À la COP28, les lobbys pétroliers trop puissants ? Les enjeux pour la protection du climat

À la COP28, les lobbys pétroliers trop puissants ? Les enjeux pour la protection du climat La COP28 de Dubaï a pour objectif d'établir de nouvelles mesures climatiques entre le 30 novembre et le 12 décembre. Aux Émirats arabes unis, les lobbys du pétrole comptent bien faire partie des décisions.

Cette année, le rendez-vous mondial sur le climat se déroule à Dubaï (Émirats arabes unis) entre le 30 novembre et le 12 décembre. Scientifiques et associations ont appelé au boycott de la COP28 après avoir constaté que l'événement, qui a pour but de décider de nouvelles mesures climatiques, était complètement gangrené par les lobbys des énergies fossiles.

Cette conférence sur le climat, qui réunit les 198 pays ayant ratifié la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), doit être l'une des plus importantes depuis la signature de l'Accord de Paris en 2015. L'heure est à la prise de mesures par rapport à l'objectif de limiter la hausse de températures à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. "L'objectif de 1,5°C n'est pas mort, il est vivant. Nous avons le potentiel, les technologies, les capacités, et l'argent - l'argent est là, c'est juste une question de l'orienter dans la bonne direction" a encouragé le secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres. Et le représentant d'invoquer les scientifiques pour assurer que le but est encore atteignable "mais seulement par une action climatique spectaculaire et immédiate". La COP28 permettra-t-elle de prendre et de faire respecter ces mesures exigeantes ?

Très mauvais bilan depuis l'Accord de Paris

La COP28 doit établir un premier bilan mondial sur les résultats des politiques censées limiter le réchauffement climatique, huit ans après l'Accord de Paris. Et le moins que l'on puisse dire est que le bilan n'est pas bon. Alors qu'il est nécessaire de baisser de 43% les émissions de gaz à effet de serre, les politiques actuelles menées par les Etats signataires du CCNUCC ne permettent qu'une diminution évaluée à 2%. Résultat : en l'état la planète pourrait gagner 2,5°C à 2,9°C d'ici à 2100 selon le rapport annuel du Programme de l'Onu pour l'environnement (PNUE) remis avant chaque COP et publié le 20 novembre. Bien loin de l'objectif de 1,5°C donc. Le PNUE estime à seulement 14% les chances pour que le réchauffement n'excède pas cette limite.

Plus d'énergie renouvelable et fin des énergies fossiles

Les énergies fossiles que sont le charbon, le pétrole et le gaz sont à elles seules responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre comme le rapporte le ministère de la Transition écologique, leur remplacement est donc une mesure qui revient sur la table à chaque COP. Cette année, à Dubaï, le président de la COP28 veut mettre l'accent sur trois mesures : le triplement de la capacité des énergies renouvelables installées dans le monde, le doublement de l'amélioration de l'efficacité énergétique, soit le rendement et la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles. Si les deux premières ne devraient pas rencontrer de difficultés, la troisième pourrait donner lieu à plus de débats comme les années précédentes. Il y a deux ans, la COP26 de Glasgow avait seulement obtenu un consensus sur la réduction de l'utilisation du charbon.

Quid du pétrole et du gaz qui sont encore les principales sources d'énergies pour de nombreux pays ? Les Emirats arabes unis et d'autres acteurs de l'industrie pétrolière défendent le processus de captage et de stockage du carbone, une solution qui permettrait de pouvoir poursuivre les activités pétrolières et industrielles en réduisant les émissions grâce au stockage des gaz à effet de serrer émis dans un contenant souterrain. Problème, la technologie n'est pas encore au point et présente plusieurs failles. D'ailleurs de nombreux pays, dont ceux de l'Union européenne, s'opposent à la stratégie du stockage du CO² qui est accusée d'être une solution à la poursuite de l'utilisation des combustibles fossiles plutôt qu'une véritable solution alternative. Le Giec estime de son côté ce recours au captage nécessaire dans une petite proportion malgré le manque de maturité du projet.

Le sujet de l'énergie nucléaire doit aussi être mis sur la table, notamment pas le France qui en parallèle du triplement des capacités des énergies renouvelable veut proposer une triplement des capacités nucléaires dans le monde d'ici à 2050. La vision d'Emmanuel Macron sur le mix énergétique nucléaire et renouvelable en remplacement des énergies fossiles n'est pas nouvelle et le chef de l'Etat va essayer de l'imposer à la COP28.

Un fonds pour les "pertes et dommages" du réchauffement climatique

Le fonds censé compenser les "pertes et dommages" des pays les plus vulnérables aux catastrophes climatiques causées par le réchauffement des température a été créé lors de la COP27 en Egypte, mais il n'a toujours pas été mis en œuvre. La COP28 doit permettre de régler certaines questions sujettes aux débats : qui payera ? Qui en bénéficiera ? Où se trouvera le fonds ? C'est notamment le rôle des pays dits "en développement" selon l'ancienne nomenclature de l'ONU qui pose question : la Chine en tant qu'un des deux pays les plus pollueurs et puissance économique mondiale doit elle financer le fonds ou peut-elle en être exemptée par son statut ?

Un consensus sur toutes ces questions a été trouvé, début novembre, par le comité de transition réunissant 24 membres des pays du Nord et du Sud. Leurs recommandations doivent maintenant être présentées et adoptées à la COP28. L'accord porte "les modalités de création de ce fonds, la localisation, les pays récipiendaires, la base des donateurs" a précisé Stéphane Crouzat, l'ambassadeur climat par la France auprès de Franceinfo. Quant au financement du fonds, il "ne sera pas [assuré] que les pays dits développés, mais sera aussi ouvert à tous ceux qui peuvent le faire" a-t-il ajouté.

Lobbying des pétroliers ? La COP28 controversée

Si la COP28 est une des conférences pour les climat les plus importantes, elle est aussi l'une des plus controversée. La faute à son pays hôte et à son président : les Emirats arabes unis sont parmi les plus importants exploitants et exportateurs de pétrole, tandis que le président de la COP28, Sultan Al Jaber, est le PDG d'Adnoc, la principale compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis. Les liens étroits qui unissent l'homme d'affaires au secteur pétro gazier et à la COP23 soulèvent des questions, d'autant plus que l'homme a été accusé de "conflit d'intérêt" pour avoir profiter de son rôle de président pour conclure des marchés dans le secteur des énergies fossiles.

Au delà de la personnalité choisie pour présider la COP28, la place et le rôle accordés aux lobbys du pétrole inquiètent certains. Très présents lors de la COP27, ces lobbys sont accusés d'être responsables des mesures insuffisamment ambitieuses prises pour limiter le réchauffement climatique et de l'absence d'un accord sur la sortie des énergies fossiles. A ces critiques le Sultan Al Jaber a répondu que "tous les points de vue sont les bienvenus et tous les points de vue sont nécessaires" pour avancer sur la question du climat.