Notre-Dame de Bétharram : les éléments contre Bayrou s'accumulent, a-t-il caché une affaire de violences sexuelles ?

Notre-Dame de Bétharram : les éléments contre Bayrou s'accumulent, a-t-il caché une affaire de violences sexuelles ? Après avoir reçu l'association des victimes de Bétharram, François Bayrou avoue avoir lancé une inspection de l'établissement en 1996... Mais est-ce suffisant ?

Il assurait n'avoir jamais été mis au courant des violences commises contre les élèves de Notre-Dame de Bétharram... mais la carapace d'ignorance commence à craqueler. Après avoir rencontré les membres de l'association des victimes à la mairie de Pau samedi 15 février, François Bayrou a reconnu avoir eu connaissance d'une plainte pour violence dans les années 1990.

"Quand j'ai appris en 1996 la première plainte pour une claque, j'ai fait organiser une inspection générale de l'établissement", a-t-il assuré - avouant donc qu'il connaissait ce fait de violence. On est bien loin de ses déclarations du début de semaine : "Jamais je n'ai été, à cette époque, averti en quoi que ce soit des faits qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements", avait assuré le Premier ministre à l'Assemblée nationale mercredi 12 février.

La violence était "l'ADN de cet établissement"

Le dossier comporte déjà plus de 100 plaintes pour des violences physiques et sexuelles commises à l'encontre des élèves de Notre-Dame de Bétharram, un collège-lycée catholique situé près de Pau, une affaire allant des années 1960 à 2010. A la suite de l'échange entre le maire de Pau et l'association de victimes de Bétharram, le porte-parole Alain Esquerre a salué un "jour historique" et "une immense victoire". Plus tôt dans la journée et dans la semaine, il répétait que "tout le monde savait". La violence constituait "l'ADN de cet établissement", avait-il expliqué à France 3 Nouvelle-Aquitaine. "C'est pour ça que nos parents, parfois, nous y mettaient ! Pour redresser soi-disant les enfants pas sages ! Le règne du silence, c'était, Bétharram."

Quelle est la teneur de cette plainte il y a presque 30 ans ? Un enfant a perdu 40% de son audition après une gifle infligée par un surveillant. Celui-ci a été condamné en 1996 à une amende de 5 000 francs avec sursis. Et l'affaire avait eu quelques retentissements médiatiques, au point qu'en mai de la même année, François Bayrou et Philippe Douste-Blazy, ministres respectifs à l'époque de l'Education nationale et de la Culture, avaient visité l'établissement. A l'occasion de la restauration de la chapelle, certes. Mais François Bayrou avait pris la défense du collège : "Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d'injustice. Ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le parent d'élèves qui parle, c'est le Béarnais."

Et de poursuivre : "Toutes les informations que le ministre pouvait demander, il les a demandées. Toutes les vérifications ont été favorables et positives. Le reste suit son cours", avait-il déclaré à l'époque à la presse, comme repris par Mediapart. Pour Alain Esquerre, "tout le monde a dysfonctionné. Et François Bayrou là-dedans n'a pas fait mieux que les autres." 

"Il s'y passait des choses graves"

S'il avoue maintenant avoir eu connaissance de cette affaire, François Bayrou n'a rien dit sur tous les chefs d'accusation, qui sont pourtant d'une grande gravité. Persiste-t-il à nier avoir eu connaissance de l'ensemble de l'affaire ? Auprès du Monde, il avait assuré que s'il était "au courant de ces affaires-là", s'il avait su qu'il s'y passait "des choses de cet ordre", il "n'aurai[t] pas scolarisé [ses] enfants dans [cet] établissement". 

Pourtant, de nombreux témoignages mènent à penser qu'il savait. Une ancienne professeure de mathématiques, François Gullung, a expliqué auprès du journal : "J'ai très précisément dit [à François Bayrou], dont une fois en face-à-face, qu'il était important d'aller se préoccuper de ce qu'il se passait à Bétharram parce qu'il s'y passait des choses graves", témoigne-t-elle, précisant qu'elle et l'infirmière de l'établissement ont aussi chacune envoyé des courriers, restés sans réponse.

Et qu'en est-il des violences sexuelles commises sur des élèves ? L'ancien directeur de l'institution Pierre Silviet-Carricart avait été mis en examen pour viol en 1998, une affaire relayée par tous les médias locaux et nationaux, insiste Le Monde. Et le juge d'instruction chargé de l'affaire, Christian Mirande, a affirmé en mars 2024 au journal avoir reçu une visite de François Bayrou à ce sujet. Ce que le Premier ministre nie encore aujourd'hui.