Dans ces milliers d'établissements de France, Bruno Retailleau voudrait interdire le port du voile
"Le voile n'est pas qu'un simple bout de tissu : c'est un étendard pour l'islamisme, et un marqueur de l'infériorisation de la femme par rapport à l'homme", a affirmé le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau lors d'une interview accordée au Parisien, ce lundi 6 janvier. En conséquence, il estime que les "accompagnatrices n'ont pas à être voilées" durant les sorties scolaires et souhaite qu'une mesure législative soit prise dans ce sens.
Ce n'est pas la première fois qu'une personnalité politique fait cette proposition. En juin 2024, le porte parole du RN, Julien Odoul, soutenait que son parti était en faveur d'une interdiction du voile, dans ce cadre, dans l'espace pblic, sur RMC. "Il faut protéger toutes les activités scolaires, éviter le prosélytisme et donc interdire le voile islamiste dans ces sorties scolaires", avait-il précisé.
Le port du voile remis en cause
On l'oublie un peu, mais la loi de 2004 - qui interdit "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse" dans les écoles, collèges et lycées publics - divisait déjà le corps politique il y a 20 ans. À cette époque, Nicolas Sarkozy, ancien ministre de l'Intérieur, s'était même opposé à cette loi visant l'interdiction du voile à l'école, comme le rappelle Public Sénat.
"Une nouvelle loi est une position dangereuse", avait-il assuré devant la commission du Sénat. "Qu'est-ce que c'est que ce faux débat avec d'un côté les défenseurs de l'idéal républicain qui veulent une nouvelle loi et de l'autre, les abominables s'inclinant devant l'extrémisme ? Ce n'est pas la vérité. Je suis opposé à toute forme de signes religieux et en même temps très réservé sur une nouvelle loi sur la laïcité." Plus tard, du temps où il était président de l'UMP, il a fait volte-face en se prononçant en faveur de l'interdiction du voile islamique à l'école, et même à l'université.
Un avis loin de déplaire à Bruno Retailleau qui veut mener "la bataille contre le totalitarisme islamique" sur tous les fronts. Le premier ministre cible particulièrement "l'islam politique" qui "menace nos institutions et la cohésion nationale". "Je souhaite que l'une des grandes priorités de ces prochains mois soit la lutte contre l'islamisme des Frères musulmans", qu'il accuse de faire de "l'entrisme".
Vers un élargissement de la loi de 2004 ?
Il estime que pour lutter contre cet "entrisme", il faut "étendre le champ de la laïcité à d'autres espaces publics, par exemple aux compétitions sportives ou aux sorties scolaires ". À ses yeux, "la loi de 2004 sur les signes religieux doit être appliquée à ces activités : les sorties scolaires, c'est l'école hors les murs".
Le ministre se prononce également pour l'interdiction du port du voile à l'université. Cela concernerait plus de 3500 établissements d'enseignement public et privé. Pour rappel, la loi sur la laïcité de 1905, donne la possibilité de porter un quelconque signe religieux dans l'espace public et à l'Université en tant qu'usagers, considérant que les élèves sont majeurs, éveillés et responsables. Peu importe qu'il s'agisse d'une croix, d'un voile ou d'une kippa, "la République assure la liberté de conscience". "La liberté religieuse suppose la liberté pour chacun d'exprimer sa religion, celle de la pratiquer et celle de l'abandonner, dans le respect de l'ordre public", résume Vie publique.
La position du ministre de l'intérieur ne fait pas l'unanimité, des associations défendent régulièrement le port du voile si celui-ci est porté en conscience. "La contrainte de codes vestimentaires, que ce soit par l'imposition du port de vêtements ou leur interdiction, traduit une volonté d'exercer un contrôle du corps des femmes et des jeunes filles et de les priver de leur autonomie personnelle, en voyant dans leur corps une manifestation symbolique des valeurs de la communauté ou de la nation", souligne par exemple Amnesty International France.