Les trois véritables messages de Michel Barnier sur la "situation budgétaire très grave"
La formation du gouvernement prend certainement plus de temps que Michel Barnier l'imaginait, lorsqu'il fut nommé à Matignon le 5 septembre. L'équation politique était complexe, avec la nécessité pour lui de composer une équipe avec des ministres LR, d'autres du camp présidentiel, et si possible d'autres issus de la gauche. Le Premier ministre mettait en avant sa volonté de rassembler et de trouver un large consensus dans l'intérêt supérieur du pays, mais en réalité, mettre d'accord les centristes et les LR est bien plus difficile que prévu.
Evidemment, les questions d'incarnation et de rapports de force partisans créent des tensions. Comment convaincre les députés de la macronie d'entrer dans un gouvernement dans lequel les LR auront des postes déterminants ? Gabriel Attal ou François Bayrou peuvent-ils soutenir un gouvernement avec un Laurent Wauquiez au ministère de l'Intérieur ou Bruno Retailleau à Bercy ? Deux figures qui n'ont cessé de fustiger les réformes menées depuis 7 ans ?
Mais au-delà des personnalités et des postures, c'est bien le flou sur la ligne politique qui rend la situation insoluble. Pour une raison simple et qu'Emmanuel Macron n'a sans doute pas suffisamment pesée : le président a nommé à Matignon une personnalité qui n'a pas fait campagne dans ces législatives, qui n'avait pas d'engagement ou d'offre programmatique pour ces élections dont les résultats doivent, institutionnellement, décider de la formation du gouvernement. En nommant une personnalité complètement hors jeu, le président a mis tous les partis politiques, qu'il appelle à travailler en coalition, dans l'embarras : il ne savent pas s'ils peuvent travailler avec Michel Barnier ni ce qu'il incarne aujourd'hui.
Ce mercredi 18 septembre, le Premier ministre semble acculé : les députés EPR de Gabriel Attal menacent de ne plus le soutenir, les députés LR menacent de le laisser tomber également s'il n'acte pas suffisamment de rupture politique avec les macronistes. D'où ce coup de semonce, prononcé devant la presse ce 18 septembre : "La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave". Un propos très fort, qui rappelle "La France est en faillite", prononcée par François Fillon en 2007. "Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité", a ajouté Michel Barnier. A travers cette allocution, trois messages sont formulés par le Premier ministre :
D'abord, il prévient les Français qu'il faudra se serrer la ceinture. "Mon objectif est de retrouver le chemin de la croissance et de faire progresser le niveau de vie des Français, alors que nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte", dit-il, laissant entendre qu'il faudra trouver un moyen de limiter les dépenses de l'Etat et donc de réduire des budgets alloués au fonctionnement de services publics ou à des investissements publics.
Le deuxième message est adressé aux partis politiques qui jouent le bras de fer pour tordre le bras du Premier ministre. En pointant une situation budgétaire très grave et en appelant à la "responsabilité", il suggère qu'il sera aussi dans l'obligation d'augmenter certains impôts et qu'il va falloir que les personnalités politiques engagées dans la coalition le comprennent. Et l'intègrent très vite. Dit autrement, Michel Barnier demandent à Gabriel Attal et à Laurent Wauquiez de stopper les menaces et de rentrer dans le rang. A ce stade, comme l'indique le Parisien, Michel Barnier serait favorable à augmenter la fiscalité sur les plus aisés et sur les sociétés ayant réalisé d'énormes bénéfices ces dernières années. Et il aimerait que la pilule soit avalée, même par la droite.
Troisième message, adressé à tous, et peut-être d'abord aux journalistes et commentateurs : il est possible que la formation du gouvernement prenne plus de temps que prévu. Michel Barnier a d'ailleurs "demandé tous les éléments pour en apprécier l'exacte réalité" sur les comptes publics. Et sur les bases de ce travail d'analyse, le locataire de Matignon pourra trancher sur les orientations qu'il juge les plus impérieuses, avant de les soumettre à ces partenaires et futurs ministres. Ce qui ne se réalise pas sans délai raisonnable.