Face à la bronchiolite et la crise de l'hôpital, les enfants en danger ?

Face à la bronchiolite et la crise de l'hôpital, les enfants en danger ? Alors que l'épidémie de bronchiolite envoie des milliers d'enfants aux urgences, les services de pédiatrie souffrent encore de la crise de l'hôpital. Des difficultés non sans conséquence sur la prise en charge et la santé des enfants...

Manque de personnels, manque de moyens... et maintenant "tri des patients". La formule a été prononcée par une professionnelle de santé et traduit les difficultés des hôpitaux à faire face à l'épidémie de bronchiolite, n'en déplaise au ministre de la Santé François Braun qui a condamné le discours. "On est obligés de trier les enfants", a regretté la réanimatrice pédiatrique à l'hôpital Trousseau, Julie Starck sur RTL le 10 novembre. Une réalité décrite par d'autres médecins et le Collectif Pédiatrie créé en octobre 2022 pour alerter sur les conditions de prise en charge des jeunes patients dans les hôpitaux publics. L'épidémie de bronchiolite qui sévit en France, en particulier en Île-de-France, a ajouté à la peine des professionnels de santé.

Avec plus de 6 800 hospitalisations enregistrées en une semaine selon le dernier bilan de Santé publique France, les moyens et les forces dont disposent les équipes médicales pour la prise en charge des patients dont beaucoup sont âgés de moins de deux ans ne suffisent pas. Pire, selon le responsable du Smur pédiatrique de l'hôpital Necker, Laurent Dupic, cela affecte la qualité des soins. "Depuis trois semaines, on voit le système se déstructurer. Des enfants dans un état grave sont maintenus dans des endroits inadaptés. Des bébés sous masque en oxygène, qui devraient être en réanimation, restent en pédiatrie générale, aux urgences, parce qu'il n'y a plus de place", détaille-t-il dans les colonnes de Médiapart. Pour sa part la pédiatre Julie Starck décrit : "On fait des soins dégradés et on met [les enfants] en danger très clairement".

Après des transferts... des déprogrammations ?

Une solution a été trouvée pour pallier les difficultés ou la surcharge de certains établissements et assurer la prise en charge des patients : les transferts. En Île-de-France, plus d'une trentaine de transferts ont eu lieu vers d'autres hôpitaux du secteur et parfois d'autres régions depuis le mois d'octobre. Mais la manœuvre implique l'éloignement des patients de leur famille, point délicat lorsque des enfants de moins de deux ans sont admis à l'hôpital et lourd de conséquences lorsque les parents doivent suivre. Cette solution trouve également des limites avec une épidémie généralisée sur tout le territoire qui fait des lits des denrées rares dans de nombreux établissements de santé. Trouver une place peut parfois nécessiter plusieurs heures, un temps que le patients n'ont pas toujours et peut être à l'origine d'un drame. Le 2 novembre, deux nouveaux nés ont attendu pendant neuf heures d'être transférés dans un service de réanimation et l'un d'entre eux n'a pas survécu. Si l'enquête n'a pas encore confirmé que le délai de transfert était la cause du décès, il est évident qu'il y a participé.

Une nouvelle étape également prévue de la plan blanc des hôpitaux est la déprogrammation et elle est évoquée dans certains services comme le prouve le Collectif Pédiatrie dans un tweet. Des "reports" de patients ou d'examens sont envisagés pour faire face à l'urgence et la vague de bronchiolite mais au détriment de la santé d'autres enfants parfois atteints de problèmes aigu de santé ou de maladies chroniques qui attendent ou ont besoin de certaines opérations et autres examens médicaux.

Le tri obligé des malades de la bronchiolite

Alors que les difficultés techniques et le manque de lits dans les services de pédiatrie ont déjà poussé les professionnels de santé à augmenter le nombre de jeunes patients dans les couloirs des hôpitaux, l'afflux continuel et chargé de malades oblige désormais les professionnels de santé à trier et donc refuser ou repousser l'admission de patients, un sujet qui comme lors de la crise du covid-19 soulève des interrogations notamment morales : "À quel enfant donner la dernière place d'hospitalisation, lequel est prioritaire pour la dernière place de réanimation, quelle chirurgie sera annulée, quel soin sera reporté", questionnent les pédiatres auprès d'actuParis.

Les pédiatres sonnent l'alarme et exigent un débat

Après plusieurs mois passés à tirer sur la sonnette d'alarme et alors que les conditions de travail et surtout la prise en charge des patients se dégradent, les pédiatres exigent une réponse de l'Etat. Et une réponse autre que celle du ministre de la Santé qui juge "inadmissible" le tri des patients et menace d'ouvrir une enquête "si jamais de telles pratiques déviantes étaient avérées" selon ses confidences au Parisien. Le Collectif Pédiatrie a déjà adressé une lettre au président de la République signée par plus de 7000 professionnels de santé et demande désormais la tenue d'un débat public avec les autorités et le gouvernement le 20 novembre 2022, journée internationale des droit de l'enfant.