Bernie Sanders : des idées de gauche à l'élection américaine, du "populisme" ?

Bernie Sanders : des idées de gauche à l'élection américaine, du "populisme" ? PORTRAIT & PROGRAMME - Qui est Bernie Sanders, l'unique rival d'Hillary Clinton dans la course à l'investiture démocrate ? Ce sénateur de 74 ans concourt à l'élection américaine en se revendiquant "socialiste".

[Mis à jour le 2 février 2016 à 14h57] La bataille à l'investiture démocrate pour les élections américaines est encore longue. Il y encore quelques semaines, aucun observateur politique aux Etats-Unis n'envisageait que Bernie Sanders puisse faire douter Hillary Clinton de son intrônisation de future candidate officielle du parti démocrate. Et pourtant. Le sénateur du Vermont, âgé de 74 ans, est en train de devenir un très sérieux concurrent, surtout depuis qu'il a frôlé la victoire lors du caucus de l'Iowa. Cet outsider est très largement présenté dans les médias américains - et dans divers journaux français - comme un "populiste". Voire même un "Donald Trump de gauche", pour ceux dont la paresse d'esprit rend légitime cet étrange parallélisme des formes.

Bernie Sanders se présente lui-même comme un socialiste, ce qui revient pour bon nombre de médias conservateurs américains à se mettre de lui-même un couteau entre les dents. Le vieil homme serait donc un fou furieux bolchevik, prêt à tout pour faire table rase des fondements capitalistes qui ont tant apporté à l'oncle Sam. Vraiment ? En réalité, le sénateur incarne bien davantage une ligne sociale-démocrate qu'il ne porte de velléités communistes. Son programme, intitulé "Vers une révolution politique", reprend nombre de mesures déjà en oeuvre depuis des décennies dans plusieurs pays de l'Europe occidentale, dont la France : instaurer une assurance maladie publique universelle, sur notre modèle, financée par une nouvelle tranche de l'impôt sur les revenus (52 % pour les revenus supérieurs à 10 millions de dollars), mettre en place des congés maladie payés, redéfinir à l'échelon fédéral le niveau du salaire minimum, et diriger une vaste réforme qui conduirait à baisser considérablement les coûts de l'université, voire rendre son accès entièrement gratuit. Bernie Sanders fait également partie des plus progressistes de son parti - qu'il n'a rejoint qu'en 2015 - sur les sujets sociétaux : il est un fervent défenseur du mariage homosexuel et défend la législation de l'avortement.

Bernie contre "les puissances de l'argent"

Le sénateur séduit de plus en plus de démocrates, et fait un carton auprès des plus jeunes. Outre sa bonne communication sur les réseaux sociaux, il use d'un vocabulaire et développe un plaidoyer très proche des militants d'"Occupy Wall Street". Il considère que le système économique est "truqué" par les lobbies et les acteurs majeurs de la bourse, dont les grandes banques américaines. Et de dénoncer la complaisance - voire la collusion - de la classe politique avec le monde de la finance. "Le vrai problème, c'est que le Congrès appartient aux puissances de l'argent", scandait-il en janvier lors du débat organisé avant la première primaire démocrate.

Placé sur l'échiquier politique français, Bernie Sanders serait sans doute un "réformateur de gauche", probablement élu de l'aile gauche du Parti socialiste. Dans une interview donnée au Monde en 2008, il se défendait s'être un révolutionnaire, au sens où les Européens l'entendent : "Je crois à un certain égalitarisme, c'est-à-dire à une juste redistribution des richesses. Je crois que tout le monde a droit à un niveau de vie décent et à un système de santé. Je crois que nous avons une responsabilité morale par rapport à l'environnement", expliquait-il.

Le ton demeure malgré tout particulièrement virulent pour une société américaine qui s'est développée durant des décennies sans faire de place aux idées que le socialisme européen, mais aussi tous les courants politiques ayant considéré l'interventionnisme de l'Etat comme une vertu, a depuis plus de 100 ans distillées sur le vieux continent. Pourtant, les élans oratoires de Bernie Sanders sont-ils vraiment plus radicaux que ceux d'un François Hollande lors de son meeting du Bourget ? Son programme est-il plus révolutionnaire que celui mis en oeuvre en France par le Conseil national de la résistance en 1944 ?

Alors populiste ou non ? La propension de Bernie Sanders à dénoncer les élites et "la corruption" du système a parfois des relents de conspirationnisme. Mais dans un processus électoral dans lequel le soutien des cadres du parti et des lobbies est impératif, le discours du septuagénaire qui joue la carte du peuple contre l'"establishment" lui permet de secouer la machine bien rôdée des primaires.

Crédit image - SIPANY/SIPA