Tous les arguments des pro et des anti-dépénalisation du cannabis

Tous les arguments des pro et des anti-dépénalisation du cannabis Depuis la sortie de Vincent Peillon sur la dépénalisation du cannabis, la question est de nouveaux posée : quels sont les éventuels risques de la suppression des sanctions pour les consommateurs ?

Si les études scientifiques démontrent que la consommation de cannabis est dangereuse pour la santé - à l'instar de toutes les drogues -, beaucoup de questions demeurent quant aux dangers d'une dépénalisation de son usage. Concrètement, quels sont les risques ? En premier lieu, les opposants à la dépénalisation mettent en avant le mauvais signal qui serait envoyé aux consommateurs et notamment aux plus jeunes. Le risque serait ainsi de banaliser l'usage du cannabis en supprimant les sanctions pénales liées à sa consommation.

C'est sur ce principe que certains craignent que la dépénalisation n'entraîne une hausse de la consommation de ce stupéfiant. D'aucuns affirment même que les trafiquants profiteraient de la fin des sanctions pour élargir leur clientèle et démarcher plus facilement les plus jeunes. D'autre part, certains scientifiques évoquent la fascination de l'interdit des adolescents qui pourrait les pousser, si l'usage du cannabis entrait dans les moeurs, à tester d'autres produits plus forts et plus nocifs encore.

Hausse de la consommation : difficile de trancher

Aux Pays-Bas, où le cannabis est toléré depuis les années 1976, comme dans les pays qui l'ont dépénalisé au début des années 2000, de nombreuses enquêtes ont été menées sur la question, sans apporter de réponse tranchée. Si une hausse de la consommation peut être observée, elle est en partie imputable au tourisme qui s'est développé autour des coffee shops. Le risque d'une hausse "nette" de la consommation n'est donc pas tout à fait avéré. Mais les détracteurs de la dépénalisation trouvent ici un nouvel argument : autoriser la consommation et la vente encadrée de cannabis pourrait attirer les "touristes" de la fumette en France et développer un marché légal, mais peu recommendable.

A l'inverse, les partisans d'une dépénalisation du cannabis affirment que la répression n'a pas empêché la comsommation d'exploser. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, il y aurait aujourd'hui 3,8 millions de consommateurs de cannabis en France (ayant consommé au moins une fois dans l'année) dont 1,2 million de consommateurs réguliers (10 consommations dans le mois). 13,4 millions de personnes ont en outre déclaré avoir consommé au moins une fois du cannabis au cours de leur vie. Depuis le début des années 1990, toujours selon l'OFDT, l'expérimentation de cannabis a connu une hausse assez nette pour atteindre 24 % de la population en 2000 puis 29 % en 2005 et 33 % en 2011 parmi les 18-64 ans.

Risques pour la santé : toujours incontestables

Sur le fond, les études scientifiques s'accordent toutes en revanche sur le fait que le cannabis est un produit toxique, incontestablement nocif pour la santé. Un argument suffisant pour les partisans de l'interdiction totale. Dernièrement, un travail réalisé par des chercheurs néozélandais tendait à démontrer que la consommation de cannabis par les plus jeunes pouvait entraîner une diminution du QI de 8 points sur plusieurs années par rapport à un non-consommateur. En marge de la polémique Peillon, l'Académie nationale de médecine a redit son opposition à toute dépénalisation, les effets du cannabis étant "plus importants que l'on pensait il y a dix ans et en 1968". La concentration de plus en plus forte en substances actives dans le cannabis et les formes de consommations de plus en plus dures (pipes à eau notamment), pourraient, à terme, provoquer un ravage sanitaire selon la majorité des scientifiques.

Mais il existe aussi des partisans d'une consommation raisonnée du cannabis. Giovanni Marsicano, chercheur à l'Inserm de Bordeaux, pense que les effets néfastes de la drogue ne sont pas automatiques et proviennent de multiples facteurs. Il estime aussi que le cannabis n'est "pas nécessairement plus dangereux que l'alcool ou le tabac". Un argument massue utilisé par les consommateurs. L'overdose au cannabis n'existe pas selon lui et la substance peut même avoir des effets thérapeutiques dans le traitement de certaines maladies graves (le cannabis atténuerait par exemple les effets d'une chimiothérapie).

Coût ou bénéfice pour l'Etat ?

Cependant, dans leur grande majorité, les tenants de la dépénalisation ne remettent pas en cause la dangerosité du produit. Selon eux, la loi actuelle est inadaptée puisqu'elle punit un dommage accompli sur sa propre personne. "Si l'on pousse à l'extrême ce raisonnement, c'est un peu comme si l'on mettait en prison les personnes qui tentent de se suicider", rapportent des partisans d'un débat sur la question... D'autre part, ceux qui sont favorables à une dépénalisation invoquent la lutte contre le commerce souterrain qui s'organise en fonction des interdits pour les consommateurs.

En bref selon les pro-dépénalisation, il vaudrait mieux "contrôler" la consommation de cannabis, comme pour le tabac ou l'alcool, plutôt que l'interdire et finalement, laisser, de facto, un marché se développer sans surveillance. Enfin, en dépénalisant, l'Etat pourrait selon eux économiser jusqu'à 500 millions d'euros sur les politiques publiques de répression actuellement mises en place, voire instaurer une taxation (comme sur le tabac ou l'alcool) très rémunératrice pour les comptes publics... Un argument lui aussi battu en brèche par les "antis" : l'encadrement de la consommation serait intrinsèquement coûteux pour l'Etat et si la consommation explose, le coût pour la Sécu sera d'autant plus important dans les années à venir.

EN VIDEO : Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s'est déclaré contre la dépénalisation du cannabis :

"Ayrault sur le cannabis : "un grave problème de santé publique""