Budget 2025 : les armes de Barnier pour faire adopter son projet sans majorité
Le Premier ministre doit faire adopter un budget 2025, sans disposer de majorité à l'Assemblée. Mission impossible ?
Sans majorité absolue à l'Assemblée, et ne disposant même que d'une base parlementaire de 220 élus ayant manifesté leurs mécontentements sur divers points - dont la hausse des impôts à venir, Michel Barnier semble dans l'impasse. Le Premier ministre se retrouve confronté à un défi historique pour faire adopter le budget 2025 avant le 31 décembre. La situation politique est tellement improbable qu'un vote des députés validant son projet semble même une option de moins en moins réaliste.
Même si le Rassemblement national s'abstient sur le vote du budget, il est probable que l'ensemble de la gauche vote contre, et qu'en certains nombre de députés du bloc central refusent de voter pour. Michel Barnier, face au risque considérable d'un rejet du texte, pourrait être tenté d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution, permettant l'adoption d'une loi sans vote, à condition qu'une motion de censure ne renverse pas le gouvernement. Un choix risquée puisque l'opposition majoritaire, composée du Nouveau Front populaire (193 députés) et du Rassemblement national (126 députés), pourrait facilement atteindre les 289 voix nécessaires pour faire tomber le gouvernement. Mais jusque-là, le RN joue sa carte : il s'inscrit dans l'opposition, mais soutient ce gouvernement en refusant de le censurer. Le Premier ministre mise donc sans doute sur la neutralité bienveillante de l'extrême droite en cas de recours au 49.3.
Un coup politique de Macron à la fin de l'année ?
Michel Barnier pourrait se tourner vers l'article 47 de la Constitution, une option permettant de faire passer les mesures principales du budget par ordonnance en cas d'enlisement parlementaire. Cette procédure d'urgence autorise le gouvernement à percevoir les impôts et à ouvrir des crédits par décret pour maintenir le fonctionnement des services publics. Une telle mesure serait similaire à celles déjà prises en 1962 et 1979 pour pallier des situations de blocage.
Si le blocage se poursuit, certains observateurs imaginent même un scénario inédit : l'intervention directe du président de la République. Selon des constitutionnalistes, Emmanuel Macron pourrait, en dernier recours, invoquer l'article 5 de la Constitution, qui lui confère le pouvoir de garantir "le bon fonctionnement des institutions et de l'État". Des experts du droit constitutionnel vont même jusqu'à évoquer l'utilisation de l'article 16, qui permettrait au président de prendre les pleins pouvoirs en cas de menace grave pour la nation. Selon cet article, "lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances". Peut-on imaginer que le chef de l'Etat invoque cet article pour un budget non voté ? Une telle interprétation qui semble toutefois excessive : la situation budgétaire actuelle représente-t-elle vraiment pas une menace immédiate pour l'intégrité de la France ?