"Je gagnais 10 centimes de moins que mon collègue, j'ai reçu 3000 euros de compensation"
Un salarié a obtenu gain de cause pour un modique écart de salaire.
"Et toi, tu gagnes combien ?" C'est un sujet objet de beaucoup de fantasmes : le salaire dans les entreprises. Les rémunérations des employés ne sont pas publiques et font l'objet d'une négociation individuelle, sur la base d'une grille générale. Des disparités existent donc, tant sur la rémunération mensuelle que sur les primes. Si certains sont pudiques sur la question, d'autres n'hésitent pas à en parler ouvertement.
Epineuse question, celle des salaires suit tout de même un principe posé il y a 30 ans : "À travail égal, salaire égal." Gare aux entreprises qui ne l'appliquent pas : cela peut leur coûter cher si un employé engage des poursuites. Une société l'a appris à ses dépends récemment, ayant été condamnée à verser 3000 euros de dommages et intérêts à un salarié qui touchait une prime de… 10 centimes de moins que son collègue sur le même poste.
L'affaire débute en 2016 mais la décision finale n'a été rendue qu'il y a quelques mois. A l'époque, Thierry (prénom d'emprunt), travailleur handicapé depuis 1998, vient de se faire licencier par la papeterie Clairefontaine. Engagé depuis 2004, il est aide bobineur, un poste rattaché au secteur de l'impression. Viré pour faute en septembre 2016, il attaque son ex-employeur devant le conseil des prud'hommes. L'affaire se poursuit en appel puis devant la cassation.
Pour contrer la justification du licenciement énoncée par l'entreprise, Thierry reproche une discrimination salariale de la part de son employeur : 10 centimes en moins, par heure, sur une prime, par rapport à un collègue occupant la même fonction.
Après étude du dossier, la Cour de cassation a établi que les deux personnes effectuaient exactement le même travail et que la différence de prime correspondait donc à une discrimination, présumée être en raison de son handicap. Comme l'employeur n'a pas démontré que cette différence était justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination en raison du handicap, il a ainsi été condamné, le 14 février 2024, à verser 3000 euros de dommages et intérêts.
Une décision qui intervient dans un contexte où la question du salaire tend à ne plus être tabou puisque, à compter de 2026, la loi européenne va imposer aux entreprises de plus de 100 salariés d'établir des rapports sur les niveaux de salaires par sexe et catégories de travailleurs. Une nouveauté dans la vie d'entreprise qui vise à réduire les écarts de rémunérations.