L'eau de votre commune est-elle contaminée par des polluants éternels ?
Les PFAS, molécules chimiques qui peuvent avoir un effet néfaste sur la santé, ont fait l'objet en France d'une proposition de loi débattue en 2024 visant à interdire l'utilisation de ces molécules dès 2025, sauf pour les usages essentiels et les ustensiles de cuisine. Cependant, l'étude de la proposition de loi a été interrompue depuis la dissolution. Ceci étant, à partir du 1er janvier 2026, les communes devront tester obligatoirement l'eau du robinet pour détecter la présence éventuelle de 20 PFAS, afin d'informer les habitants et d'agir en conséquence.
Appelés aussi "polluants éternels", les PFAS peuvent prospérer des dizaines d'années dans l'environnement et plusieurs années dans l'organisme. Elles se retrouvent, par exemple, dans les poêles à frire, les prothèses médicales, les emballages alimentaires ou encore certains pesticides et peuvent avoir des effets négatifs sur le cholestérol, le système immunitaire, voire avoir des propriétés cancérogènes.
La cellule d'investigation de Radio France, en partenariat avec France Bleu, a alors décidé d'analyser l'eau du robinet en France entre mi-avril et début juin 2024. 44 radios locales de France Bleu ont réalisé deux prélèvements en fonction de son bassin de population ainsi que des lieux de présence de PFAS déjà connus dans les travaux de l'Anses. Les prélèvements ont ensuite été analysés par le laboratoire Ianesco.
Dans 43% des 89 échantillons, des PFAS ont été détectés. 27 échantillons relèvent même de PFAS interdites ou classées cancérogènes. Cela représente une "augmentation du facteur de risque de 10 ou 20%", selon le professeur de toxicologie Robert Barouki, cité dans l'enquête. Cinq d'entre eux sont même placés à des niveaux préoccupants pour les villes d'Auxerre, Lille, Saint-Jean-de-Losne, Saint-Vit et Déols.
Par ailleurs, trois autres dépassent, pour leur part, la limite fixée en France (0,10 µg/L pour la somme de 20 PFAS). Cela concerne des prélèvements réalisés à Cognac (0,187 µg/L), Saint-Symphorien-d'Ozon (0,119 µg/L) et Martres-Tolosane (0,100 µg/L1). Ces contaminations s'expliquent notamment par la présence de certaines entreprises dans ces communes, utilisatrices de PFAS, qui se sont retrouvées rejeter dans l'eau. Il y en avait également dans les mousses anti-incendie, utilisée par les pompiers en intervention sur lesdites communes.
L'étude pointe aussi la présence de PFAS interdits, en faible quantité, dans les communes suivantes : Blainville sur Orne, Saint-Martin de l'If, Saint Maximin, Aubervilliers, Strasbourg, Ammerschwihr, Belfort, Luxeul-les-bains, Montargis, Olivet, Tours, Aizenay, Lezoux, Cournon d'Auvergne, Saint-Pierre de Boeuf, Bordeaux, Artix, Avignon, Beaucaire, Fabrègues, La Garde.
Un traitement difficile pour les communes
Une carte a également été réalisée, reprenant les 89 prélèvements d'eau du robinet avec les résultats et les molécules retrouvées dans les communes étudiées.

Cependant, la décontamination n'est pas évidente. Il faut pouvoir identifier le forage pollué, et pour les plus petites villes, cela signifie se raccorder à un réseau plus large. Il est aussi parfois nécessaire de changer le système de traitement de l'usine qui produit l'eau potable. "On estime que le coût annuel pour éliminer les PFAS de l'eau potable est de 238 milliards d'euros au niveau européen", rappelle Julie Lions, experte en hydrogéochimie. Cela demande donc aux collectivités de forts coûts de traitement, ce qui peut les obliger à augmenter la factures d'eau des habitants.