"Une église payante, c'est un musée" : le prix envisagé pour l'entrée à Notre-Dame de Paris critiqué, mais justifié

"Une église payante, c'est un musée" : le prix envisagé pour l'entrée à Notre-Dame de Paris critiqué, mais justifié La ministre de la Culture, Rachida Dati, a proposé de rendre payante l'entrée dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris, qui va rouvrir ses portes en décembre. Une proposition qui ne fait pas l'unanimité.

La cathédrale Notre-Dame va rouvrir ses portes le 8 décembre prochain après plus de cinq ans de fermeture, provoqués par l'incendie qui a dévasté l'édifice en 2019. Des réservations seront possibles sur le site internet pour gérer le flux de visiteurs. Elles devraient être ouvertes jusqu'à deux jours en avance pour un créneau fixé. En cas d'absence de réservation, il faudra faire la queue. Pour les messes, l'entrée sera libre, mais dans la limite des places disponibles. 

Cependant, l'accès à la cathédrale a, dans un premier temps, été annoncé comme restant gratuit, sauf pour pour la visite du Trésor, le musée situé à l'intérieur de l'édifice. La ministre de la culture, Rachida Dati, vient pourtant de proposer de faire payer l'entrée aux touristes. Dans son entretien au Figaro, elle assure que demander 5 euros pour visiter la cathédrale est une bonne idée et permettra de récolter "75 millions d'euros par an". Cet argent serait réinvesti dans le patrimoine religieux du pays : "Ainsi, Notre-Dame de Paris sauverait toutes les églises de Paris et de France. Ce serait un magnifique symbole", a-t-elle justifié. Ce tarif ne concernera pas les pratiquants assistant aux messes ou aux offices, mais sera imposé seulement pour les visites culturelles.

La ministre a tenu à rappeler qu'en Europe, l'accès aux "plus remarquables édifices religieux" était souvent payant. En Italie, en Grande-Bretagne ou encore en Espagne par exemple, c'est, en effet, le cas. Pour accéder au Duomo de Milan, à la Chapelle des Médicis à Florence, à la Sagrada Familia à Barcelone ou encore à l'abbaye de Westminster à Londres, il faut acheter un ticket. En France, les 45 000 églises catholiques ont un accès libre, hormis la Basilique Saint-Denis, considérée comme un site historique avec les tombeaux des rois de France.

Une dénaturation de l'édifice religieux ?

Cette mesure a reçu le soutien du ministre de l'Intérieur, mais aussi chargé des cultes, Bruno Retailleau, qui a assuré, sur France Inter, que c'est utile surtout si cela peut permettre de "sauver un patrimoine religieux auquel on peut être attaché, que l'on croit au ciel ou qu'on n'y croit pas, car tout simplement, c'est le paysage français". Emmanuel Macron avait rappelé en septembre 2023 que 5000 édifices religieux étaient dans un état qui pourrait mettre en danger leur pérennité et avaient donc besoin d'une intervention. 

Cette proposition pose cependant problème. D'abord d'un point de vue législatif, la loi de 1905 de séparation entre l'Eglise et l'Etat garantit que les visites des églises et cathédrales qui sont classées aux monuments historiques, comme Notre-Dame, "ne pourront donner lieu à aucune taxe, ni redevance".

Pour certains, faire payer l'entrée, c'est aussi dénaturer le patrimoine religieux. Pour Alexandre Gady, historien du patrimoine et membre de la commission nationale de l'architecture et du patrimoine, sur franceinfo, cette décision serait une "rupture philosophique", qui va à l'encontre de la "démocratisation culturelle", défendue par le ministère de la Culture depuis sa création. Selon l'historien, franchir ce pas serait comme faire d'une église "un musée", surtout que les musées eux-mêmes sont parfois gratuits. "En fait, on est dans une démarche d'une pensée comptable qui nous dévaste dans ce pays. Je crois qu'on cherche au mauvais endroit la source de cet argent", a-t-il déploré. Il rappelle que rendre l'entrée payante entrainera aussi une nouvelle mise en place avec l'installation de caisses, de personnel qui vérifie les billets, ce qui selon lui "est une idée qui est loin du patrimoine".