Discours d'Emmanuel Macron à Notre-Dame : les doubles sens et les messages à peine cachés du président
Quand il avait annoncé, dès le lendemain du terrible incendie qui avait ravagé la cathédrale le 15 avril 2019, que Notre-Dame serait reconstruite en cinq ans, certains l'avaient pris pour un fou. Emmanuel Macron ne devrait pas manquer de le rappeler d'une manière ou d'une autre ce samedi 7 décembre, au moment de prendre la parole pour la grande inauguration de l'édifice restauré. Après les hésitations de son cabinet, le chef de l'Etat prononcera bien un discours. Il devait le faire depuis le parvis de Notre-Dame, mais la météo l'obligera à discourir au sein de la cathédrale elle-même, en amont de la cérémonie religieuse.
Dans ce discours à Notre-Dame de Paris, Emmanuel Macron devrait immanquablement évoquer le "pari réussi" des quelque 2000 "bâtisseurs" qui ont travaillé d'arrache pied pendant ces cinq ans, pour redonner tout son éclat au monument parisien. Mais rappeler aussi que ce pari était un peu le sien... "Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore, et je veux que ce soit achevé d'ici à cinq années", avait en effet ordonné le président de la République dans une allocution télévisée le 16 avril 2019, soit 24 heures à peine après l'incendie, alors que l'ampleur des dégâts n'était pas encore parfaitement établie.
Le 29 novembre 2024, lors d'une ultime visite du chantier de restauration, le président a donné un avant goût de son discours pour Notre-Dame. Et il a pris soin de bien choisir ses mots. "Oui, en avril 2019, nous avons décidé que cela prendrait cinq ans. Alors c'est vrai, on nous a beaucoup dit, au début, que ça ne serait pas possible, que c'était fou, que c'était arbitraire, qu'on allait mal faire. Mais, au fond, derrière cet objectif simple, il y a eu une agrégation de toutes les volontés. Et vous l'avez fait. Vous avez réussi ce qu'on pensait impossible", a lancé un Emmanuel Macron un peu revanchard.
Devant une centaine de chefs d'Etat aujourd'hui, dont Donald Trump, il devrait encore peu ou prou répéter à quel point le travail des compagnons, cordistes, charpentiers, verriers, et autres artisans travaillant à l'ancienne, parfaite illustration de l'énergie et du savoir-faire français, a été précieux. Mais peut être aussi à quel point il a eu raison de donner l'impulsion et de prôner l'espoir, alors que le "cauchemar" était à peine terminé.
"Le choc de la réouverture sera, je crois, et je veux le croire, aussi fort que celui de l'incendie, mais ce sera un choc d'espérance", a également assuré Emmanuel Macron le 29 novembre dernier, au sein de Notre-Dame. "Le brasier de Notre-Dame était une blessure nationale et vous avez été son remède, par la volonté, par le travail, par l'engagement", a-t-il aussi lancé aux artisans de sa réouverture, les remerciant d'avoir trouvé un "antidote à l'abattement" et d'avoir "montré au monde que rien ne résiste à l'audace".
Le discours à Notre-Dame, une prière pour un miracle politique ?
"Réussir l'impossible", "agréger les volontés", trouver un "antidote à l'abattement", "montrer au monde que rien ne résiste à l'audace" et provoquer un "choc d'espérance" après le "cauchemar"... Ceux qui n'ont pas remarqué le message codé et la référence presque limpide à la situation politique peuvent apprendre à lire entre les lignes. Et s'il fallait encore les convaincre, Emmanuel Macron aura même osé comparer, toujours le 29 novembre, la renaissance de Notre-Dame à une "métaphore de la vie de la nation"...
Depuis la dissolution du 9 juin et la défaite lors des législatives qui ont suivi, le chef de l'Etat tente, comme pour Notre-Dame, de redonner du relief à son quinquennat et d'appeler à l'unité. Il réclamait encore, lors d'une allocution jeudi soir, un impossible "gouvernement d'intérêt général" et estimait avoir "30 mois" pour remettre le pays en action et "rebâtir la nation", dans "l'unité" et "l'espérance".
Mais contrairement à Notre-Dame, la renaissance de l'édifice macroniste, achevé en 2017 et déjà en ruine, pourrait rester un vœu pieu. Ses opposants auront sans doute beau jeu de rappeler à Emmanuel Macron qu'il a, cette fois, été celui qui a allumé le brasier en menant le pays à la crise, lui qui s'était élevé comme le rempart contre l'extrême droite, et en décidant cette dissolution de l'Assemblée nationale, incomprise jusque dans ses propres rangs. Il faudra peut-être plus que le "plus beau chantier du siècle" pour arriver à remettre la maison debout.