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 INTERVIEW 
Janvier 2006

Bruno Calendini, portraitiste d'animaux

L'Okanvango est un fleuve africain où se concentre une grande variété d'espèces animales. Bruno Calendini a rapporté de cet espace menacé une série d'images audacieuses, esthétiques et engagées.
Il nous explique comment s'est déroulé ce reportage.
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Interview
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Comment êtes-vous venu à la photographie ?
La photographie fut une révélation tardive qui arriva à une époque où je cherchais ma voie. En l'espace de quelques mois, je fus totalement séduit. Rapidement, je compris que je tenais une passion qui pourrait devenir mon métier … Pendant 3 ans, j'appris l'essentiel de la technique dans les livres et les magazines et je consacrai la totalité de mon temps et de mes revenus à cet apprentissage. Une année d'assistanat dans un studio publicitaire en province acheva de me mettre en selle. Je décidai alors de tenter ma chance à Paris.

Quelle est votre activité photographique principale ?
J'ai passé 12 ans à Paris où j'ai tenu à explorer tous les métiers qui se pratiquent avec un appareil photo: publicité, reportage, studio, plateaux télé et cinéma, défilés de mode, grands évènements, concerts, …. J'ai aussi beaucoup voyagé pour des tours opérateurs, des agences ou des magazines. Approfondir ces différents univers fut très enrichissant photographiquement et humainement. Je travaille encore aujourd'hui pour certains de ces clients et j'aime toujours répondre à des commandes dans tous les styles photographiques. Mais depuis quelques années, je reviens à mes premières amours, la photographie de nature.

Comment vous êtes-vous tourné vers la photographie d'animaux ?
Ce fut un pari audacieux pris par un magazine qui connaissait mon travail. J'eu pour mission de poser un regard nouveau et décalé sur un monde qui me passionne mais qui n'est pas le mien : la photographie animalière. Une sorte de carte blanche, avec la possibilité de m'exprimer dans un secteur où je ne l'avais encore jamais fait. Une commande exceptionnelle de nos jours quand, si vous n'avez pas le cursus idéal pour le reportage à accomplir, vous n'avez logiquement aucune chance d'être choisi.

Dans quel contexte avez-vous réalisé ces images ? Quels moyens ont été déployés ?
Ma mission première fut de réaliser en 18 jours, une exposition de 30 images dans le but de les présenter 3 mois plus tard, au Festival International de Photographie Animalière et de Nature de Montier en Der. Un challenge passionnant doublé d'un impératif technique : tester en autonomie complète et sans prise de courant pendant 12 jours sur 18, un système de prise de vues tout numérique de dernière génération et analyser les problèmes liés à l'énergie, à l'enregistrement et à la sauvegarde des données. Le tout en parcourant 1 500 Km sur les pistes chaotiques et sableuses des abords du Kalahari et pendant l'hiver austral (nuits à 2°, journées à 35°).
Au total, 16 000 photos ont été prises, soit 180 gigas de fichiers haute définition. Chaque jour, j'ai trié les images sur des ordinateurs portables installés devant la tente et alimentés par des panneaux solaires, avant d'archiver la sélection et de la sauvegarder sur disques externes et DVD.
Le circuit au Botswana a été préparé "à la carte" en collaboration avec le tour opérateur Objectif nature spécialisé dans le safari. J'ai largement utilisé les moyens de locomotion mis à ma disposition pour photographier dans les meilleures conditions (4 x 4, bateaux, avions, hélicos, …). Côté matériel, j'ai aussi pu obtenir tout ce dont j'avais besoin… Un atout majeur pour la réussite d'un tel reportage.

Quel matériel avez-vous utilisé ?
J'ai préparé ce reportage pendant plusieurs mois durant lesquels j'ai du anticiper sur les conditions dans lesquelles j'allais travailler et les animaux que j'allais rencontrer. Pour la prise de vue, j'étais équipé exclusivement en Nikon : boîtiers Nikon D2X (12,4 millions de pixels), un fisheye et 4 zooms pros, dont le fabuleux 200-400mm f /4 VR stabilisé : un must pour la photographie animalière. Des outils professionnels performants, qui devaient me permettre ensuite de réaliser des tirages d'excellente qualité et en très grand format.
80 Kg de matériel ont été emportés et chaque vis, pince, bague ou filtre avait sa fonction précise. Avant mon départ, j'ai sollicité les marques qui à mes yeux sont les meilleures et les plus fiables dans leur catégorie respective : Lowepro pour les sacs, Manfrotto pour les trépieds et les rotules, et Sandisk pour les cartes mémoire.
Concernant l'énergie nécessaire aux boîtiers et au matériel informatique j'ai testé 3 solutions : les panneaux solaires, les prises allume cigare du véhicule et un convertisseur de courant directement branché sur les causses de la batterie. Les flashs, lampes frontales, talkies- walkies, et télécommandes étaient alimentés par des accus Mignon AA puissants de 2600mAh (Ansmann Energy). J'ai complété cet attirail par quelques ingénieux systèmes de prise de vues à distance, développés par Jama électronique.

Une info pratique pour qui désirerait en savoir plus sur les coulisses de ce reportage dans l'Okavango : un compte rendu sur 32 pages (conseils techniques, matériels, anecdotes et photographies) a été publié dans le magazine Reflex[e] numérique n° 28.

Les images que vous nous proposez dans ce diaporama me donnent envie de vous baptiser "portraitiste d'animaux", cela correspond-il à votre démarche ?
Oui, en effet. Au delà des comportements, je me suis efforcé de déceler chez mes sujets une part d'intimité, des traits de caractère et des signes d'émotion. Si les règles et les contraintes sont différentes, je pense que le pouvoir de séduction du portrait opère avec les animaux comme avec les humains.

Pourquoi avoir choisi le Sépia pour ce sujet ?
Ce choix est avant tout un parti pris artistique. C'est un traitement que j'utilise dans d'autres domaines photographiques, et que je voulais confronter à la photographie animalière. Je trouvais également intéressant de recréer avec la haute technologie d'aujourd'hui, le charme des instantanés africains d'autrefois. Mais c'est aussi une façon d'associer un message à ces images. Le Delta de l'Okavango, comme beaucoup de sanctuaires sauvages est menacé. Les eaux du fleuve sont convoitées par plusieurs pays et les projets de barrages, pipelines, et autres dérivations sont nombreux. Le sépia est une façon de rappeler que si l'homme venait à perturber le cycle des crues de l'Okavango, son écosystème fragile pourrait un jour n'appartenir qu'au passé et sa faune exceptionnelle, n'exister qu'à travers de vieilles photos jaunies.

Effectuez-vous des retouches sur ordinateur ? De quel type ?
En photographie argentique, on choisis son film en fonction du rendu que l'on veut obtenir. En numérique, les photographes professionnels préfèrent gérer ces paramètres en post production, car c'est la solution la plus précise. Noir et blanc, couleur, luminosité, contraste, grain, saturation, … sont donc paramétrables à posteriori sur ordinateur, avec beaucoup de finesse et grâce à des logiciels de retouche. J'ai utilisé Photoshop pour optimiser mes images. J'ai d'abord fait mes virages sépia, puis, comme on pourrait le faire en chambre noire avec des badines ou des cartons percés, j'ai aussi joué avec les outils " densité " pour retenir ou accentuer certaines zones de l'image. Je ne suis pas un naturaliste. Sur ce travail, ma vocation était moins de décrire fidèlement la réalité des comportements animaliers que de privilégier l'esthétique, l'atmosphère et la sensualité de ces rencontres avec la faune africaine. A la manière d'un peintre ou d'un dessinateur qui reproduit une scène, la retouche m'a parfois aidé à forcer le trait sur certains détails qui sont apparus plus importants à mes yeux que d'autres, ou l'inverse.

Avez-vous pris des risques pour faire vos photos ?
Nous avons bien subi quelques charges d'intimidation " appuyées " de la part des éléphants mais avec le recul, une seule prise de vues aurait pu mal tourner. C'est celle de la lionne oreilles baissées, qui fixe l'objectif. Dès notre rencontre, elle s'est montrée extrêmement agressive. Plusieurs fois elle a fait face, prête à bondir, rugissant, les yeux plantés dans le zoom, à 3 ou 4 mètres de notre jeep entièrement découverte. Devant une attitude aussi photogénique, il était difficile de résister à l'envie de multiplier les images. Mais dans l'intérêt de chacun, le guide pris rapidement la décision d'éloigner le véhicule et de laisser l'animal en paix.

Qu'est-ce qui fait une bonne image selon vous ?
Dans le cadre de mon reportage j'ai utilisé tous les moyens à ma disposition pour donner de la force aux images. La lumière bien sur, mais aussi des focales variées, la profondeur de champ, les temps de pose, … Plus quelques astuces comme un boîtier fixé au pare buffle et des télécommandes pour des angles originaux. Mais il faut aussi composer avec l'attitude du sujet. Concernant la lionne dont je viens de parler, tout est dans son regard qui vous transperce et sa queue qui fouette rageusement l'air en arrière plan. D'autres fois c'est le cadrage qui crée l'originalité (les mouches devant la gueule du lion), la position du sujet (l'attitude comique des trois autruches), le graphisme (l'ombre des girafes ou le filé sur les buffles)…
De manière générale, faire de bonnes photos animalières requiert beaucoup de patience et une concentration de tous les instants, car il faut observer en permanence et être toujours prêt à déclencher dans de bonnes conditions, face à des scènes souvent furtives.

Faites-vous vos tirages vous-même ?
Non. Cela prend du temps, coûte cher et la qualité est toujours en dessous de ce que sait faire un bon laboratoire. J'ai confié ce reportage à Rainbow color (Paris 11e). Son équipe très pro s'est investie à fond dans mon exposition et n'a fait aucune concession sur le résultat final. Ceux qui verront les tirages accrochés jugeront par eux même… C'est du grand art !

Quelle image n'oublierez-vous jamais ?
Sur plusieurs milliers de photos, 40 seulement ont terminé dans la sélection définitive. J'ai tellement décortiqué, examiné, analysé et soupesé ce choix avant de le valider définitivement, que je doute d'oublier un jour une seule de ces photographies.

Que retenez-vous du Festival de Montier en Der, où vous avez fait sensation avec ces images ?
J'y ai découvert un monde haut en couleurs où la passion règne en maître et des photographes singuliers qui courent la planète pour ramener des images souvent difficiles, parfois impossibles. Ils sont aussi pour la plupart, de grands spécialistes de la faune et d'ardents défenseurs de l'environnement. Je pense à Tony Crocetta, Vincent Munier, Alain Pons, Michel Denis Huot, Guillaume Mazille, Michel Loup, et beaucoup d'autres… qui proposent leurs merveilles sur Internet ou en beaux livres.
On retrouve aussi ces signatures en presse, comme dans l'incontournable "Terre sauvage " ou encore dans le magazine de Laurent Cocherel, photographe et rédacteur en chef de l'excellent " Horizons Nature ".

Des projets ?
Mon exposition "Okavango, portraits animaliers autour d'un fleuve", va continuer à tourner sous le parrainage de Nikon France.
La prochaine date importante est le Salon "Multimédia Image Photo Show" (MIPS), du 16 au 20 mars à Paris, Porte de Versailles. J'ai aussi des idées de livre et je rencontre des éditeurs … D'autres voyages et reportages sont en préparation (dont un en vidéo) ainsi qu'une nouvelle exposition prévue pour 2007 sur les sports nature.


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» Le site Internet de Bruno Calendini

 
 Arnaud Baudry, L'Internaute
 
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