Un Prince à la Cigale

Johann LIARD

Un Prince à la Cigale Prince a donné deux concerts événements au Grand Palais, mais aussi un show plus intimiste dans la superbe salle de La Cigale. L'Internaute Magazine y était.

 

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Prince © Because Music

"Prince à la Cigale ? Ah bon, mais... vous êtes sûrs ?"

Pour le microcosme musico-parisien, cette rumeur a fait l'effet d'une bombe. Prince, l'une des plus grandes stars pop du XXe siècle, après ses deux concerts surprises au Grand Palais, pourrait investir la mythique scène de la Cigale ? Incroyable. Pas possible. Inimaginable. A peine le temps de se remettre de la rumeur que l'information prend corps, se confirme... et que tout à coup, la chasse aux billets est lancée. Finie la stupeur, place à la bataille. C'est que le combat risque d'être sanglant, voyez-vous. 1 430 places, pas une de plus. Soit bien moins que le nombre de personnes faisant partie du microcosme en question.

C'est là que moi, j'entre en scène. Au milieu de la bataille, un billet s'envole, atterrit dans mes mains. Pourquoi pas, après tout. J'aime les tubes de Prince du début des années 90, amateur des chansons Diamonds and Pearls et When Doves Cry, sans pour autant maîtriser le répertoire de l'artiste. D'ailleurs, j'ai toujours l'image ancienne d'une diva un peu prétentieuse.

Donc tout en sachant pertinemment le cadeau qui m'ait fait, l'engouement n'est toutefois pas au maximum. Et il redescend même franchement une fois arrivé devant la Cigale. Car même si j'ai le sésame, il faut rentrer dans la salle. Et au vu de la meute de fans, invités, people (Sinclair, Jean-Michel Jarre, Elie Semoun, Melvil Poupaud, Arielle Dombasle...) et autres " happy few " faisant le pied de grue pour voir le génial inventeur de la Batdance, je sens venir en moi une pointe de découragement. Mais bon, l'idée de voir une icône sur scène reprend finalement le dessus... et au bout d'une lutte acharnée pour entrer, je m'installe debout dans la  fosse, loin de ses sièges rouges trop confortables, qui n'invitent pas à l'ambiance électrique que promet la soirée.

Car oui, la Cigale est magique : ou que l'on soit placé dans cette salle splendide, on est tout près de la scène. Et pour la première fois de la soirée, l'excitation pointe le bout de son nez. En fait, j'ai très envie de le voir, là, maintenant. Pas pour dire " j'y étais " (bon, un peu), mais pour le voir. Qu'il me surprenne autant que son public, qui est déjà en train de me surprendre. Car on y trouve des trentenaires, quarantenaires plutôt sympathiques, très connaisseurs de l'artiste et prêts à se déhancher jusqu'au bout de la nuit si nécessaire. Enfin, le buzz autour du concert est excellent, puisque les deux précédentes manifestations de l'artiste au Grand Palais le jour précédent ont été particulièrement bien accueillies.

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Prince © Because Music

Puis tout à coup, 22 heures. Les premières notes de Ol' Skool Company, qui figure dans son dernier album Lotusflow3r, se font entendre. Et quelques secondes plus tard, l'artiste accompagné de ses musiciens entre en scène, glamour toujours avec son chapeau et sa guitare. De Prince, j'avais retenu un artiste plutôt pop : force est de constater que son univers musical est au contraire fortement teinté de funk et de rock. Sa maîtrise de la guitare électrique est absolument stupéfiante, sa présence scénique ne l'est pas moins. Il délivre les prestations en réglant lui-même les lumières, demandant au light jockey de créer des ambiances lumineuses collant au mieux au groove de ses interprétations. Univers sexy pour Turn Me Loose ? Les teintes seront rouges, tandis que l'artiste sera plongé dans le noir. Ambiance électrique en revanche pour l'hommage à Michael Jackson, un exercice de style devenu récurrent chez les artistes, et pour lequel Prince reprend avec brio I Want You Back des Jackson 5. C'est d'ailleurs une des particularités de ce show : des reprises à la sauce Prince de grand standard de la funk et du rock, comme Come Together des Beatles ou Singles Ladies de Beyoncé. Quant au nouveau single de Prince Dance 4 Me, il trouve toute sa dimension sexuelle sur scène. Une réussite qu'il partage avec ses excellents musiciens et ses choristes incroyables, qui ont de l'énergie à revendre.

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Lotusflow3r © Because Music


Et peut-être ce qui fut le plus beau cadeau de Prince au public de cette soirée exceptionnelle, c'est que l'artiste est visiblement heureux d'être sur cette scène. Dans les chansons d'abord, qu'il déroule avec une facilité déconcertante : Stratus, Girl, Peach, Sexy Dancer... Dans les attitudes ensuite  : on ne l'aura jamais vu autant sourire, autant s'amuser avec ce public qui en réclame toujours plus. Au point que Prince cédera une première fois aux rappels assourdissants de l'audience... puis une deuxième... une troisième... Et finalement le tour de chant s'arrêtera au bout de trois heures, lors du cinquième rappel, et pour lequel Prince offre à ses fans Purple Rain, la chanson la plus connue de son répertoire de la soirée. Car en effet si les concerts au Grand Palais étaient plus accessibles, l'artiste ayant entonné ses tubes les plus célèbres (Cream, Kiss...), ce concert à La Cigale était clairement réservé aux connaisseurs et aux amateurs de funk / rock. Qui ont d'ailleurs visiblement adoré le concert : les fans présents n'hésitent pas à dire que cette prestation est tout simplement la meilleure de la carrière de Prince.

Et moi, pour ma part ? Au-delà d'avoir rencontré une légende, j'ai été surpris de constater que j'avais surtout vu le concert d'un excellent musicien. Pas seulement interprète, comme pouvaient l'être ses rivaux de la fin des années 80 comme Michael Jackson ou Madonna. Mais vraiment un guitariste hors pair, capable de jouer de l'instrument avec une sensualité débordante. Le grand retour du Prince semble, enfin, en très bonne voie. Peut-être même qu'un jour, c'est lui qu'on appellera le King.

 Regardez la vidéo "Chocolate Box", extrait de son dernier album
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