Le prix de la paix : une série en 6 épisodes sur un sujet méconnu et peu glorieux de l'après-guerre
La série Le Prix de la paix n'est pas une nouveauté. Frieden en version originale a été diffusée en 2020 sur la télévision suisse alémanique SRF. Créée par Petra Biondina Volpe, cette mini-série en 6 épisodes de 45 minutes est en revanche proposée pour la première fois en France, à partir de ce jeudi 15 mai, sur Arte, qui la met aussi en intégralité sur sa plateforme de streaming. L'intrigue démarre en 1945, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. On y suit les destins croisés de Klara, Johann et Egon, trois jeunes suisses qui tentent de se reconstruire.
Klara travaille dans un foyer accueillant des survivants des camps de concentration. Son fiancé, Johann, essaye de sauver l'entreprise textile familiale au bord de la faillite. Quant à Egon, le frère de Klara, il intègre le bureau du procureur pour traquer les criminels de guerre nazis réfugiés en territoire helvète. Mais derrière cette apparente quête de paix et de justice, la série dévoile les parts d'ombre de la Suisse d'après-guerre.
Une Suisse neutre, et après ?
Car si on sait tous que la Suisse a été épargnée par le conflit, tenant ferme son principe de neutralité pendant toute la Seconde Guerre mondiale, on sait moins que le pays a dû ensuite en payer le prix, devant se réinventer une place sur l'échiquier international. Cela passera notamment par un rapprochement avec les Etats-Unis, devenus la nouvelle puissance dominante, au détriment des relations économiques privilégiées avec l'Allemagne d'avant-guerre.
Pour séduire les Américains, la Suisse devra ainsi faire des compromis, comme livrer une partie des avoirs nazis déposés dans ses banques, ou encore accepter sur son sol des criminels de guerre en fuite, en échange d'informations pour les Alliés, avant l'ouverture du procès de Nuremberg. Un travail de mémoire douloureux pour ce pays qui s'est enrichi avec l'or nazi pendant le conflit.
Le Prix de la paix montre aussi le sort déplorable réservé aux survivants de l'Holocauste, parqués dans des foyers insalubres pendant plusieurs années après les camps de la mort. Leur présence dérange alors une Suisse qui préfère occulter les horreurs des de la Shoah pour tourner la page au plus vite. Une attitude ambivalente face à l'accueil des réfugiés qui n'est pas sans résonance avec l'actualité.
Faut-il regarder Le prix de la paix ?
La force de la série est de traiter ces enjeux historiques et mémoriels à hauteur d'homme, par le prisme de destins individuels finement caractérisés. Les héros se débattent avec leurs dilemmes intimes : sauver l'entreprise familiale quitte à pactiser avec d'anciens nazis, accéder à la demande en mariage d'un survivant malgré le qu'en-dira-t-on, affronter ses propres démons de guerre... Le Prix de la paix explore ainsi avec minutie, intelligence et sans complaisance ce volet méconnu et peu glorieux de l'après-guerre en Suisse.
Portée par des acteurs impeccables et une reconstitution soignée, Le Prix de la paix prend aussi le temps de déployer une fresque historique passionnante, qui éclaire sur une mentalité helvète déchirée entre neutralité et compromissions. Tout en questionnant la responsabilité collective face aux crimes contre l'humanité. Un regard nécessaire sur les ambiguïtés d'un pays neutre au cœur de l'Europe meurtrie.