Les enfants bientôt tous pesés en CE2 ? Une "mesure gadget et un risque" selon ce pédiatre

Les enfants bientôt tous pesés en CE2 ? Une "mesure gadget et un risque" selon ce pédiatre Pour lutter contre le surpoids et l'obésité qui touchent de plus en plus d'enfants, des députés ont notamment proposé de peser tous les élèves de CE2.

A peine lancée, une proposition pour lutter contre un réel fléau est déjà controversée. Les députés Frédérique Meunier et Christophe Proença ont proposé à l'Assemblée nationale le 19 mars 2025 plusieurs mesures "sur l'activité sportive et la prévention de l'obésité en milieu scolaire". L'une d'elle fait déjà débat : il s'agit "d'instaurer chaque année une mesure-pesée de tous les élèves de CE2 par un infirmier scolaire". 

Pour les députés, cette mesure permettrait de "mieux évaluer et suivre le surpoids et l'obésité" chez les enfants, puisque les dernières données nationales sur le sujet "datent de près de dix ans". Cela permettrait aussi "d'enclencher une visite médicale pour ceux qui sont en surpoids ou en situation d'obésité", estiment les rapporteurs du texte.

Mais pour le Dr Emmanuel Delmas, pédiatre urgentiste à l'hôpital Robert-Debré (Paris) et auteur de Mon enfant est encore malade, il s'agit d'une "mesure gadget. Je ne suis pas convaincu de l'intérêt, je ne suis pas sûr que ça va changer quelque chose". Les enfants de cet âge ont déjà des consultations médicales fréquentes, au cours desquelles ils sont déjà pesés. Le Dr Delmas rappelle qu'il "est très très rare qu'un enfant n'ait pas été au moins vu au moins une fois par un médecin entre 7 et 9 ans". 

Selon lui, cette mesure ferait "perdre du temps aux infirmières scolaires qui ne sont pas assez nombreuses". Le pédiatre s'inquiète également du "risque de stigmatisation et d'harcèlement scolaire" qu'une telle mesure provoquerait. Avec les conséquences que cela peut avoir : le Dr Delmas voit fréquemment à l'hôpital des "enfants qui souffrent de dépressions et de troubles alimentaires à cause de moqueries sur le poids".

Concernant l'activité physique, les députés proposent de "rendre les 3 heures hebdomadaires d'EPS effectives au premier degré", puisque "le temps moyen effectif consacré à cette matière n'est en réalité que d'une heure 45 minutes par semaine" ; et de "porter le volume horaire à 4 heures pour tous les collégiens". Une mesure jugée utile pour le Dr Delmas : "En tant que pédiatre bien sûr, je sollicite le sport. Favoriser l'activité sportive, c'est l'élément clé". Les députés souhaitent également lutter contre les certificats médicaux de dispense sportive, qui seraient trop souvent donnés aux élèves.

Des propositions faites face à la "gravité de la situation : celui d'une sédentarité croissante, et de l'insuffisance du rôle de l'école dans la promotion et l'encadrement de l'activité physique et sportive, cette situation risquant de conduire à une véritable 'épidémie' de surpoids et d'obésité, avec un fort retentissement en termes de santé publique dans les décennies à venir", rappellent les députés. Ils estiment que même si "ce sujet n'est pas totalement ignoré", les mesures prises "ont été inégalement mises en œuvre, et sont de toute évidence insuffisantes pour lutter contre les dommages sanitaires croissants associés à l'inactivité".

D'après les derniers chiffres disponibles en France en 2017,  20 % des enfants de 6 à 17 ans étaient en surpoids dont 5,4 % en situation d'obésité. Une étude récemment publiée dans la revue The Lancet révélait que dans le monde, sans actions urgentes, "plus de la moitié des adultes et un tiers des enfants et des adolescents devraient souffrir de surpoids ou d'obésité d'ici 2050".