La prime sur dividendes est-elle pérenne ?

La prime sur dividendes est-elle pérenne ? Destinée à améliorer la répartition des gains au sein d'une entreprise entre actionnaires et salariés, la prime sur les dividendes déçoit. La manière dont est déterminé le montant et les perspectives économiques laissent planer un doute sur la pérennité de cette mesure.

Rappelez-vous, en juillet dernier, le Parlement adoptait la prime sur les dividendes afin d'améliorer le partage des profits dans une entreprise. Cette mesure avait été à l'époque intensément débattue et contestée aussi bien au sein de l'opposition que par le Mouvement des entreprises de France (Medef). Sa mise en application a été effective dès 2011 avec un accord à conclure avant le 31 octobre, et cela se reproduira chaque année.

Compte tenu de la situation économique, les entreprises sont réticentes à verser cette prime

La prime sur dividendes n'est obligatoire que pour les entreprises ayant plus de cinquante salariés à la condition que les dividendes versés aux actionnaires soient supérieurs à la moyenne des deux exercices précédents. Or, compte tenu du contexte économique depuis 2008, de nombreuses entreprises peinent à dégager des dividendes ou sont réticentes à les distribuer. Seules les entreprises cotées ont fait un effort pour choyer leurs actionnaires et pour rendre la détention de titres attractive.

L'entreprise a le dernier mot sur le montant accordé

2011 n'échappe à ce constat et cela risque de durer pour plusieurs années puisque les perspectives de croissance sont pessimistes, réduisant d'autant les perspectives de bénéfices à la hausse. Guettez tout de même les annonces faites par votre société, elle peut ne pas subir l'impact de la crise. Et si elle envisage d'adopter une politique marquée de distribution de dividendes, vous êtes sans doute mieux placé qu'un salarié d'une entreprise non cotée. Elle peut ne rien promettre en ce sens, d'autant que la loi est construite de telle sorte que l'entreprise verse au final le montant qu'elle souhaite.

Le montant de la prime s'avère un vrai écueil. Selon les calculs du gouvernement, cet avantage d'abord appelé "prime de 1 000 euros", devait s'établir en moyenne à 700 euros. Mais si le dispositif prévoit une obligation de négociation du montant avec les représentants du personnel, en cas d'échec, c'est au chef d'entreprise que revient la décision finale et aucun montant plancher n'est prévu par les textes. Au final, le montant de la prime sur les dividendes versés en 2010 se situe bien en deçà des projections faites. Concrètement, dans de nombreuses sociétés, les négociations entre les dirigeants et les syndicats n'ont pas donné satisfaction et ont débouché sur la détermination d'un montant plutôt décevant.

La mesure pourrait au final se révéler contre-productive pour les salariés et les entreprises

Selon une enquête du cabinet Towers Watson effectuée auprès de 128 entreprises, le montant moyen proposé aux salariés se situerait autour de 200 euros. Dans certaines sociétés, le montant proposé est même dérisoire. Les salariés de Sécuritas se sont par exemple vus proposer une somme de 3,50 euros par salarié... Par chance, la loi a prévu que le montant de la prime versée aux salariés soit exonéré de cotisations sociales et patronales (hors CSG-CRDS) dans la limite de 1 200 euros par an et par salarié. Une aubaine !

Les modalités de versement

Quant à la forme du versement, on remarque une certaine souplesse puisque ce dernier peut être effectué en euros mais peut également prendre la forme d'un avantage financier comme l'intéressement ou l'octroi d'actions gratuites. Par ailleurs, la prime concerne l'ensemble des salariés pourvu qu'ils soient dans l'entreprise depuis au moins trois mois. Le montant de la prime peut également varier selon le niveau de salaire de chaque salarié.

Au final, cette mesure qui pouvait laisser espérer un meilleur partage du profit pourrait au contraire tendre le climat social au sein des entreprises françaises. En l'état actuel de la loi, il semble peu probable que cette prime atteigne son but. 2011 fut la première année d'application, on peut estimer que cela était assez avantageux pour les salariés. Dès l'année prochaine, les entreprises auront su anticiper et adapter leur politique de versement de dividendes. Outre l'impact du ralentissement économique, il y a fort à parier que les montants de cette prime seront plus faibles et que les entreprises qui l'accorderont seront moins nombreuses.

Pour que la prime sur les dividendes puisse fonctionner les années futures dans l'esprit de la loi et satisfaire les salariés, la solution serait probablement d'y apporter des modifications. Par exemple : fixer un montant minimum basé sur le volume de bénéfices dégagés, et au moins accorder un poids plus important aux partenaires sociaux dans la négociation.