Contre la "mexicanisation" du trafic de drogues, Retailleau et Migaud haussent le ton et dévoilent leur plan

Contre la "mexicanisation" du trafic de drogues, Retailleau et Migaud haussent le ton et dévoilent leur plan Les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont présenté leur plan de lutte contre le narcotrafic, ce jeudi à Marseille. Un projet sur "15, 20 ans", pour venir à bout de la "pieuvre" du trafic de drogue, selon Bruno Retailleau.

Les ministres de l'Intérieur Bruno Retailleau et de la Justice Didier Migaud ont présenté ce jeudi 8 novembre à Marseille les grandes liges du plan gouvernemental de lutte contre la criminalité au cours d'une conférence de presse. Le choix de la cité phocéenne pour l'annonce de ces mesures visant à lutter contre le narcobanditisme n'est pas anodin, tant elle est devenue le théâtre d'une guerre sanglante entre gangs. 

Au programme, ensuite, pour les deux ministres, une première visite à la préfecture des Bouches-du-Rhône pour rencontrer des associations et des familles de victimes d'assassinats liés au trafic de stupéfiants. Par la suite, Bruno Retailleau rencontrera les effectifs de police des quartiers nord de Marseille alors que Didier Migaud prendra la direction de la prison des Beaumettes, avant de rejoindre tribunal judiciaire de Marseille pour des échanges avec les chefs de cour et de juridiction ainsi qu'avec les personnels de la Juridiction inter-régionale spécialisée.

Bruno Retailleau promet une "réponse très ferme de l'Etat"

Après plusieurs fusillades à Marseille, Bruno Retailleau avait indiqué que la France se trouvait à un "point de bascule" face au narcotrafic, sous la menace d'une "mexicanisation", en référence à la situation tendue à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Un terme jugé "excessif" par Bertrand Monnet, chercheur spécialisé dans l'économie du crime, dans les colonnes de France Info. "Au Mexique, on tombe sous les bombes pour un rien. En France, c'est encre une ligne rouge, qui pousse les politiques à s'emparer du sujet (...) La situation est bien plus préoccupante au Mexique", estime Clotilde Champeyrache, spécialiste de l'économie criminelle et autrice de Géopolitiques des mafias, toujours chez France Info.

De son côté, le garde des Sceaux se dit "totalement en phase" avec son homologue de l'Intérieur. Pour rappel, le chiffre d'affaires du trafic de drogues est estimé entre 3,5 et 6 milliards d'euros par an en France. Une "réponse très ferme de l'Etat" est prévue, a affirmé Bruno Retailleau. Voici les principales mesures dévoilées par les deux ministres.

Hausse des effectifs et création d'une cellule de coordination nationale

Didier Migaud a d'abord annoncé envisager le jugement des "crimes en bande organisée" liés aux stupéfiants par des cours d'assises spéciales, avec des magistrats professionnels comme pour les affaires de terrorisme. Une nouveauté qui permettrait "d'éloigner le risque de pression exercée sur les jurés en vue d'orienter la décision judiciaire finale", a assuré le ministre de la Justice. Sur le modèle italien, Didier Migaud souhaite également améliorer le régime de protection des repentis pour que les narcotrafiquants qui souhaitent se repentir, soit exemptés de peines ou condamnés à des sanctions moins sévères.

De nouveaux moyens seront déployés avec la création dans les prochaines semaines d'une "cellule de coordination nationale", permettant de d'oeuvrer depuis l'état des lieux d'une menace, jusqu'à la mise en oeuvre de la stratégie sur le terrain. Dans ce sens, les équipes du parquet de Paris travaillant sur la lutte contre la criminalité organisée pourraient être renforcées de 40 %. Cinq nouveaux postes de juges seront aussi créés.

L'assouplissement de l'excuse de minorité pour les moins de 16 ans

Autre mesure phare annoncée par le duo Retailleau-Migaud : l'assouplissement de l'excuse de minorité. Autrement dit, assouplir cette excuse pour les moins de 16 ans "dans les cas les plus graves", explique le Garde des Sceaux. Les dealers verront également, dans le futur, leur patrimoine fiscal attaqué. "Frapper au portefeuille" est l'objectif de Bruno Retailleau : "Il faut scanner l'ensemble du patrimoine et geler les avoirs. C'est fondamental", assure-t-il. L'ouverture d'une enquête patrimoniale dans les affaires de stupéfiants pourraient même devenir obligatoire. Le locataire de la place Beauvau entend aussi renforcer l'application des amendes, que ce soit pour achat ou consommation de stupéfiants.

Bruno Retailleau souhaite également une "interdiction de paraître sur et autour des points de deal" d'un trafiquant dès lors qu'il a été identifié par la justice. Enfin, une plus forte "mobilisation" au niveau européen et international a été réclamée par Didier Migaud pour renforcer les outils de lutte hors des frontières françaises. Un nouveau magistrat de liaison sera installé à Bogota (Colombie) et un quatrième magistrat prendra ses fonctions au niveau européen.