Dette écologique : les idées précises derrière l'expression de Michel Barnier

Dette écologique : les idées précises derrière l'expression de Michel Barnier Le Premier ministre Michel Barnier a évoqué la transition énergétique et l'épineux sujet de la dette écologique de la France lors de son discours de politique générale. Voici ses premières pistes.

Michel Barnier s'est engagé à dire "la vérité, d'abord sur la dette financière et sur la dette écologique qui pèse aujourd'hui lourdement déjà sur les épaules de nos enfants", lors de sa passation de pouvoir avec Gabriel Attal, le 5 septembre dernier. Cette phrase, passée sous les radars le jour de sa prononciation, met en exergue la volonté du Premier ministre de se saisir du dossier à bras le corps, et de faire de cette dette écologique, de l'indépendance énergétique du pays, et de la transition écologique, des enjeux majeurs de son mandat. Ce mardi 1er octobre, pendant sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a effectué plusieurs annonces en faveur de l'environnement et pour tenter de renverser la vapeur en matière de dette écologique.  

Les annonces de Michel Barnier concernant la dette écologique 

Michel Barnier a évoqué à plusieurs reprises le changement climatique et la dette écologique de la France lors de son discours de politique générale, ce mardi. Ce dernier souhaite justement mettre "au coeur de son action" la lutte contre le changement climatique, avec l'idée de réduire la "dette écologique de la France". "Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons", a précisé le locataire de Matignon. Voilà pourquoi, la "dette écologique", doit être "au coeur de notre action". "Je pense qu'on peut faire beaucoup nos émissions de gaz à effet de serre. On a diminué de 3,6 % au premier semestre 2024. C'est la preuve que les efforts payent", a-t-il également déclaré. Dans une optique de poursuite des efforts, il a formulé plusieurs propositions et actions devant l'Assemblée nationale : 

  • Décarbonner les usines ;
  • Encourager l'économie circulaire ;
  • Repenser l'offre énergétique du pays en développant le nucléaire et les énergies renouvelables ;
  • Valoriser la biomasse pour décarbonner la production de chaleur et de gaz ;
  • Développer la filière française des biocarburants pour l'aviation ;
  • Développer de laboratoire d'innovation pour le solaire et la géométrie en Outre-mer.

La dette écologique ralentit, mais la France toujours en retard

Pour mieux comprendre la situation dans laquelle se trouve la France, il convient de se plonger dans les chiffres. Au premier semestre 2024, la France a réduit ses émissions de CO2 de 3,6 % par rapport à l'année passée. À l'inverse, le déficit public devrait atteindre 5,6 % du PIB en 2024 selon les dernières estimations de Bercy, alors que la loi de finances initiale tablait sur 4,4 %. Dans ces conditions, les ambitions de Michel Barnier en termes de réduction de la dette écologique pourraient être mises à rude épreuve.

Pour rappel, la dette écologique peut se définir comme le legs des générations du présent à celles du futur, ou le trop-plein d'utilisation des ressources de la planète par rapport à ce qu'elle peut produire. Autrement dit, le climat de nos descendants ne sera que la résultante des choix que nous faisons actuellement en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Et aujourd'hui, la dette climatique de la France grimpe, moins vite certes, mais elle continue d'augmenter : 350 millions de tonnes de CO2 rejetées l'an passé, contre 500 millions il y a 20 ans. Pour arriver à la neutralité carbone, qui s'apparente à une situation idéale, le solde des tonnes de CO2 rejetées et des tonnes retirées doit être égal à 0.

"Si on estime à 100 euros le coût des dommages engendrés par le rejet d'une tonne supplémentaire de CO2 dans l'atmosphère, le rythme d'accroissement annuel de la dette climatique est passé de 50 milliards d'euros en 2005 à un peu moins de 38 milliards", actuellement, indique The Conversation. Malgré une tendance plutôt positive, l'objectif de neutralité carbone en 2050 ne pourra pas être atteint. L'UE a fixé l'objectif d'une réduction de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Si la tendance observée de -2 % par an depuis 2002, comme rappelé par The Conversation, se poursuit de manière constante, la France atteindra 325 millions de tonnes de CO2 rejetées en 2030, soit plus que les 270 attendues. Avec une telle trajectoire, il serait nécessaire de doubler le rythme annuel de baisse sur les 7 prochaines années, avant l'échéance intermédiaire de 2030, ce qui apparaît comme quasiment impossible. Voilà pourquoi, Michel Barnier n'a pas vraiment d'autre choix que de faire de ce sujet une des composantes clés de son mandat en tant que Premier ministre de la France.

Des économies et des choix trop pénalisants ?

Dès 1990, Michel Barnier publiait "Chacun pour tous, le défi écologique" aux éditions Stock. Une publication étonnante pour un homme politique de droite, l'écologie ne faisant pas forcément partie des priorités ultimes du parti. Pour lui, il était déjà "possible de placer ce débat (...) au-dessus des clivages partisans et des querelles habituelles". Un discours qui fait tout particulièrement écho à la séquence politique actuelle. Assemblée nationale fracturée, gouvernement dans lequel les sensibilités politiques s'entrechoquent... Michel Barnier pourrait faire figure de Premier ministre "plutôt vert", en tentant d'accélérer la transition écologique.

Chargé de mission au cabinet du ministre de l'environnement Robert Poujade en 1973 puis ministre de l'Environnement de 1993 à 1995 sous le gouvernement Edouard Balladur, Michel Barnier est à l'initiative dans les années 1990 du principe de "pollueur-payeur", un principe juridique inscrit dans le Code de l'environnement selon lequel "les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci sont supportés par le pollueur". Le fonds Barnier, une aide exceptionnelle accordée aux collectivités en cas de catastrophe naturelle, est aussi à mettre au crédit du nouveau chef du gouvernement. 

Attention, dans les faits, la situation n'est pas idéale. Le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) est certes conservé par Michel Barnier (créé en 2022 par Emmanuel Macron), "mais celui qui pilote ce SGPE n'est plus rattaché politiquement au cabinet du Premier ministre. A l'usage, on verra s'il y a une perte, ou pas, d'influence", se questionne Yaël Goosz, chef du service politique de France Inter. De plus, notons qu'Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique a perdu le logement, la biodiversité ainsi que les transports, "c'est beaucoup !", reconnaît Yaël Goosz. Aussi, le Fonds vert permettant aux collectivités locales d'accélérer leur transition écologique sera lui amputé d'1,5 milliard d'euros. Justement, ce type d'économies pose question pour la suite : "Il y a besoin de chiffrer et financer la transition dans la durée", insiste Alexis Monteil-Gutel, codirecteur du réseau Cler, dans les colonnes de France Info.

Dans les prochaines semaines et mois, Michel Barnier sera également attendu sur les questions de rénovation énergétique (1 milliard d'euros en moins pour les aides dédiées) et des énergies renouvelables. Justement, les obstacles au développement du renouvelable n'ont pas été levés par la loi "d'accélération". Ce qui pourrait engendrer un risque important de déficit en électricité décarbonnée à l'horizon 2035. Le pari du "tout nucléaire" ou du moins, du développement massif du nucléaire ne pourra pas permettre non plus de lever ce risque. Des discussions devront être menées pour trancher et arbitrer du rôle du nucléaire dans la transition énergétique. La fin des ventes de voitures thermiques neuves normalement prévue pour 2035, le verdissement du parc automobile et l'affaiblissement des puits de carbone forestier qui fait chuter la capacité de stockage des forêts malgré l'augmentation de leur superficie pourraient aussi faire partie du débat et des thèmes abordés à l'avenir.