Affaire Guerriau : les déclarations de Sandrine Josso corroborées, la défense du sénateur

Affaire Guerriau : les déclarations de Sandrine Josso corroborées, la défense du sénateur La version donnée par la députée Sandrine Josso a été partagée par le chauffeur de taxi qui l'a récupérée après son passage au domicile de Joël Guerriau, qui plaide une "erreur" par la voix de son avocat.

[Mis à jour le 22 novembre 2023 à 19h44] Lundi 20 novembre, la députée Sandrine Josso a livré sa version des faits dans l'émission C à vous. Elle accuse le sénateur Joël Guerriau de l'avoir droguée à son insu, lors d'une soirée au domicile de l'élu, le 14 novembre, alors qu'ils devaient initialement se voir au restaurant. Auprès de BFMTV ce mercredi 22 novembre, le chauffeur de taxi qui a récupéré la députée vers 22 heures ce soir-là a corroboré la version de Sandrine Josso. Selon lui, cette dernière n'était pas dans son état normal quand elle est entrée dans son taxi, et lui aurait dit que quelque chose lui "est arrivé ce soir (le 14 novembre)".

Le chauffeur a également dit avoir proposé à la députée de l'emmener "chez un médecin ou à l'hôpital", mais celle-ci lui a répondu que "des collègues l'attendaient à l'Assemblée". En arrivant au Palais-Bourbon, personne n'était là pour récupérer Sandrine Josso, et le taxi a donc patienté avec l'élue qui "n'était pas capable de sortir du véhicule", a-t-il raconté, avant qu'un collègue vienne la prendre en charge. Lors de sa prise de parole, la députée a salué le taxi qui lui a "sauvé" la vie. Et lui de répondre auprès du média : "Mais moi, je n'estime pas que je lui ai 'sauvé la vie'. Elle n'était pas en danger vital. J'ai juste fait mon devoir de citoyen."

De leur côté, Joël Guerriau a récusé les accusations, évoquant par la voix de son avocat une "erreur de manipulation" de la substance. Placé en garde à vue le 17 novembre, le sénateur a indiqué aux enquêteurs subir une période stressante et s'être tourné vers l'un de ses collègues, sénateur, qui lui a fourni un "euphorisant". Joël Guerriau aurait renoncé à le prendre chez lui, après avoir mis la poudre dans un verre qu'il a remis dans un placard. C'est dans celui-ci qu'il a préparé une boisson pour Sandrine Josso, selon sa défense, dont franceinfo s'est fait l'écho.

La députée Sandrine Josso donne sa version des faits

Sandrine Josso s'est livrée lundi 20 novembre 2023, en début de soirée, à une prise de parole pour le moins "difficile" sur le plateau de C à vous. La députée qui accuse le sénateur Joël Guerriau de l'avoir droguée à son insu mi-novembre, a d'ailleurs demandé à ce que soit retirée la photo du politique sur les écrans du plateau de l'émission de France 5. Dans un premier temps, la députée est revenue sur les faits qu'elle dénonce, pointant notamment le comportement suspect de celui qui était pourtant son ami depuis une dizaine d'années. "J'étais dans le salon, il était dans la cuisine. Il m'a servi une coupe de champagne et j'ai trouvé que le champagne n'avait pas le même goût que d'habitude", a-t-elle notamment expliqué, soulignant avoir également trouvé "étrange qu'il veuille [qu'ils] trinque[nt] pour [qu'elle] boive vite".

Se disant dans un état anormal après avoir bu ce qui lui avait été servi, Sandrine Josso a poursuivi : "Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait et donc il insistait. Il reprend mon verre, il retourne dans la cuisine me servir encore un verre de champagne. [...] Là, je regarde, il était dans la cuisine et il remet un sachet blanc dans un tiroir sous le plan de travail. Et là, je comprends." Alors déjà "complètement sous l'effet de la drogue", les jambes tremblantes, Sandrine Josso affirme avoir attrapé son téléphone et appelé un taxi. "Je me disais : 'Surtout, ne dis rien, ne montre pas que tu te sens mal. Il faut vraiment que tu sortes vite.'" Souhaitant aujourd'hui avant tout dénoncer le fléau de soumission chimique, qui se répand selon elle dans toutes les classes de notre société, la députée a fait part sans tabou de son ressenti : "J'ai cru mourir d'une crise cardiaque. J'ai cru mourir, car je pensais qu'il allait abuser de moi. Dans l'ascenseur, je ne tenais plus debout."

Une déchéance politique avant que la justice se prononce

Mis en examen et placé vendredi 17 novembre sous contrôle judiciaire pour administration "à une personne, à son insu, [d']une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes", et ce, "afin de commettre un viol ou une agression sexuelle", ainsi que pour détention et usage de substances classées comme stupéfiants, le sénateur Joël Guerriau est dans la tourmente. Lundi 20 novembre, le président du Sénat, Gérard Larcher, lui a, pour sa part, demandé de se mettre "en retrait de toutes ses activités liées à son mandat de sénateur" et de "prendre ses responsabilités".

Joël Guerriau est accusé d'avoir drogué la députée MoDem Sandrine Josso. Et même si "la présomption d'innocence s'applique", assure le communiqué du Sénat publié ce lundi, "le président [de la chambre haute] l'a invité, par un courrier daté du 20 novembre 2023, à démissionner de ses fonctions de secrétaire au Bureau du Sénat et de vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu'à se mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat de sénateur". Le communiqué pointe "l'extrême gravité des faits reprochés" au sénateur et en appelle au "principe de dignité qui s'attache à l'exercice du mandat parlementaire".

Samedi 18 novembre, le parti Horizons, auquel appartenait le sénateur, a, lui, annoncé suspendre "immédiatement" Joël Guerriau à l'issue d'un bureau politique. Les membres du parti d'Édouard Philippe se disant "profondément choqués par les faits à l'origine des accusations". "Horizons ne tolérera jamais la moindre complaisance vis-à-vis des violences sexuelles et sexistes", ont écrit les membres dans un communiqué. Par ailleurs, ils indiquent le lancement d'"une procédure disciplinaire pouvant conduire à une exclusion définitive", rapporte franceinfo.

L'avocat de Joël Guerriau pointe "une erreur de manipulation"

L'avocat du sénateur a pris la parole, samedi 18 novembre. Dans une interview pour France Bleu, Me Rémi-Pierre Drai assure que son client "n'a jamais voulu administrer à son amie, à sa collègue de travail, une substance en vue de commettre un viol ou une agression sexuelle". "C'était une erreur de manipulation", ajoute l'avocat. Selon lui, l'homme politique aurait acquis une substance, sans savoir que c'était de l'ecstasy, et était décidé à la consommer lundi soir. "Il avait mis le produit dans un verre de champagne et il a décidé finalement de sortir", poursuit l'avocat, qui indique que le sénateur a ensuite rangé cette coupe. Il l'aurait ressortie le lendemain pour fêter une victoire avec sa collègue, sans se rappeler que l'ecstasy était dans le verre.

"La présomption d'innocence n'a de toute évidence plus aucune signification pour ses collègues politiques", ajoute Rémi-Pierre Drai, alors que Joël Guerriau a été suspendu par son groupe parlementaire Les Indépendants et par son parti Horizons, samedi 18 novembre. "C'est quelqu'un qui ne s'est jamais drogué", assure son avocat. Des analyses ont pourtant permis de détecter la présence de plusieurs drogues dans le sang de Joël Guerriau, avec des traces d'amphétamines, d'opiacées, de cannabis, de cocaïne, de méthadone et de MDMA, selon BFMTV. "Dans son sang, dans ses cheveux, dans ses urines, on n'a constaté absolument aucune trace de drogue", dément l'avocat, qui dénonce de "fausses informations".

Les analyses de Joël Guerriau contradictoires

Lors d'une perquisition effectuée chez Joël Guerriau après sa mise en garde à vue, un pochon d'ecstasy a été retrouvé au domicile du sénateur. Cette même substance a été retrouvée dans le corps de Sandrine Josso après avoir subi des tests à l'hôpital. 

De son côté, le sénateur a également fait trois analyses pour détecter la présence de drogues dans son organisme. Celles-ci se sont révélées contradictoires. Selon Checknews, la première analyse d'urine a révélé la présence de "toutes les drogues testées". La deuxième a établi que le sénateur était "négatif à absolument tout". Et la troisième, effectuée sur un cheveu, a révélé la présence d'ecstasy dans l'organisme du sénateur, "compatible avec une consommation dans une période entre août et novembre".

Joël Guerriau a été placé sous contrôle judiciaire, vendredi 17 novembre. Il a pour "obligation de suivre des soins et interdiction de contact avec la victime". Le parquet de Paris a indiqué que l'enquête a été ouverte en flagrance, une procédure permettant de ne pas avoir à lever l'immunité parlementaire du sénateur. Joël Guerriau est élu à la Haute Assemblée depuis 2011 et occupe le poste de secrétaire du Sénat et vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. L'élu risque cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende.

Des excuses contestables selon l'avocate de Mme Josso 

L'avocate de Sandrine Josso a exprimé ce mardi 21 novembre au matin sur RMC sa surprise face à la défense de Joël Guerriau. Les excuses que ce dernier a communiqué à la victime ne sont pas satisfaisantes selon Me Julia Minkowski, l'avocate de la députée.  Cette dernière ajoute ne pas comprendre que le sénateur accuse sa cliente de mentir lorsqu'elle confie l'avoir vu ranger le sachet blanc dans un tiroir de sa cuisine. Des faits qui selon l'avocate ont été prouvés lors de la perquisition menée au domicile de Mr Guerriau. Me Minkowski déclare que Mme Josso souffre d'un "syndrome post traumatique" mais reste "déterminée" dans son combat contre la soumission chimique.