Qui était Marc Bloch qu'Emmanuel Macron veut faire entrer au Panthéon ?
"Pour son œuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que Marc Bloch entrera au Panthéon." À l'occasion du 80e anniversaire de la Libération de Strasbourg, Emmanuel Macron a annoncé dans un discours samedi 23 novembre 2024 la panthéonisation de cet "homme des Lumières dans l'armée des ombres". Qui était-il ?
Résistant et historien, Marc Bloch a été assassiné par la Gestapo en 1944 près de Lyon. Mais son courage et sa mort ne sont pas les seules raisons motivant son entrée au Panthéon. Il était considéré comme "le fondateur de l'histoire des mentalités, des croyances, des façons de pensée", explique au Parisien l'historien Julien Théry. Ses méthodes, considérées comme pionnières, approchent l'histoire d'une manière nouvelle, qui s'intéresse "aux profondeurs de la société".
Né dans une famille juive non pratiquante en 1886 à Lyon, Marc Bloch est issu d'un père professeur d'histoire à l'université de Lyon et à l'École normale supérieure, relate Le Parisien. Un héritage familial et un parcours scolaire exemplaire qui l'amènent sur le même chemin. Il intègre l'ENS en 1904, et obtient son agrégation d'histoire quatre ans plus tard.
"Le plus atroce effondrement de notre histoire"
S'il débute sa carrière de professeur d'histoire à son tour, elle est rapidement mise en pause en 1914. Il est mobilisé en tant que sergent d'infanterie, et deviendra au fil des années de guerre capitaine. Il est décoré de la Légion d'honneur et de la Croix de Guerre. À la fin de la guerre, il reprend l'enseignement, et est nommé "chargé de cours d'histoire du Moyen Âge à la Faculté des Lettres de l'université de Strasbourg, puis obtient la chaire d'histoire du Moyen Âge en 1927", selon l'établissement. En 1929, après sa rencontre avec Lucien Febvre, les deux hommes lancent la revue des Annales d'histoire économique et sociale, considérée comme le fer de lance de l'école historiographique française, et à résonance mondiale.
En 1939, alors qu'il est âgé de 53 ans, a six enfants, et souffre de polyarthrite invalidante, Marc Bloch demande à s'enrôler dans l'armée française. La défaite en juin 1940 et les années qui suivirent sont pour lui "le plus atroce effondrement de notre histoire", a-t-il écrit dans L'étrange défaite, ouvrage publié posthume. Lorsque l'Allemagne envahit la zone libre, lui et sa famille se réfugient dans la Creuse. Puis il entre dans la Résistance en 1943, notamment à Lyon, où il intègre le mouvement Franc-Tireur. Il opère sous les pseudonymes "Chevreuse", "Arpajon" et "Narbonne". Mais le 8 mars 1944, il est arrêté, emprisonné et torturé à la prison de Montluc. Il est fusillé le soir du 16 juin 1944, dans le dos, avec 29 camarades.
En mémoire de leur aïeul, la famille de Marc Bloch a demandé au président de la République que la cérémonie de panthéonisation soit faite sans la participation de l'extrême droite. "L'œuvre de ce patriote convaincu est profondément antinationaliste, construite contre le roman national et la réduction de l'histoire française aux frontières nationales", écrivent dans une lettre à Emmanuel Macron sa petite-fille Suzette Bloch et son arrière-petit-fils Matis Bloch, au nom des ayants droit. La cérémonie devrait avoir lieu avant la fin du quinquennat du président.