"Cette armée est représentative de la culture d'un peuple"

Pour savoir ce que "Les soldats de l'éternité : les guerriers de Xi'an" nous réserve comme surprises, nous avons interrogé un des commissaires de l'exposition, Alain Thote. Voici le résultat de notre investigation.

Pourquoi avoir choisi la Pinacothèque de Paris pour accueillir l'exposition Les soldats de l'éternité : les guerriers de Xi'an  ?

Alain Thote : Les expositions archéologiques sur la Chine sont rares en France. Lothar von Falkenhausen, de l'Université de Los Angeles, et moi-même, sommes tous les deux des spécialistes de l'âge du Bronze en Chine. Nous avons déjà effectué des recherches sur la culture matérielle de la principauté de Qin. Aussi l'occasion de présenter au grand public les résultats de cette recherche, tout en étant entourés des meilleurs spécialistes, a été pour nous déterminante. Nous avons accepté de réaliser cette exposition avec enthousiasme.

 

Que pourra-t-on y voir ? Et comment la scénographie a-t-elle été conçue ?

Alain Thote : L'exposition présente plusieurs œuvres d'importance majeure provenant des fosses annexes de la tombe du premier empereur de Chine, mort en 210 avant notre ère. L'objectif est de mettre en perspective la construction de cette sépulture en évoquant le contexte social, religieux et artistique de la principauté de Qin avant l'avènement de l'Empire, créé en 221 avant notre ère, et au cours du règne de Qin Shihuangdi ( 221-210 av. J.-C.). Les pièces de l'exposition couvrent donc la période allant du VIIIe au IIIe siècle avant notre ère, et proviennent de plusieurs musées d'une seule province, le Shaanxi, sur lequel s'étendait autrefois le territoire de la principauté de Qin.

La scénographie, qui répond à cette organisation scientifique, se divise en trois parties. La première évoque la culture matérielle de la principauté de Qin entre le VIIIe et le IVe siècle avant notre ère, la seconde présente Qin à l'époque des Royaumes Combattants (481-221 av. J.-C.) et la troisième expose la tombe du premier empereur et ses guerriers. Les pièces sélectionnées sont présentées dans l'ordre chronologique et par thèmes, tels que le char, la musique, les modèles funéraires (greniers à blé, meules, fourneaux, personnages, etc.), les armes. On montre ainsi que la conception de la tombe comme microcosme, évocateur de l'environnement et des objets de la vie quotidienne du défunt, s'est progressivement constituée dans la principauté de Qin pour atteindre un sommet avec le mausolée de l'empereur. Ce dernier avait voulu la représentation des mers et des fleuves, et de toute son armée.

cheval
Cheval sellé en terre cuite de la dynastie Qin © Pinacothèque de Paris

Quelle est l'œuvre majeure de l'exposition ?

Alain Thote : Cette question est difficile, car pour nous, l'exposition présente plusieurs œuvres de très grande qualité aussi bien sur le plan artistique que pour leur intérêt scientifique. Ainsi, la présence d'un musicien assis, découvert en 1999, est extraordinaire. On le voit entièrement tendu par le jeu de l'instrument qui était entre ses mains (en bois, il s'est désintégré), très concentré, figé dans cette attitude depuis plus de deux mille ans. Mais on pourrait aussi souligner la beauté du cheval présenté dans la première salle, entièrement équipé (c'est la première fois en Chine qu'est attesté l'usage de la selle). Ces sculptures n'avaient jamais été présentées en France. Il y a bien évidement d'autres œuvres.

Cette exposition est-elle une réplique de celle organisée en 2001 au Petit Palais "Chine : la gloire des empereurs " ?

Alain Thote : Non, certainement pas, dans la mesure où l'exposition de la Pinacothèque est centrée sur une seule province de la Chine, le Shaanxi, où se trouvait le territoire de Qin. Elle se fixe des limites chronologiques précises. Nous n'avons pas cherché à additionner des chefs-d'œuvre sans rapport les uns avec les autres. Nous avons voulu rassembler des pièces d'importance majeure ou plus modestes, mais véritablement représentatives de la culture d'un peuple, afin de faire comprendre au public le cheminement par lequel une principauté parmi les autres fut capable de créer un empire deux fois millénaire.