Yasmina Barin (Syz&Co) "La reprise ne se profile pas encore"

Rien ne permet d'anticiper, pour le moment, une stabilisation ou une reprise des marchés financiers. Yasmina Barin, analyste et gérante de fonds chez Syz&Co explique pourquoi il vaut mieux rester prudent.

Depuis le 1er janvier, les marchés financiers s'affichent en baisse. Toutes les tentatives de reprises ont échoués. A Paris, le Cac 40 signe un repli de presque 20% depuis le 1er janvier, confirmant une nette accélération de la baisse depuis fin décembre. D'ici le mois de mai, trop d'incertitudes entourent encore les marchés pour espérer une reprise. Il faut dire que la crise liée au crédit immobilier aux Etats-Unis et leur titrisation à outrance, notamment les subprimes (lire notre explication), point de départ de la baisse des marchés, ne devrait pas s'achever avant la fin de l'année.

yasminabarin
Yasmina Barin, analyste et gérante de fonds chez Syz and Co © Banque Syz and Co

 Quelle analyse portez- vous sur l'évolution des marchés financiers sur le mois de mars ?
Un regain d'optimisme avait permis au marché de reprendre des couleurs sur fonds d'injection de liquidité de la Banque centrale américaine (FED) pour près de 200 milliards de dollars. Mais les mésaventures de Carlyle Corporation ainsi que la "faillite" de Bear Stearns ont rappelé l'ampleur de la crise financière et fait sombrer l'ensemble des marchés financiers. Le sauvetage d'urgence de la cinquième banque d'affaires américaine orchestrée par JP Morgan avec l'aide de la Fed a fait redouter que de nouvelles victimes viennent s'ajouter à la liste. Affectées par ces nouvelles financières peu réjouissantes, les places boursières mondiales ont repris leur tendance baissière. La stabilisation des marchés n'aura pas duré longtemps. Pourtant, les chiffres des banques américaines rassurent par leur solidité, comme c'est le cas pour Lehman Brothers ou Goldman Sachs.

 Est-ce suffisant pour redonner confiance aux investisseurs ?
Bien que les résultats de Lehman Brothers et Goldman Sachs soient meilleurs qu'attendus et qu'aucune de ces deux banques ne souffre de problèmes de liquidité, ces annonces ne résolvent pas toutes les appréhensions des investisseurs : ralentissement économique, bulle probable dans le secteur des commodities, etc. Cependant, cela devrait réduire les craintes et permettre aux marchés de voir la volatilité diminuer en raison d'une plus grande sérénité.

S'il est sans doute bien trop tard pour vendre, les points d'interrogation sont encore trop nombreux pour investir en actions de manière agressive.

 A quand la fin de la crise ?
La sortie de la crise passera d'abord par une stabilisation du marché de l'immobilier américain tant en ce qui concerne les mises en chantier que, et surtout, les prix. La crise est partie de là, le rebond se réalisera sur cette question. Cela permettra alors de stabiliser la valeur au bilan des produits financiers qui y sont liés et donc de rassurer les investisseurs. Mais, nous ne nous attendons pas à une telle consolidation avant 5 à 6 mois, comme le démontre les chiffres sur l'immobilier américain en février. Quant à l'économie américaine, c'est également dans le courant de l'été qu'elle devrait commencer à profiter de la baisse des taux de la Fed. Ces dernières ont débuté en septembre mais c'est à partir de février qu'elles ont été les plus fortes. Il faudra entre 6 et 9 mois pour en voir les effets. En parallèle, le plan de l'administration Bush vise à injecter plus de 150 milliards de dollars dans l'économie.

 Est-ce le moment pour acheter sur les marchés financiers ?
C'est trop tôt pour le dire. Alors que la crise de confiance approche de son apogée, un certain nombre de facteurs tels que la faiblesse du dollar et l'envol du prix des matières premières, continuent de peser sur la profitabilité des sociétés européennes et asiatiques. Outre le ralentissement américain visible seulement depuis janvier, ces dernières seront impactées par un repli de 20 % du dollar depuis un an, dévorant ainsi toute la croissance en monnaies locales comme nous pourrons le vérifier d'ici la fin avril. Les effets de change négatifs pourraient ne pas être compensés par une hausse du chiffre d'affaires, plus faible que les années précédentes en raison du ralentissement économique. Les résultats des sociétés en avril/mai seront donc plein de pièges à éviter. S'il est sans doute bien trop tard pour vendre, les points d'interrogation sont encore trop nombreux pour investir en actions de manière agressive.