Procès Sarkozy : tout comprendre à l'affaire du financement libyen en 4 points

Procès Sarkozy : tout comprendre à l'affaire du financement libyen en 4 points Le procès de l'affaire du financement libyen débute ce lundi 6 janvier pour au moins trois mois. Nicolas Sarkozy, soupçonné d'avoir bénéficier d'un financement illégal pour sa campagne présidentielle de 2007 encourt jusqu'à 10 ans de prison.

Déjà condamné dans l'affaire des écoutes et pour financement illégal de campagne dans l'affaire Bygmalion, Nicolas Sarkozy s'apprête à être jugé dans le plus important dossier judiciaire le concernant : les soupçons du financement libyen pour la campagne présidentielle de 2007. Le procès débute ce lundi 6 janvier au tribunal correctionnel de Paris et doit durer jusqu'à 10 avril, soit trois mois pour déterminer si l'ancien président de la République est coupable d'avoir profiter d'un financement illégal fourni par la Libye de Mouammar Kadhafi

Nicolas Sarkozy, qui a été condamné à un an de prison ferme dans l'affaire des écoutes et à six mois ferme dans l'affaire Bygmalion - un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme est prévu pour la première de même qu'un pourvoi en cassation pour la seconde -, encourt jusqu'à 10 ans de prison et 375 000 euros d'amendes avec ce nouveau procès. Il est poursuivi pour "financement illégal de campagne électorale", "corruption passive", "recel de détournement de fonds publics" et "association de malfaiteurs".

Jamais un ancien chef d'Etat français n'a été poursuivi en justice pour une affaire aussi grave, et tentaculaire, que celle des financements libyens. Révélée en 2012 par Médiapart, cette affaire a nécessité 10 ans d'enquête avant que le parquet national financier ne la renvoie devant la justice. Retour sur ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy et aux 13 autres prévenus.

Des transferts d'argent entre la Libye, Sarkozy et les autres prévenus

Les relations entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi qui a dirigé la Libye de 1969 jusqu'à sa mort en 2011 ont débuté en décembre 2005, alors que le premier officiait comme ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac. Les deux hommes se sont rencontrés alors que le dirigeant libyens voulait renouer des liens économiques et commerciaux à l'international. Cette prise de contact aurait également été l'occasion pour Nicolas Sarkozy de solliciter le soutien financier de Mouammar Kadhafi en vue de sa campagne présidentielle de 2007 d'après les témoignages de Ziad Takieddine, un homme d'affaires franco-libanais ayant joué les intermédiaires, et de Bechir Saleh qui était le chef de cabinet du dirigeant Kadhafi.

Plusieurs transferts d'argent auraient ensuite eu lieu à partir de 2006, notamment par le biais de Ziad Takieddine ou d'Abdallah Al-Senoussi, le chef des services secrets libyens de l'époque. La justice française a pu confirmer que l'homme d'affaires avait reçu 6 millions d'euros de la part du régime libyen entre janvier et novembre 2006, une somme qu'il aurait reversé à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant selon ses propres dires auprès de Médiapart en 2016. Abdallah Al-Senoussia indiqué de son côté en 2012 face à la Cour pénale internationale avoir supervisé le transfert de 5 millions d'euros.

En 2012, deux documents semblent confirmer les échanges financiers entre la Libye, Nicolas Sarkozy et ses proches. Le premier est révélé par Médiapart : il s'agit d'une note officielle émise pour le gouvernement libyen, et signée par l'ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, dans laquelle il est écrit : "Nous vous confirmons l'accord de principe [...] concernant l'approbation d'appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, Monsieur Nicolas Sarkozy, pour un montant d'une valeur de cinquante millions d'euros."

Le second document est un carnet ayant appartenu à Choukri Ghanem, ancien ministre du pétrole de la Libye, dans lequel l'homme avait consigné les versements du pays à Nicolas Sarkozy ou ses proches. Le carnet a été trouvé après la mort de l'ancien ministre dont le corps a été découvert dans le Danube, à Vienne, en 2012. 

Les accusations des Kadhafi contre Sarkozy

Si Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi ont eu des relations cordiales - l'ancien chef de l'Etat a réalisé son premier voyage officiel en Libye après sa victoire à la présidentielle de 2007 et a invité le dirigeant libyen en France la même année -, c'est l'homme d'Etat libyen et son entourage qui ont émis les premières accusations contre Nicolas Sarkozy. En 2011, alors que les printemps arabes secouent les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, l'ex-président français est l'un des premiers à reconnaître le Conseil national de transition formé par les rebelles pour renverser le régime syrien. En réponse, le clan Kadhafi évoque publiquement un financement libyen. "Il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale", lançait Saïf Al-Islam Kadhafi, l'un des fils du Guide libyen, se rappelle Le Monde. "C'est nous qui lui avons fourni les fonds qui lui ont permis de gagner les élections", assurait également Mouammar Kadhafi dans Le Figaro.

Ces accusations suivies des révélations de Médiapart et des découvertes des documents précités ont donné lieu à une enquête. Les investigations se sont soldées par plusieurs mises en examen dont celle de Nicolas Sarkozy en 2018 pour "corruption passive", "financement illégal de campagne électorale" et "recel de détournement de fonds publics libyens". Des chefs d'accusation auxquels s'est ajouté celui d'"association de malfaiteurs" en 2020. Nicolas Sarkozy a toujours nié en bloc les accusations formulées contre lui dans cette affaire, comme dans toutes les autres.

Les revirements de Ziad Takieddine

Mis à part Nicolas Sarkozy et ses proches qui nient avoir bénéficié ou organisé un financement libyen, toutes les autres parties à l'affaire ont soutenu l'existence de transferts financiers, qu'il s'agisse du clan Kadhafi ou d'intermédiaires comme Ziad Takieddine. Ce dernier est toutefois revenu sur ses déclarations en 2020 lors d'une interview pour Paris-Match et BFMTV : "M. Sarkozy n'a pas eu un financement libyen pour la campagne présidentielle". Un revirement lié à une opération nommée "Sauver Sarko" et montée par l'entourage du politique selon les informations de Libération et Médiapart. Une manœuvre qui a fait l'objet d'une enquête du parquet national financier et a entrainé une nouvelle mise en examen de Nicolas Sarkozy, et d'autres, pour "subornation de témoins".

Mais à quelques heures de l'ouverture du procès le 6 janvier, Ziad Takieddine a renouvelé les accusations contre Nicolas Sarkozy, revenant à sa première version, sur RTL : "Sarkozy a été voir Kadhafi, il a demandé de l'argent de Kadhafi. Je peux dire que Kadhafi lui a payé jusqu'à 50 millions d'euros". Des déclarations auxquelles l'ancien chef d'Etat et son avocat n'accordent aucun crédit, mais qui seront étudiées lors du procès.

Les 13 prévenus au procès du financement libyen

Nicolas Sarkozy est au cœur de l'affaire du financement libyen puisque cet argent aurait servi à payer la campagne présidentielle qui lui a permis d'être élu à la tête du pays en 2007. Mais il est loin d'être le seul impliqué dans cette affaire, la preuve avec le nombre de prévenus : 13 personnes. Parmi elles, quatre sont des proches de Nicolas Sarkozy :

  • Claude Guéant, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Intérieur devenu ministre de l'Intérieur. Il est poursuivi pour avoir participé à l'organisation du financement libyen et avoir dissimulé au moins un virement de 500 000 euros.
  • Brice Hortefeux, ministre au moment des faits nommé ministre à différents postes sous le mande de Nicolas Sarkozy. Il est poursuivi pour avoir participé à l'organisation du financement libyen.
  • Eric Woerth, secrétaire d'Etat au moment des faits devenu ministre sous Nicolas Sarkozy. Il est soupçonné d'avoir participé, en tant que trésorier, au "financement illégal de [la] campagne électorale" de Nicolas Sarkozy et d'avoir dissimulé l'usage massif d'espèces.
  • Thierry Gaubert, homme d'affaire et ami de Nicolas Sarkozy. Il est soupçonné d'avoir touché du régime libyen 440 000 euros qui étaient "destinés à corrompre des agents publics français".

En plus des ces cinq personnes, sept autres sont également impliquées pour avoir servi d'intermédiaires et d'avoir facilité les échanges entre le régime libyen et le clan de Nicolas Sarkozy c'est le cas de Ziad Takieddine, d'Alexandre Djouhri, de Bechir Saleh, de Wahib Nacer, de Khalid et Ahmed Bugshan et de Siva Rajendram.