Michel Zecler : la vidéo du producteur tabassé interpelle Macron, une prise de parole prévue ?

Michel Zecler : la vidéo du producteur tabassé interpelle Macron, une prise de parole prévue ? L'affaire Michel Zecler, du nom de ce producteur passé à tabac par plusieurs policiers, est remontée au plus haut sommet de l'Etat. Emmanuel Macron a confié en privé avoir été "choqué" par les images.

[Mis à jour le 27 novembre 2020 à 15h58] Son témoignage, images à l'appui, a été visionné par plus de 10 millions de personnes et a provoqué une onde de choc, en pleine polémique liée à la loi sur la "sécurité globale" et dans un contexte plus général de défiance croissante envers la police. Michel Zecler, un producteur parisien, a été littéralement tabassé par quatre policiers, venus l'interpeller au sein même de son studio, dans des circonstances qu'une enquête doit très rapidement établir. Tout ceci seulement quelques jours après l'évacuation musclée - et ponctuées de violences - de migrants qui s'étaient regroupés place de la République, à Paris. 

Parmi ces millions de visionnages, on compte celui de plusieurs personnages publics, qui ne se sont pas privés pour faire part de leur émotion et de leur colère. Deux footballeurs stars, Kylian Mbappé et Antoine Griezmann, ont par exemple été de ceux-là. La séquence, révélée par le site Loopsider, est même arrivée aux yeux et aux oreilles d'Emmanuel Macron, qui a réagi en privé à ces images très violentes. Des proches du chef de l'Etat ont confié à plusieurs médias, dont France Info, qu'il avait été "très choqué". Ce dernier pourrait prendre la parole sur cette affaire et accorder une interview à un média pure player, comme Brut, indique encore France Info. Le locataire de l'Elysée pourrait ainsi s'adresser plus directement aux plus jeunes, avec un ton plus direct, pour évoquer entre autres choses les violences policières.

Le président de la République aurait en outre réclamé à Gérald Darmanin des "sanctions très claires" lors d'un entretien en tête à tête, alors que le ministre de l'Intérieur était ce jeudi soir au 20 heures de France 2 pour réagir justement à cette affaire. "Ces images sont inqualifiables, elles sont extrêmement choquantes", a-t-il tranché, annonçant avoir saisi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Et d'ajouter : "Dès que les faits seront établis par la justice (...) je demanderai la révocation de ces policiers, ils ont sali l'uniforme de la République".

Darmanin auditionné lundi par une commission des lois

Mais une phrase prononcée par Gérald Darmanin, toujours sur France 2, a résonné un peu plus que les autres. "Lorsqu'il y a des gens qui déconnent, ils doivent quitter l'uniforme de la République, ils doivent être sanctionnés, ils doivent quitter ce travail, ils doivent être punis par la justice", a déclaré le locataire de la place Beauvau. Outre l'aspect familier du propos, l'avocate de Michel Zecler condamne le fait que, selon elle, Gérald Darmanin n'ait pas pris la mesure de la gravité des événements. "Ils n'ont pas déconné. Je ne trouve pas cela suffisant. (...) Les policiers n'ont pas déconné, ils ont commis des infractions, en l'occurrence des violences. Ce sont des délinquants", a jugé maître Hafida El Ali ce vendredi matin sur RMC.

Sur France 2, Anne-Sophie Lapix a demandé à Gérald Darmanin s'il avait pensé à démissionner suite à ce regroupement rapproché d'affaires entachant l'image de la police. S'il n'a pas répondu à la question, le ministre sera tout de même bel et bien auditionné ce lundi par la commission des lois de l'Assemblée nationale "sur les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre ont eu recours à la force lors de différents événements survenus à Paris", faisait savoir jeudi la présidente de cette commission, Yaël Braun-Pivet.

La vidéo choc de l'affaire Michel Zecler

Tout est parti d'une vidéo, issue des caméras de surveillance des locaux du studio de Michel Zecler. Sur les images, publiées par le média Loopsider, on voit bien le passage à tabac en règle infligé au producteur par les policiers.

Michel Zecler, producteur de musique

Michel Zecler, 41 ans, est un producteur de musique reconnu dans le monde du rap. D'origine antillaise, cet homme a grandi en région parisienne, à Bagneux (Hauts-de-Seine). En 2006, il fonde le label Black Gold, devenu l'un des plus influents dans le hip-hop français, avec son associée, Valérie Atlan. Ensemble, ils collaborent avec des artistes accomplis comme Rohff, La Fouine, Passi... et organisent des événements musicaux d'ampleur. Black Gold a notamment produit "L'âge d'or du rap français", une série de concerts à travers toute la France retraçant l'histoire du rap de 1990 à 2000, avec en apothéose un concert exceptionnel à Bercy, à Paris. Interviewé par Cyril Hanouna ce jeudi sur C8, Michel Zecler a révélé avoir fait de la prison étant jeune.

Les policiers mis en cause

Si l'on voit trois policiers sur la vidéo, ce sont bel et bien quatre membres des forces de l'ordre qui ont été mis en cause dans l'affaire Michel Zecler. Le quatrième homme est arrivé en renfort et serait celui qui a lancé une bombe lacrymogène dans les locaux du studio de Michel Zecler. Tous ont été suspendus de leurs fonctions et Gérald Darmanin a demandé leur révocation. De son côté, le procureur de Paris Rémi Heitz a demandé à l'Inspection générale de la police nationale d'enquêter "le plus rapidement possible" sur cette affaire. Une enquête a été ouverte mardi pour "violences" et "faux en écriture publique" par l'IGPN, qui a placé les quatre policiers en garde à vue. Dès le lendemain des faits, dimanche 22 novembre, ils ont livré leur version des faits.

Dans le procès-verbal, consulté par l'AFP, ils estiment que Michel Zecler a refusé de se soumettre à une interpellation et aurait fait preuve de violences, tout en les attirant "de force", selon eux, dans son studio. "L'individu nous repousse à plusieurs reprises avec ses bras en tentant de nous porter des coups. (...) Dans la débâcle, l'homme a tenté à plusieurs reprises de se saisir de notre arme administrative (...). Nous recevons à plusieurs reprises des coups au niveau du visage émanant de l'individu", racontent les policiers, qui ont reconnu avoir porté des coups au producteur. "Ne parvenant pas à nous extraire de ce local, le gardien X, se saisit de sa matraque téléscopique et porte plusieurs coups au niveau du ventre, des jambes et des bras de l'homme", ont-ils concédé. La vidéo permet pourtant assez clairement de constater qu'aucune violence n'émane de Michel Zecler.