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 INTERVIEW 
(Mai 2005)

Ariel Alexandre : "Je prends des photos comme un chef-cuisinier ramasse des fruits, des légumes ou des herbes sauvages"

Plongez dans un monde en dehors de la réalité quotidienne.
Influencé par une littérature fantastique et des artistes surréalistes, Ariel Alexandre nous invite à entrer dans son atmosphère onirique qui ne laisse pas insensible.
Vous pouvez découvrir ses créatures numériques à Vence du 15 au 29 mai 2005.
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Cela me force, d'emblée, à avouer mon âge: 65 ans.
J'ai commencé la photo à l'âge de 11 ans, soit il y a plus de 50 ans, lorsque mon parrain m'a offert un boîtier 6x9 avec un minuscule viseur au-dessus. Tout de suite, j'ai développé mes films et tiré (sans agrandisseur) les photos, d'abord sur papier sensible au soleil, qui permettait de faire des photos sépia, puis avec révélateur et fixateur.
Deux ans plus tard, je me suis fabriqué un agrandisseur avec un appareil photo à soufflet, en remplaçant le soufflet par un tissu hermétique assez long permettant des agrandissements en 20x30 à partir de 4 formats carte postale. C'était bien compliqué. Ensuite, entre l'âge de 23 ans et 27 ans, j'ai bénéficié d'un labo photo.

A l'âge de 24-26 ans (1964-66), j'ai exposé mes photos à Paris, en province et à l'étranger. Ces photos ont alors été publiées dans diverses revues (Planète, Asahi Camera, Fiction, l'Officiel de la Photo, Photographie Nouvelle, Point de Vue, etc.), ainsi que dans des livres (chez Denoël, Le livre de poche, etc.).

Puis, pour diverses raisons familiales et financières, j'ai dû abandonner la photo - du moins celle que je voulais faire - pendant... 35 ans, période pendant laquelle j'ai travaillé comme... fonctionnaire international. Je ne suis “revenu” à la photo qu'avec l'invention du numérique, lequel me permet aujourd'hui de recréer l'univers de mon enfance : rires et pleurs, rêves et cauchemars, fées et sorcières.

Avec quel matériel travaillez-vous (argentique et numérique) ?
Du temps de l'argentique, jusqu'à ... il y a 3 ans, j'utilisais un réflex Nikon 801, après avoir utilisé un Contax, un Rolleiflex et un Hasselblad, tous d'emprunt. Aujourd'hui, outre le Nikon 801 de plus en plus rarement utilisé, j'emploie deux numériques: un Nikon coolpix 5000 et un tout petit Contax U4R. A vrai dire, j'utilise surtout ce dernier. Pourquoi ? Parce qu'il joue, pour moi, le rôle que jouait le Leica pour Cartier-Bresson : petit et donc toujours avec soi, mais de bonne qualité.

Votre pratique semble essentiellement liée à un travail sur l'onirisme et l'enfance, que cherchez-vous à refléter dans vos images ? Quel effet cherchez-vous à créer dans l'esprit du spectateur ?
L'étonnement, l'amusement, la peur, le rire, l'interrogation. Exactement comme si je parlais à un enfant, un petit enfant, avant qu'il ne pense ou ne dise de banales stupidités.

Alice au pays des merveilles, Aladin et la lampe merveilleuse, Contes et légendes de tous les pays, voilà ce que je voudrais recréer : fées et démons, rires et stupeurs, rêves et cauchemars.
Pourquoi? Parce que ce que j'ai imaginé dans mon enfance je n'ai pas pu le réaliser ; on est bien paralysé devant le monde lorsque l'on a 4 à 12 ans.

Je dois avouer que le numérique me permet aujourd'hui de réaliser plus ou moins - en tous cas beaucoup mieux qu'avant le numérique - ce que j'imagine. Sans doute mes créations ne sont pas à la mode. Sans doute dira-t-on que ce que je fais n'est ni de la photo, ni de la peinture. Qu'importe : ou bien mes images "interpellent" (pour utiliser un mot à la mode), ou bien elles indiffèrent. La base de ce que je crée est constitué de simples photos d'objets et de lieux familiers. Leur mélange est insolite, leur base ne l'est pas.

Loin des tendances actuelles, mes photos reflètent des situations inattendues, des rencontres impossibles, hors de la réalité quotidienne. Et pourtant, ces photos prennent naissance à partir des quatre éléments de notre milieu naturel: l'eau, l'air, la terre et le feu, mais de façon insolite. Mes personnages ont les cheveux en flammes, soufflent des bulles de savon, embrassent les nuages, naissent dans les feuillages. Cela n'étonne pas les enfants.

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Quel type d'effets numériques appliquez-vous à vos images pour parvenir à un tel résultat ? Quel(s) outil(s) utilisez-vous pour obtenir ces effets ?
Photoshop et deux ou trois logiciels périphériques (Noise Ninja pour réduire le très gênant bruit des photos numériques sur les grands aplats et lors des photos en lumière faible), et quelques plug-ins (infrarouge, anti-poussières...), plus un logiciel de redimensionnement non-destructeur.

Toutes mes photos, qu'elles soient prises en Tiff, Raw ou Jpeg, sont immédiatement transformées en Tiff. Les constructions que j'élabore, avec 3 à 15 calques, sont conservées en 3 exemplaires : un complet avec les calques, ce qui permet d'y revenir plus tard, un complet mais aplati, et un en Jpeg.
Je le conserve sur CD ou DVD, plus sur disque dur externe, plus sur papier argentique que je fais tirer par de bons labos - en ligne, ou pas en ligne - comme Photoweb, Ramero en Italie, etc.

Combien de temps pouvez-vous passer sur le travail d'une image ?
En 2 ans et demi de travail numérique, j'ai sélectionné une centaine de photos que je considère comme acceptables et une autre centaine que je considère comme étant des brouillons.
A raison de 5 à 10 heures de travail par jour sur 6 jours, moins un mois de congé au total, j'estime passer près d'une semaine pour une photo à peu près correcte (tout compris : prise de vue, traitement, conservation, réflexion, ratages de toutes sortes).
En fait, le temps passé peut varier de quelques heures à plusieurs semaines, dans la mesure où, comme un peintre, je range la photo non finie, mais j'y reviens 10 ou 20 fois avant de la terminer. D'ailleurs elle n'est jamais terminée, dans mon esprit.

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Comment naissent ces images dans votre esprit ? D'où tirez-vous votre inspiration pour passer d'une image originale à l'image finale retravaillée ?
C'est très variable. Parfois, cela part d'une idée - illustrer la naissance, l'amour maternel, la vieillesse, etc. - ou d'une phrase ("des racines et des ailes", par exemple, que j'essaie d'illustrer depuis des mois et des mois... sans succès). Mais souvent, cela démarre sur une image et, par associations successives, cela débouche sur une construction imprévue au départ.

Les idées trop structurées au départ, que l'on veut à toute force illustrer, ne conduisent souvent (malheureusement) qu'à une impasse : l'esprit doit rester libre et sautillant. Le point de départ est important, certes, mais l'enchaînement l'est beaucoup plus : quelles images ajouter, intégrer, opposer. Je vais à la pêche de mes images en sélectionnant le plus souvent une photo de fond récente (arbres, mer, rue, flammes, etc.), puis en imaginant une scène insolite : je vais alors à la pêche d'autres images, à faire ou à prendre dans ma bibliothèque personnelle de photos, assez bien classées.
En fait, je “prends” des photos comme un chef-cuisinier ramasse des fruits, des légumes ou des herbes sauvages; comme lui, je mélange ensuite ces épices et ces plantes, fraîchement cueillies ou sortant de mon réfrigérateur-bibliothèque d'images, pour créer des saveurs différentes. La base est naturelle, mais le mélange, celui qui crée des saveurs nouvelles et inconnues, vient de l'imagination. Cela dit, il faut 99% de transpiration pour 1% d'imagination. Mais sans ce petit 1%, on ne va nulle part...

Tirez-vous des influences dans la littérature fantastique (Huxley, Asimov…) ? On sent également dans vos images des influences surréalistes, est-ce le cas ?
Lovecraft, Poe, Asimov, Clarke, etc. m'inspirent, certes, mais c'est plutôt la littérature romantique et insolite qui me guide: Lewis Carroll, Thomas Hardy, les soeurs Brontë.
Votre question est intéressante, car, il y a longtemps (du temps de l'argentique), dans les années 60, j'ai illustré la revue Planète et certains ouvrages de son encyclopédie. J'ai alors également réalisé la couverture de plusieurs numéros de la revue Fiction.
Quant à l'influence surréaliste, je ne saurais la nier. Et pour cause : mon père a fait partie du mouvement surréaliste et j'ai connu, comme enfant, Aragon et Eluard. D'ailleurs, Aragon a personnellement inauguré ma première exposition de photos à Paris, en 1965.
Les peintres qui, selon moi, m'influencent sont surtout Magritte et les peintres dits fantastiques (Verlinde, Persini, Cat, etc.).

Reconnaissez-vous des influences particulières, des "maîtres à photographier" dans le monde de l'image ?
Les photographes que j'aime le plus, sans m'influencer directement, sont : Ansel Adams et Irving Penn : fantastiques paysages, fantastiques portraits.

Le voyage est-il également un élément d'inspiration ?
Oui, tout voyage, à 2 kilomètres ou à 10.000, m'inspire. L'Inde, Bali, Venise m'ont fourni des personnages, des paysages, des scènes, qui m'ont marqué et/ou que j'utilise toujours.
L'essentiel de ma vie ayant consisté à exercer la profession de fonctionnaire international (car j'ai dû cesser la photo à 27 ans pour raisons financières et familiales : je ne voulais pas vivre comme photographe de mariages ou pour faire des photos d'identité), j'ai visité plus de 50 pays.
Les autres mondes, les autres lieux, les autres gens sont une grande source d'inspiration.

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Réalisez-vous uniquement des photomontages ? Ou travaillez-vous également sur des images non retouchées ?
Je fais également des photos sans retouches d'enfants, de paysages, de femmes et de leurs chevelures. Pas très nombreuses en ce moment, mais cela pourrait revenir.

Vivez-vous de votre travail ?
Malheureusement non. Lorsque j'ai essayé de vivre de la photo (dans les années 1960), je voulais que cela fût sans compromission, mais cela s'est avéré impossible. J'ai donc préféré renoncer. C'est comme si j'avais été artiste-peintre et que l'on m'ait demandé de gagner ma vie en repeignant des appartements. J'ai donc choisi une voie totalement différente: fonctionnaire international dans le domaine de l'environnement et des problèmes urbains.
Je suis retraité de la fonction internationale, mais je n'ai jamais autant travaillé: la photo est devenue, redevenue, ma passion totale. J'y travaille tout le temps, parfois en me relevant la nuit...

Des projets ?
J'expose actuellement quelques-unes de mes photos, à Vence, près de Nice.
J'aimerais réaliser des livres illustrés pour enfants ou pour adultes aimant les images insolites. J'aimerais également exposer mes photos dans différents pays. J'aimerais surtout rattraper le temps que j'ai perdu... à faire autre chose que de la photo.

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Son site perso : http://www.espacephoto.org/ariel.alexandre/
Diaporama complet en ligne (en anglais) : Voir son site
Ses images sont exposées du 14 au 29 mai 2005 de 10h à 19h à la Galerie de la porte dOrient - 4, rue Saint Véran à VENCE
 
 [Propos recueillis par Arnaud Baudry, L'Internaute]
 
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