Retailleau se fait taper sur les doigts publiquement après une annonce "prématurée"
Bruno Retailleau aurait-il confondu vitesse et précipitation ? Le ministre de l'Intérieur a annoncé l'interpellation d'un nouvel influenceur algérien - six autres ont déjà fait l'objet de procédures ou de signalements depuis le début de l'année - qui "appelait à commettre des actes violent sur le territoire français sur TikTok", ce mercredi 22 janvier. Mais seulement quelques heures plus tard, le ministre a été contredit par le parquet de Paris. Le ministère public a regretté une annonce "tout à fait prématurée" de Bruno Retailleau et a indiqué que pour l'heure "rien n'est retenu" contre ledit influenceur algérien, Rafik Meziane.
Non seulement de rectifier les propos du ministre de l'Intérieur, le parquet de Paris a "rappelé" les règles à suivre concernant le traitement et la communication sur une affaire en cours. Des déclarations aux airs de recadrage à l'égard de Bruno Retailleau. "Seule l'autorité judiciaire est légitime à communiquer sur une affaire judiciaire en cours", a souligné le ministère public sous-entendant que le ministre de l'Intérieur ne répond pas à ce critère.
L'influenceur algérien Rafik Meziane qui appelait à commettre des actes violent sur le territoire français sur TikTok a été interpellé ce matin.
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) January 22, 2025
Merci aux enquêteurs et aux forces de lordre pour leur professionnalisme.
Ne rien laisser passer
Après avoir remis en cause les dires du "premier flic de France", le parquet de Paris a précisé les mesures prises concernant l'influenceur Rafik Meziane. "Le pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) enquête sur un signalement effectué sur la plateforme PHAROS et portant notamment sur une republication de vidéo sans commentaire. Il a donc été procédé à une perquisition afin de saisir le matériel informatique et vérifier si des éléments matériels permettraient ou non de qualifier une infraction". Cette perquisition aurait eu lieu dans le 13ème arrondissement de Paris selon une source de l'AFP qui parle "d'interpellation".
En ce qui concerne la personne visée par le signalement, "elle n'est à cette heure pas en garde à vue" et "doit en outre suivre des soins", a précisé le parquet. Peu après l'annonce de Bruno Retailleau sur X, la source proche de dossier de l'AFP indiquait effectivement que l'état de santé de l'influenceur était "incompatible avec un placement en garde à vue", sans plus de précision.
Retailleau pressé par les tensions avec l'Algérie
Bruno Retailleau a réaffirmé sa volonté de "ne rien laisser passer" à la fin de son message sur X, ce mercredi 22 janvier. Il avait déjà promis de la fermeté face aux appels à la violence émis ou relayés par des influenceurs d'origine algérienne dans un contexte de fortes tensions entre la France et l'Algérie. Si les deux pays ont toujours eu des relations en dents de scie, les tensions se sont ravivées ces dernières semaines autour de plusieurs dossiers. D'abord sur le statut du Sahara occidental, une région située au sud du Maroc et disputée, après que la France a réaffirmé la souveraineté marocaine sur ce territoire, puis sur l'incarcération de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, critique du pouvoir et du gouvernement algérien, survenue mi-novembre.
En début d'année, l'arrestation de l'influenceur algérien "Doualemn" pour "incitation à commettre un crime" après la publication de vidéos litigieuses sur Tik Tok a encore dégradé les relations franco-algériennes : expulsé et mis dans un avion pour l'Algérie, l'influenceur de 59 ans a été renvoyé en France le soir même et est depuis incarcéré. Bruno Retailleau avait alors accusé l'Algérie de chercher à "humilier la France" et le pouvoir algérien avait répondu en dénonçant une "escalade" dans les tensions et une "campagne de désinformation".
Le ministre de l'Intérieur a jugé nécessaire de "dépassionner" et de "normaliser notre relation diplomatique avec l'Algérie" dans un entretien accordé à l'Express le 21 janvier. Mais dans le même temps, Bruno Retailleau s'empare d'une nouvelle interpellation d'un influenceur algérien quand celle-ci n'a pas encore eu lieu ou été officialisée. Une manœuvre qui ne devrait pas apaiser les tensions.