Procès de Christophe Ruggia : après la colère d'Adèle Haenel, la prison ferme requise
Christophe Ruggia ne sera pas fixé sur son sort avant le 3 février prochain. Le parquet a requis cinq ans de prison, dont trois avec sursis, ce mardi contre le réalisateur accusé par Adèle Haenel d'agressions sexuelles sur mineure.
Le procès de Christophe Ruggia, réalisateur connu pour les films Les Diables et Dans la tourmente, s'est tenu ces lundi 9 et mardi 10 décembre au tribunal correctionnel de Paris. Le cinéaste de 59 ans était accusé d'"agressions sexuelles sur mineure par personne ayant autorité" par l'actrice Adèle Haenel. Les faits se seraient déroulés de septembre 2001 à février 2004, après le tournage du film Les Diables (sorti en 2002 et qui met en scène un amour incestueux entre un frère et sa sœur tous deux orphelins), alors qu'elle avait entre 12 et 14 ans.
Ce mardi 10 décembre, le parquet a requis la condamnation du cinéaste à 5 ans de prison, dont 3 ans assortis d'un sursis probatoire durant deux ans avec l'obligation d'indemniser Adèle Haenel. Il requiert également l'aménagement de la partie ferme (deux ans) sous bracelet électronique. La procureure a également requis une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles, ainsi qu'une interdiction d'entrer en contact avec la plaignante. La décision sera rendue le 3 février 2025, a fait savoir le tribunal.
"Mais ferme ta gueule !"
Lors de cette seconde journée d'audience en début d'après-midi, Adèle Haenel s'est de nouveau exprimée sur l'affaire : "Monsieur Ruggia, il est là parce que agresser une enfant ça a des conséquences personne n’a aidé cette enfant". Elle s'est ensuite emportée contre le réalisateur appelé à la barre, selon les informations de l'AFP. Alors que ce dernier assurait avoir tenté de protéger l'actrice dans ses débuts au cinéma, elle s'est écriée : "Mais ferme ta gueule !" Elle s'est ensuite levée avant de quitter la salle d'audience. Elle y est retournée au bout d'une demi-heure.
"Je veux qu'on rende justice à cette enfant, qui s’en est sortie toute seule"
La veille, Adèle Haenel avait retracé les après-midis passés chez le réalisateur, décrivant des attouchements. "Il me dit qu'il est amoureux, que je suis une adulte dans un corps d'enfant", expliquait-elle, comme rapporté par la journaliste de Elle, Cécile Ollivier, sur X. Accusant le réalisateur, qui nie les faits, d'être un "gros menteur", elle avait également partagé sa "honte" et le "dégoût" qu'elle ressent. "Je veux qu'on rende justice à cette enfant, qui s’en est sortie toute seule", avait-elle indiqué, précisant être déjà "fière d'avoir tenu jusque-là dans cette procédure douloureuse". Christophe Ruggia, qui bénéficie de la présomption d'innocence, a nié les faits qui lui sont reprochés et évoqué une "vengeance" de la part de la comédienne, qui serait selon lui déçue qu'il n'y ait pas eu de second film : "Il fallait un Me Too en France, et manque de bol, ça tombe sur moi." Il encourt dix ans de prison et 15 000 euros d'amende.
"On dirait un couple, c'est pas normal"
Cette affaire est considérée comme le commencement d'un #MeToo à la française dans le cinéma, puisque l'actrice a dénoncé les abus du réalisateur en 2019, d'abord dans Médiapart avant de porter plainte. Dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel évoqué par l'AFP, il est dit qu'Adèle Haenel a dénoncé de "manière circonstanciée, constante et précise plusieurs épisodes d'attouchements de nature sexuelle sur son sexe et sa poitrine tout en fournissant des détails sur le déroulement des faits, leur caractère systémique lors de visites au domicile de Christophe Ruggia, la configuration des lieux, leurs positons respectives et le mode opératoire". Il y est également décrit "l'état de sidération" de la comédienne au moment des faits par la magistrate ainsi que "les répercussions psychologiques" des agressions dénoncées, qui ont été confiées à des proches "au fil des années".
Plusieurs professionnels ont également décrit leur "malaise" face aux conditions de travail imposées aux enfants, mais surtout le comportement "envahissant", "déplacé" du réalisateur sur le plateau de tournage. "Cela va pas, on dirait un couple c'est pas normal", s'était dit une scripte. L'ordonnance de renvoi consultée par l'AFP précise également que "l'absence de consentement", donc "la contrainte", est caractérisée par l'âge d'Adèle Haenel au moment des faits et "l'importante différence d'âge entre les deux protagonistes".
23:08 - La personnalité de Christophe Ruggia passée au crible
La personnalité du réalisateur a également été étudiée ce mardi. Christophe Ruggia possède un casier judiciaire vierge à ce jour. Dépourvu de troubles psychiatriques ou neurologiques, il aurait une personnalité "grégaire, affirmée", selon l'expert, dont la journaliste Cécile Ollivier rapporte les propos sur X, mais aurait également des "difficultés à considérer le point de vue d'autrui". Sous contrôle judiciaire depuis le 16 janvier 2020, Christophe Ruggia sera fixé sur son sort le 3 février prochain.
22:07 - Les confessions de Christophe Ruggia à Mona Achache
Lors de cette seconde journée de procès, l'ex-compagne du réalisateur, Mona Achache, a notamment pris la parole, évoquant entre autres des semi-aveux de Christophe Ruggia au sujet d'Adèle Haenel. Selon la réalisatrice, son ex-compagnon lui aurait un jour expliqué, sur le pas de la porte de leur salle de bain : "Il y a eu un truc une fois. Une main sur son sein par inadvertance. Elle [Adèle Haenel ndlr.] a eu très peur, et moi aussi", lui aurait-il avoué. Un témoignage qui corrobore les propos rapportés par Adèle Haenel. "Tant qu’Adèle Haenel ne disait rien je ne voulais pas en parler", s'est par ailleurs justifiée Mona Achache.
21:02 - La "défense improbable" de Christophe Ruggia dénoncée par la procureure
Avant d'annoncer les réquisitions, ce mardi en fin de journée, la procureure, Camille Poch, avait estimé que "cette audience [devait] rappeler l'interdit, qui était l'adulte, qui était l'enfant" et de manière générale, "remettre le monde à l'endroit". Très vite, la procureure s'était dite convaincue de la réalité des agressions dénoncées, soulignant la "constan[c]e" des descriptions d'Adèle Haenel qui en a parlé "dès 2006" à son entourage. Dans la foulée, Camille Poch avait également déploré la "défense improbable" de Christophe Ruggia face aux accusations. Selon elle, le réalisateur "a fait le choix d'agresser sexuellement. Il avait toute sa conscience d'homme, d'adulte pour agir autrement".
20:04 - Ces différents éléments à prendre en compte pour déterminer la "juste peine"
Au moment des réquisitions, la procureure a expliqué que pour pouvoir déterminer la "juste peine", plusieurs éléments allaient devoir être pris en compte comme le fait que les faits évoqués remontent à vingt ans, mais aussi que l'accusé ne les a pas reconnus. "Leur gravité, leur récurrence, le nombre répété" pèsera également dans la balance, tout comme le fait que les agressions n'aient pris fin "qu'à l'initiative de la plaignante".
19:03 - La décision rendue le 3 février 2025
Christophe Ruggia échappera-t-il à la prison ferme ? Le verdict ne sera en tout cas pas rendu ce mardi soir. L’affaire est mise en délibéré. La décision de justice ne sera pas connue avant le lundi 3 février 2025, 13h30, a fait savoir le tribunal ce mardi.
16:29 - Le parquet requiert 5 ans de prison, dont deux fermes
Le parquet a rendu ses réquisitions : il requiert cinq ans de prison contre Christophe Ruggia, dont trois ans assortis d'un sursis probatoire, avec l'obligation d'indemniser l'actrice. Pour ce qui est de la partie ferme, le parquet requiert un aménagement sous bracelet électronique. La procureure a également demandé l'interdiction pour le réalisateur d'entrer en contact avec Adèle Haene et d'exercer une profession en lien avec des mineurs pendant dix ans, ainsi que son inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles.
15:30 - Adèle Haenel a quitté la salle d'audience
La seconde journée du procès de Christophe Ruggia s'est ouverte ce mardi 10 décembre, avec l'audition d'autres témoins. Le réalisateur a été rappelé à la barre en début d'après-midi. Mais alors que le cinéaste assurait à la barre avoir tenté de protéger la plaignante lors de ses débuts dans le cinéma, Adèle Haenel s'est soudain levée, a hurlé "mais ferme ta gueule !" avant de quitter la salel d'audience.