Jean-Marie Le Pen et la torture en Algérie : ce que l'on sait sur son passé militaire
Engagé dans le 1er régiment étranger de parachutistes en octobre 1956, Jean-Marie Le Pen a participé, en tant que chef de section, à la bataille d'Alger. Des années sombres lors desquelles le militaire aurait commis des actes de torture. Actes que le principal intéressé a toujours nié… ou presque. "Je n'ai rien à cacher. Nous avons torturé parce qu'il fallait le faire. Quand on vous amène quelqu'un qui vient de poser 20 bombes qui peuvent exploser d'un moment à l'autre et qu'il ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l'y contraindre. C'est celui qui s'y refuse qui est le criminel car il a sur les mains le sang de dizaines de victimes dont la mort aurait pu être évitée", avait tout de même lâché Jean-Marie Le Pen au cours d'une interview parue le 9 novembre 1962 dans le journal Combat. Des aveux qui intervenaient quelques mois après la promulgation du décret du 22 mars 1962 selon lequel "l'amnistie sur les faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne" était assurée.
Au lendemain de la parution de son entretien dans Combat, le fondateur du Front national était toutefois revenu sur ses propos, indiquant alors : "Je désirerais éclaircir un certain nombre de points de l'interview parue dans votre journal du vendredi 9 novembre 1962. […] Les méthodes de contraintes utilisées pour démanteler les réseaux terroristes FLN, qui s'attaquaient exclusivement à la population civile dans le but d'y faire régner la terreur, n'ont, dans les unités que j'ai personnellement connues, jamais pu être assimilées à des tortures."
"Une quinzaine" de plaintes et une preuve physique rapportée d'Algérie
Une séquence pour le moins troublante et à laquelle s'ajoutent diverses preuves. Dès 1962, l'historien Pierre Vidal-Naquet, particulièrement engagé contre la torture, publiait dans les colonnes de Vérité Liberté un article dans lequel il affirmait, documents à l'appui, avoir la certitude que Jean-Marie Le Pen avait pratiqué la torture en février et mars 1957 en Algérie. Parmi les documents, des archives de la police d'Alger. À 20Minutes, Fabrice Riceputi, auteur de Le Pen et la torture : Alger, 1957, l'histoire contre l'oubli, confie avoir lui-même pu examiner "une quinzaine" de plaintes déposées par des personnes se disant victimes de Jean-Marie Le Pen. "Quand on croise [ces dépositions] entre elles et qu'on les compare aux éléments historiques que nous possédons, elles deviennent parfaitement crédibles", affirme-t-il.
S'il n'existe pas de vidéos ou d'aveux signés par Jean-Marie Le Pen concernant les actes de torture qu'il aurait commis, une preuve physique a néanmoins bien été rapportée d'Algérie en 2003 par l'envoyé spécial du Monde à Alger à l'occasion d'un procès en diffamation intenté par le patriarche contre le journal du soir. Cette preuve n'est autre que le couteau de Jean-Marie Le Pen, gravé de son patronyme. Il a été découvert en 1957 dans l'appartement de la famille Moulay. Famille dont le père avait été torturé cette même année par des parachutistes alors sous les ordres d'un certain lieutenant Le Pen.
Du côté de la justice, Jean-Marie Le Pen a toutefois longtemps pu se targuer de remporter ses procès en diffamation contre ses détracteurs. Cependant, il semble que l'ex-militaire ait pu avant tout bénéficier de l'amnistie mise en place par le décret précédemment évoqué. À partir des années 1980 et la ratification en 1984 par les Nations Unies de la Convention contre la torture, selon laquelle "tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle des renseignements ou des aveux", la justice s'est montrée moins clémente. Jean-Marie Le Pen a notamment perdu ses trois derniers procès en diffamation.