. La fin du charbon est déjà programmée pour 2027, date à laquelle les deux dernières centrales à charbon en activité en France seront converties à la biomasse. C'est aussi du pétrole et du gaz qu'il faut s'affranchir et pour cela le gouvernement s'attaque aux méthodes de chauffage. Il ambitionne de diviser par trois le nombre de logements chauffés au fioul et de diminuer considérablement ceux équipés de chaudières à gaz. Ces dernières ne seront toutefois pas interdites comme précédemment envisagé. La fin des énergies fossiles d'accord, mais par quoi les remplacer ? Pour le chauffage domestique, l'exécutif mise sur l'essor des pompes à chaleur nettement moins polluantes que tout les autres systèmes de chauffage et dont la production doit "tripler" d'ici 2027 pour attendre la barre du million.
Quant à la production d'énergie, l'accent doit être mis sur le nucléaire. "Il n'y a pas de stratégie de baisse des émissions (de gaz à effet de serre) sans nucléaire" a assuré le chef de l'Etat un an après l'annonce du plan de relance du nucléaire. Mais à côté de ça, l'hydrogène est aussi un pari que fait le gouvernement malgré les critiques qui visent cette énergie "produite à partir de gaz naturel fossile". Un investissement dans l'énergie solaire et l'éolien terrestre comme maritime est aussi prévu.
Miser sur la rénovation thermiques des logements
Si le gouvernement veut agir sur le chauffage des logements, il veut aussi poursuivre et étendre les rénovations thermiques des habitations, un projet entamé avec le lancement du dispositif MaPrimeRénov' en juillet 2022. Cette aide financière est l'un des principaux leviers pour agir sur les émissions de gaz à effet de serre dans les habitations considérées comme des passoires thermiques. Le budget de cette structure devrait être doublé selon la promesse faite par Elisabeth Borne dans le Parisien. Selon le SGPE, le nombre de rénovation dépasse légèrement les 500 000 cette année et doit attendre l'objectif de 2,5 millions en 2030.
Problème : les couacs se sont multipliés pour le dispositif et la défenseure des droits, Claire Hédon, avait publié en 2022 un rapport sur les dysfonctionnements de cette aide. Des milliers de ménages ont souligné les importants retards de paiement de l'État et la plateforme, 100% digitale, a enchaîné les bugs informatiques.
Privilégier le covoiturage et les voitures électriques
Les transports sont un autre levier pour agir sur les émissions de CO2 et si le gouvernement souhaite diminuer le nombre de voitures thermiques sur les routes, il dit pour autant ne pas vouloir sanctionner les "gros rouleurs" ou les "amoureux de bagnoles" et invite à se tourner vers les voitures électriques. Soit par l'achat avec la hausse du bonus écologique offert lors de l'acquisition, soit par la location avec un dispositif de leasing social annoncé pour le mois de novembre. Ce dispositif permettra de louer une voiture électrique à 100 euros par mois et concernera des milliers de modèles produits en Europe, dont certains issus du "million de voitures électriques" qui sera produit en France en 2027. Cette transition du thermique à l'électrique doit s'accompagner sur le plan industriel par l'installation de deux usines à batterie dans le nord de la France.
Pour réduire le recours à la voiture, le gouvernement mise aussi sur le covoiturage : l'objectif est d'atteindre 3 millions de trajets quotidiens de covoiturage en 2027. Un but ambitieux puisque seulement 900 000 sont comptabilisés en 2023, mais difficile à atteindre car à part une aide de 100 euros accordée aux nouveaux covoitureurs aucune mesure incitative n'a été pensée. La hausse éventuelle tient donc essentiellement sur la volonté des Français d'adopter ce mode de transport. Enfin, l'accent est mis sur les transports doux avec la construction de 150 000 kilomètres de pistes cyclables d'ici 2030 et la mise en place des RER métropolitains dans 13 villes françaises en partie financés par l'Etat, à hauteur de 700 millions d'euros. Les plans de déploiements de ces lignes ferroviaires sont attendus en octobre.
Une production agricole et une alimentation plus durables
Le changement vaut aussi pour les productions agricoles qui doivent devenir plus propres et durables. La planification écologique prévoit une augmentation de 10% de la surface cultivable en bio et une augmentation des productions pour être plus indépendant ainsi que limiter l'importation très polluante. C'est aussi la manière de produire et d'élever qui doit devenir plus durable avec moins de pesticides, entres autres. Emmanuel Macron a d'ailleurs évoqué le sujet du glyphosate très utilisé par les producteurs. Dans une logique d'entre-deux il n'a pas annoncé l'interdiction du pesticide, mais a fixé l'objectif d'une baisse d'utilisation de 30% au moment au l'Union européenne pourrait renouveler l'autorisation d'usage du glyphosate pour 10 ans.
En agissant sur la production alimentaire, l'exécutif veut aussi changer les régimes alimentaires pour le rendre également plus durables grâce à une consommation, plus raisonnée, de produits plus locaux et de saison.
Un budget qui pose question
Le financement de cette planification écologique semble délicat à constituer. Selon Franceinfo, Elisabeth Borne avait promis la mobilisation de 60 milliards d'euros, un chiffre revu à la baisse par Emmanuel Macron le dimanche 24 septembre aux 20 Heures de TF1 et France 2 qui a compté "40 milliards euros" d'investissement en 2024. Cependant, seulement sept seront engagés par l'État. Le gouvernement miserait sur l'engagement des collectivités locales et de la Caisse des dépôts pour atteindre le budget promis. Réseau Action Climat, une association environnementale, a craint que ce financement "puisse reposer sur les plus précaires ou signifie la baisse de financements pour d'autres axes essentiels de l'action de l'Etat".